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REVUE ARCHÉOLOGIQUE
Comme l’indique son titre, le livre de M. Guignebert s’adresse avant tout aux
théologiens et aux historiens de l’Église primitive. L’archéologie y occupe
cependant une place assez importante : c’est cet aspect seul de la question que
nous voulons ici envisager. M. Marucchi a consacré jadis tout un petit volume
à l’énumération des souvenirs matériels laissés à Rome par saint Pierre et par
saint Paul. Sans nous attarder à rechercher avec lui la maison où séjourna,
la chapelle souterraine où prêcha le Prince des Apôtres, lieux dont une tradi-
tion plus pieuse que scientifiquement exacte nous a seule révélé l’emplacement,
nous concentrerons notre attention sur la sépulture de saint Pierre, comme
sur le témoin le plus authentique de son séjour possible dans la Ville éternelle.
Si nous en croyons la version officielle, l’apôtre aurait trouvé la mort, sous le
règne de Néron, dans un cirque dont Yépine était sensiblementparallèle au grand
axe de la basilique de Saint-Pierre. L’emplacement exact de cette épine était
attesté jusqu’en 1586 par la persistance d’un superbe obélisque, resté debout
pendant tout le moyen-âge. C’est celui qui figure aujourd’hui devant la basi-
lique; mais une dalle carrée encastrée dans le sol près de la sacristie de Saint-
Pierre, en marque l’emplacement antérieur. Ce cirque se trouvait donc un peu
à l’ouest de la basilique; il était borné à l’est par la Via Cornélia, dont on a
reconnu les traces sous l’église moderne qu’elle traversait parallèlement à son
grand axe et à quelques mètres à peine à la gauche de ce dernier.
Conformément à l’habitude qui plaçait la sépulture de la victime le plus près
possible du lieu de son martyre, saint Pierre fut enterré, dit-on, vis à vis du
cirque, de l’autre côté de la route, et sans doute dans une propriété privée.
Toute cette région était d’ailleurs remplie de tombeaux, comme le prouve un
passage de Lampride, suivant lequel Elagabale dut détruire des tombeaux, vers
220, pour agrandir le cirque (dirulis sepulchris quae ubsistebant).
C’est vers cette époque, au plus tard en 258, qu’on aurait transféré le corps
de saint Pierre sur la voie Appienne au lieu dit ad calacumbas ou Platonia,
dans la catacombe de Saint-Sébastien ; avant la fin du ine siècle on aurait
ramené le corps au Vatican où il se trouverait encore aujourd’hui.
La vénération des fidèles entoure l’emplacement présumé de la sépulture de
l’apôtre de barrières qu’il n’est pas aisé de franchir. Voici pourtant ce qu’a pu
constater sur place le P. Grisar, dont j’ai pu contrôler en partie les affirmations
en 1900, grâce aux facilités exceptionnelles accordées aux membres du Congrès
d’archéologie chrétienne. Le tombeau de saint Pierre est recouvert à l’heure
actuelle par un massif assez considérable de maçonnerie, limité au sud par la
paroi rectiligne d’une grande crypte, au nord par un étroit couloir semi-circu-
laire.
Au centre de ce fer à cheval, vis à vis d’une statue de Pie VI, s’ouvre
une petite chambre oblongue richement décorée de mosaïques du xme et du
xvne siècles. Le sol de cette chambre fut recouvert, sous Innocent X, de plaques
de bronze doré représentant une croix, une tiare, etc. La plaque qui forme une
des branches latérales de la croix est mobile; elle recouvre une cavité étroite
et profonde en forme de puits. Le P. Grisar a constaté qu’à une profondeur
de 35 centimètres, ce trou perfore une dalle de marbre et pénètre dans une
REVUE ARCHÉOLOGIQUE
Comme l’indique son titre, le livre de M. Guignebert s’adresse avant tout aux
théologiens et aux historiens de l’Église primitive. L’archéologie y occupe
cependant une place assez importante : c’est cet aspect seul de la question que
nous voulons ici envisager. M. Marucchi a consacré jadis tout un petit volume
à l’énumération des souvenirs matériels laissés à Rome par saint Pierre et par
saint Paul. Sans nous attarder à rechercher avec lui la maison où séjourna,
la chapelle souterraine où prêcha le Prince des Apôtres, lieux dont une tradi-
tion plus pieuse que scientifiquement exacte nous a seule révélé l’emplacement,
nous concentrerons notre attention sur la sépulture de saint Pierre, comme
sur le témoin le plus authentique de son séjour possible dans la Ville éternelle.
Si nous en croyons la version officielle, l’apôtre aurait trouvé la mort, sous le
règne de Néron, dans un cirque dont Yépine était sensiblementparallèle au grand
axe de la basilique de Saint-Pierre. L’emplacement exact de cette épine était
attesté jusqu’en 1586 par la persistance d’un superbe obélisque, resté debout
pendant tout le moyen-âge. C’est celui qui figure aujourd’hui devant la basi-
lique; mais une dalle carrée encastrée dans le sol près de la sacristie de Saint-
Pierre, en marque l’emplacement antérieur. Ce cirque se trouvait donc un peu
à l’ouest de la basilique; il était borné à l’est par la Via Cornélia, dont on a
reconnu les traces sous l’église moderne qu’elle traversait parallèlement à son
grand axe et à quelques mètres à peine à la gauche de ce dernier.
Conformément à l’habitude qui plaçait la sépulture de la victime le plus près
possible du lieu de son martyre, saint Pierre fut enterré, dit-on, vis à vis du
cirque, de l’autre côté de la route, et sans doute dans une propriété privée.
Toute cette région était d’ailleurs remplie de tombeaux, comme le prouve un
passage de Lampride, suivant lequel Elagabale dut détruire des tombeaux, vers
220, pour agrandir le cirque (dirulis sepulchris quae ubsistebant).
C’est vers cette époque, au plus tard en 258, qu’on aurait transféré le corps
de saint Pierre sur la voie Appienne au lieu dit ad calacumbas ou Platonia,
dans la catacombe de Saint-Sébastien ; avant la fin du ine siècle on aurait
ramené le corps au Vatican où il se trouverait encore aujourd’hui.
La vénération des fidèles entoure l’emplacement présumé de la sépulture de
l’apôtre de barrières qu’il n’est pas aisé de franchir. Voici pourtant ce qu’a pu
constater sur place le P. Grisar, dont j’ai pu contrôler en partie les affirmations
en 1900, grâce aux facilités exceptionnelles accordées aux membres du Congrès
d’archéologie chrétienne. Le tombeau de saint Pierre est recouvert à l’heure
actuelle par un massif assez considérable de maçonnerie, limité au sud par la
paroi rectiligne d’une grande crypte, au nord par un étroit couloir semi-circu-
laire.
Au centre de ce fer à cheval, vis à vis d’une statue de Pie VI, s’ouvre
une petite chambre oblongue richement décorée de mosaïques du xme et du
xvne siècles. Le sol de cette chambre fut recouvert, sous Innocent X, de plaques
de bronze doré représentant une croix, une tiare, etc. La plaque qui forme une
des branches latérales de la croix est mobile; elle recouvre une cavité étroite
et profonde en forme de puits. Le P. Grisar a constaté qu’à une profondeur
de 35 centimètres, ce trou perfore une dalle de marbre et pénètre dans une