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MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
naturellement plus courtes, sont ramenées sur le front, et enroulées à leur
extrémité en une série de petites boucles d'une symétrie parfaite '. Deux
accroche-cœurs ornent chacune des tempes. Nous savions déjà que les Hel-
lènes des premiers âges mettaient, comme le font tous les peuples enfants,
beaucoup de recherche dans leur toilette et de luxe dans leur costume.
En cela d'ailleurs comme en beaucoup de choses, ils suivaient docilement l'exemple
des Egyptiens, des Phéniciens et des Lydiens, leurs initiateurs à la civilisation.
Mais c'est surtout dans l'arrangement de la coiffure que leur instinct de coquet-
terie se donnait carrière. Lorsque Xerxès s'approcha des Thermopyles, les cou-
reurs qui précédaient son armée aperçurent les Lacédémoniens occupés à peigner
leurs cheveux2. Et les figures des frontons d'Egine, contemporaines de la seconde
guerre médique. nous permettent de nous former une idée du temps nécessaire
pour cette grave et délicate opération. Chez les Ioniens, plus riches que les Doriens,
plus amis du luxe et qui subissaient d'une manière plus immédiate l'influence
des mœurs efféminées de l'Asie, le fer et la pommade étaient encore d'un plus
fréquent usage. La longueur de leur chevelure, le soin avec lequel elle était
disposée, aussi bien que leur robe traînante, les faisait ressembler à des femmes.
Des vers du vieux poète Asios, cités par Athénée3, nous montrent les Samiens
s'apprêtant à la fête des Héraea. « Ils peignent les boucles de leurs cheveux
pour se rendre au sanctuaire de Héra, revêtent de beaux vêtements, et leurs
tuniques blanches comme la neige balayent le sol; leurs tresses ondoient au vent
dans leurs liens dorés, et des corymbes d'or brillent au sommet de leur tête; à
leurs bras sont des bracelets ciselés. » Xénophane de Colophon parle aussi de
la vanité qu'inspirait à ses compatriotes leur chevelure parée de bijoux d'or et
ruisselante de parfums.
Pausanias raconte, au sujet de ces modes ioniennes, une anecdote assez amu-
sante4. Lorsque Thésée, jeune et inconnu de tous, arriva de la cité ionienne de
Trcezène, où il avait été élevé, on construisait à Athènes, à côté de la porte à
laquelle aboutissait la route de Phalère, un temple d'Apollon Delphinien. Les
murs étaient déjà achevés, et l'on travaillait à la toiture. Les charpentiers qui
la posaient, voyant approcher ce beau jeune homme vêtu d'une tunique talaire et
les cheveux élégamment tressés, l'interpellèrent en raillant et s'écrièrent : « Quelle
est cette jeune fille en âge de se marier qui court les rues toute seule ? » Thésée
ne répondit rien ; mais, déliant les bœufs de leur charrette, il les lança en l'air,
par-dessus le temple, et beaucoup plus haut.
1. L'Apollon d'Orchomène a aussi des boucles sur le front, mais elles sont moins nombreuses et plus grandes.
2. Hérodote, VII, 208.
3. Athénée, XII, 30 (p. 525, e, f).
4. Pausanias, I, xix, 1.
MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
naturellement plus courtes, sont ramenées sur le front, et enroulées à leur
extrémité en une série de petites boucles d'une symétrie parfaite '. Deux
accroche-cœurs ornent chacune des tempes. Nous savions déjà que les Hel-
lènes des premiers âges mettaient, comme le font tous les peuples enfants,
beaucoup de recherche dans leur toilette et de luxe dans leur costume.
En cela d'ailleurs comme en beaucoup de choses, ils suivaient docilement l'exemple
des Egyptiens, des Phéniciens et des Lydiens, leurs initiateurs à la civilisation.
Mais c'est surtout dans l'arrangement de la coiffure que leur instinct de coquet-
terie se donnait carrière. Lorsque Xerxès s'approcha des Thermopyles, les cou-
reurs qui précédaient son armée aperçurent les Lacédémoniens occupés à peigner
leurs cheveux2. Et les figures des frontons d'Egine, contemporaines de la seconde
guerre médique. nous permettent de nous former une idée du temps nécessaire
pour cette grave et délicate opération. Chez les Ioniens, plus riches que les Doriens,
plus amis du luxe et qui subissaient d'une manière plus immédiate l'influence
des mœurs efféminées de l'Asie, le fer et la pommade étaient encore d'un plus
fréquent usage. La longueur de leur chevelure, le soin avec lequel elle était
disposée, aussi bien que leur robe traînante, les faisait ressembler à des femmes.
Des vers du vieux poète Asios, cités par Athénée3, nous montrent les Samiens
s'apprêtant à la fête des Héraea. « Ils peignent les boucles de leurs cheveux
pour se rendre au sanctuaire de Héra, revêtent de beaux vêtements, et leurs
tuniques blanches comme la neige balayent le sol; leurs tresses ondoient au vent
dans leurs liens dorés, et des corymbes d'or brillent au sommet de leur tête; à
leurs bras sont des bracelets ciselés. » Xénophane de Colophon parle aussi de
la vanité qu'inspirait à ses compatriotes leur chevelure parée de bijoux d'or et
ruisselante de parfums.
Pausanias raconte, au sujet de ces modes ioniennes, une anecdote assez amu-
sante4. Lorsque Thésée, jeune et inconnu de tous, arriva de la cité ionienne de
Trcezène, où il avait été élevé, on construisait à Athènes, à côté de la porte à
laquelle aboutissait la route de Phalère, un temple d'Apollon Delphinien. Les
murs étaient déjà achevés, et l'on travaillait à la toiture. Les charpentiers qui
la posaient, voyant approcher ce beau jeune homme vêtu d'une tunique talaire et
les cheveux élégamment tressés, l'interpellèrent en raillant et s'écrièrent : « Quelle
est cette jeune fille en âge de se marier qui court les rues toute seule ? » Thésée
ne répondit rien ; mais, déliant les bœufs de leur charrette, il les lança en l'air,
par-dessus le temple, et beaucoup plus haut.
1. L'Apollon d'Orchomène a aussi des boucles sur le front, mais elles sont moins nombreuses et plus grandes.
2. Hérodote, VII, 208.
3. Athénée, XII, 30 (p. 525, e, f).
4. Pausanias, I, xix, 1.