Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de la Province de Constantine (Sér. 2,4=14.1870)

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grand nombre pour assister à cetle solennité religieuse.
On étail alors au [printemps, époque où tout fermente,
plantes et animaux. L'effervescence habituelle du caratère
africain était donc encore augmentée par la température
de la saison. Au milieu de la foule bourdonnante, le
cherif, qui était, du reste, un brillant cavalier, exécute
une fantasia frénétique sur sa jument, dite El-Fassia, en
faisant parler la poudre à l'aide de son fameux fusil an-
glais a trois coups. Ces détonations successives causaient
l'admiration des Kabiles, gens naïfs, recourant au mer-
veilleux pour tous les faits qu'ils ne peuvent s'expliquer.

Après ses exercices équestres, le cherif présidait à la
prière publique, entouré de tous ses adhérents, lorsque,
dans un de ces silences solennels qui séparent les diverses
parties de l'oraison musulmane, une voix sortie de dessous
terre, prononça lentement ces paroles :

« Le moment est venu! Dieu va vous livrer les oppres-
seurs du pays. Mohammed-bel-IIarelie sera votre libé-
rateur; il est le maître de l'époque (sahab-el-ouokt).
Levez-vous tous, car le Seigneur vous livrera Bône, Cons-
lantine et même Alger. »

Cette allocution, en apparence surnaturelle, jetée au
milieu d'une population toujours disposée à la révolte,
et qui était d'ailleurs adroitement préparée par celui qui
espérait en recueillir les fruits, produisit un effet immense
et instantané. Chacun des assistants, tomba le visage
contre terre et ne se releva que pour crier : Dieu le veut !
la victoire est assurée !

Des Français, avant de se laisser aller à la fougue de
l'enthousiasme, auraient peut-être eu l'idée de creuser
la terre d'où la voix merveilleuse était sortie. Une pareille