Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de la Province de Constantine (Sér. 2,4=14.1870)

finirent par le surprendre dans un sentier, pendant qu'il
se rendait d'une tribu à l'autre, et ils le tuèrent à bout
portant, lui et son domestique. Les deux émissaires ren-
trèrent aussitôt à Gigelli, rapportant la tête du cherif que
Si Amokran expédia à Alger. Le Pacha, reconnaissant, fit
donner cent douros de gratification à chacun des deux
hommes; quant à Si Amokran, il reçut, de son côté, de
riches cadeaux et de nouveaux témoignages d'affection du
gouvernement turc.

Depuis cette époque, et jusqu'au moment de la conquê-
te française, aucun fait digne d'être signalé ne se pro-
duisit à Gigelli. Sa population, depuis l'expédition du duc
de Beaufort, avait perdu tout ce qui constituait sa richesse,
c'est-à-dire ses relations commerciales avec les négo-
ciants de l'Europe, qui ne reparurent plus dans son port.
Les Gigelliens, faule de terres à exploiter, servaient sur
les bâtiments corsaires d'Alger ou faisaient de crique en
crique, le long du littoral, un petit commerce d'échanges
avec les Kabiles. Le port possédait environ vingt-quatre
sandales ou felouques, qui s'employaient de temps en
temps au transport des bois de construction pour la ma-
rine. Lorsque cette occupation cessait, les caboteurs
allaient vendre aux habitants-d'Alger des huiles, de la
cire ou bien du charbon fabriqué dans la tribu des Beni-
Kaïd, à quelques lieues à l'ouest de la ville. La petite
crique où les patrons de barque prenaient leur charge-
ment, a conservé le nom de Marsa-el-Fehem, le port au
charbon.

Un marché se tenait tous les vendredis sur la place de
la ville. Les soldais turcs de garde aux portes faisaient
déposer aux Kabiles qui le fréquentaient leurs armes