Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de la Province de Constantine (Sér. 2,4=14.1870)

— 247 —

dantes les unes des autres et séparées par des haines et
des rancunes traditionnelles. Il suffisait que l'une d'elles,
animée d'intentions pacifiques ou purement par intérêt,
entrât en relations avec les Français qui venaient d'oc-
cuper Gigelli, pour que sa rivale mit immédiatement tout
en œuvre afin de lui nuire, en faisant rompre ces relations.
Gomme rien, dans l'ensemble du costume surtout, ne
permettait de distinguer l'ami de l'ennemi, il arrivait fré-
quemment que des hommes appartenant à des tribus
hostiles pénétraient parmi nous en se faisant passer pour
nos alliés. Après avoir librement fait leurs affaires, bien
observé et espionné ce qui se passait, ils s'en retour-
naient vers la campagne; mais arrivés à quelques pas des
avant-postes, iis reprenaient leurs armes cachées dans la
broussaille, et se donnaient la satisfaction, avant de s'é-
loigner, de décharger leur fusil sur nos sentinelles avan-
cées. «

Cette tactique rusée du Kabile a existé de tout temps,
et nous devons nous rappeler que, lorsque les Siciliens
avaient pris pied à Gigelli, et en 1664, lors du débarque-
ment des Français, les choses ne se passaient pas autre-
ment. Une tribu n'avait pas plutôt fait des ouvertures
pacifiques, pénétré dans le camp et vendu ses denrées,
qu'une autre tribu rivale recommençait les hostilités.
Les documents du temps s'accordent sur ce point; mais
je n'hésite pas à croire que, parmi les agresseurs, devaient
se trouver souvent ceux-là même qui, quelques heures
avant, étaient venus fraterniser avec les chrétiens. Nous les
avons vu agir à peu près de la même manière à l'égard
des Turcs, qui cependant étaient venus leur prêter main
forte pour les aider à combattre l'armée de débarque-