Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de la Province de Constantine (Sér. 2,4=14.1870)

l'interprète, était suivie par un murmure qui indiquait
que la parole du Gouverneur avait frappé juste, qu'un
intérêt avait été compris, qu'un instinct avait été remué.

L'allocution achevée, chaque nouveau cheikh est ap-
pelé à son tour, reçoit le burnous et passe devant le
Gouverneur, dont il baise la main en renouvelant le ser-
ment de fidélité à la France. Quelques-uns de ces hom-
mes qui se croyaient, il y a peu de jours, destinés à ne
jamais connaître le joug, avaient, dans leurs vêlements
noircis, quelque chose qui rappelait le farouche désordre
de leurs montagnes. C'était un spectacle touchant, celui de
voir la pourpre française tomber sur ces sauvages cos-
tumes. 11 y avait là comme une image sensible de ces ra-
pides métamorphoses qu'opère la puissance de notre
pays sur l'Algérie.

Après la distribution des burnous, le Gouverneur fait
de nouveau ranger les cheikhs autour de lui. Il leur
rappelle les paroles qu'il vient de prononcer; il insiste
sur la paix qui doit régner entre eux pour que l'industrie
de tous prospère, et que l'intérêt de tous soit sauve-
gardé. Il termine en leur disant que la parole kabile a
la réputation d'être une parole inviolable, et que c'est à
leurs actions, désormais, de confirmer leur renommée.

Celte fête, qui se passait un dimanche, n'aurait pas été
complète si, a tant d'éléments de grandeur humaine, la
religion n'avait point mêlé sa majesté1. Depuis deux jours,
le supérieur de la Trappe de Staouéli, l'abbé Régis, était
venu rejoindre la colonne. En face de la mer, à l'une des
extrémités du camp, «levant, le fond étincelant des mon-
tagnes, s'élève, entre deux faisceaux d'armes, un autel
surmonté d'une immense croix formée par deux branches