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Institut Français d'Archéologie Orientale <al-Qāhira> [Hrsg.]; Mission Archéologique Française <al-Qāhira> [Hrsg.]
Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes: pour servir de bullletin à la Mission Française du Caire — 37.1915

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Nr. 1-2
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Boussac, Hippolyte: Commentaire sur un passage d'Hérodote: (Liv. II, 18)
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https://doi.org/10.11588/diglit.12744#0031
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COMMENTAIRE SUR UN PASSAGE D'HÉRODOTE

27»

Voici d'abord l'interprétation qu'en donne M. Maspero : « Le prêtre ajoutait, s'il
faut en croire Hérodote, dit-il, que l'eau se divisait par moitié au sortir des gouffres et
•s'écoulait partie au nord vers l'Égypte, partie au sud vers l'Éthiopie. Il est possible à
la rigueur qu'un Saïte, vivant loin des cataractes et ne les connaissant que par ouï-dire,
:ait donné au voyageur grec ce renseignement invraisemblable; je crois cependant que
l'erreur est du côté d'Hérodote. Le Nil n'est pas un être simple; il était en deux per-
sonnes. On voit souvent, sur la base des statues royales, des tableaux représentant les
deux Nils affrontés et liant à une touffe de lotus, emblème du midi, une touffe de pa-
pyrus, emblème du nord ; c'était une manière de marquer aux yeux que le pharaon
réunissait la suzeraineté de Thèbes à celle de Memphis et régnait sur l'Égypte entière.
Il y avait donc un Nil du midi, couronné de lotus, et un Nil du nord, couronné de
-papyrus, et l'existence des deux Nils explique l'existence, entre Eléphantine et Syène,
de deux rochers et deux gouffres : l'un donnait naissance au Nil du midi, l'autre au Nil
du nord. J'ajouterai que ces deux désignations ne répondaient pas uniquement à la
division de l'Égypte en Thébaïde et en Delta. Les textes nous apprennent, en effet,
que des deux côtés du fleuve étaient deux déesses coiffées des mêmes fleurs que le Nil
lui-même, et nommées Meriti, les deux rives. L'une de ces déesses s'appelait la Miri
du nord, et représentait la rive droite, l'autre la Miri du sud, et représentait la rive
gauche. Le Nil du nord, associé à la Miri du nord, était donc la portion des eaux qui
coulait le long de la rive droite, le Nil du sud, associé à la Miri du sud, la portion des
eaux qui coulait le long de la rive gauche. C'est là, probablement, ce que le prêtre de
Saïs dut raconter à Hérodote; Hérodote, qui demandait et croyait recevoir un rensei-
gnement de géographie positive, interpréta les paroles de son interlocuteur, comme
devait le faire un Grec ignorant de théologie égyptienne. Le Nil du nord devint, pour
lui, la moitié des eaux qui montait au nord vers l'Egypte, le Nil du sud, la moitié qui
descendait au sud vers l'Éthiopie; ces deux mentions, qu'il ajoute par amour de la
clarté au récit de l'Égyptien, en dénaturèrent complètement le sens et transformèrent
en absurdité géographique ce qui n'était, au début, qu'absurdité mythologique. »

La théorie de M. Maspero est non seulement très séduisante, mais profonde et
vraie, si l'on se place au point de vue mythologique. Les récents travaux des sociolo-
gues sur les documents fournis par les enquêtes ethnographiques nous ont, en effet,
familiarisés avec la notion qu'en tous temps et en tous lieux, les peuples primitifs se
sont plu à classer les phénomènes naturels, les idées, les divinités, etc., en deux grands
groupes antagonistes. Dans ce dualisme primitif, chaque chose, classée dans un des
deux groupes, non seulement s'oppose à une chose définie à l'autre groupe, mars
s'oppose également à l'ensemble de celui-ci et participe à la nature des autres choses
de son groupe propre. Tous les objets du groupe A sont ainsi interchangeables, de
même que les objets du groupe B. Donc, rien de plus naturel, — du moins pour la
logique primitive, — que de voir le Nil du nord symbolisé par une divinité de sa
rive droite, et le Nil du sud par une divinité de sa rive gauche. La thèse de M. Mas-
pero est donc entièrement conforme à ce que nous savons du mécanisme de la pensée
mythique, et il n'est nullement nécessaire, pour qu'elle soit juste, qu'il y ait à sa

RECUEIL, XXXVII. — TROISIÈME SÉR., T. V. 4
 
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