“ LE SOULIER DE SATIN ”
Sur ce plan, le verbe de Paul Claudel est magnifiquement théâtral car il est constamment
respiré. Le mot, le poète nous le dit lui-même, est une bouchée intelligible. Il frappe le
spectateur en pleine poitrine, beaucoup plus physiquement qu’intellectuellement. A l’au-
dition du verbe de Paul Claudel on doit avoir l’impression d’absorber une nourriture.
C’est du pain. Tout autant que le geste, il est fabriqué corporellement par l’acteur. Il est
(Photo Debretagne.)
Décor de Lucien Coutaud pour le 3 ze tableau : Le château arrière du bateau amiral.
plastique. C’est ce qui permet de faire, dans Paul Claudel, ces passages, en général si diffi-
ciles à faire, d’un geste à un mot, d’un mot à un souffle, d’un cri à un pas, d’un regard du
cou à une phrase. On peut dire que le verbe de Paul Claudel est la partie buccale et respi-
ratoire de l’expression corporelle. Mon souffle vibre en son passage : la voyelle naît. Les
muscles de la bouche le cisaillent à coups de consonnes : voici la syllabe; ainsi le verbe
de Paul Claudel. C’est un langage respiré et mâché. Il est spécifiquement théâtral. Il se
déroule au rythme de la pulsation : brève, longue d’où l’ïambe que l’on y rencontre si sou-
vent. Quelques minutes d’attention sur ce que sont : dactyles, spondées, anapestes, tri-
braques, ïambes, etc..., un peu d’oreille et les vers de Paul Claudel sont passionnants à
étudier.
En avançant dans l’étude de la diction, la différence qu’il y a entre le verbe écrit
et le verbe parlé me paraît de plus en plus grande. Je parle toujours d’une expérience
qu’il m’a été permis de faire aux Français lors d’une matinée poétique. J’avais à lire à haute
voix un passage de Stendhal. Ce passage était si parfaitement écrit pour les yeux et si peu
pour ma langue que j’avais l’impression très nette d’arracher tous les caractères d’impri-
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Sur ce plan, le verbe de Paul Claudel est magnifiquement théâtral car il est constamment
respiré. Le mot, le poète nous le dit lui-même, est une bouchée intelligible. Il frappe le
spectateur en pleine poitrine, beaucoup plus physiquement qu’intellectuellement. A l’au-
dition du verbe de Paul Claudel on doit avoir l’impression d’absorber une nourriture.
C’est du pain. Tout autant que le geste, il est fabriqué corporellement par l’acteur. Il est
(Photo Debretagne.)
Décor de Lucien Coutaud pour le 3 ze tableau : Le château arrière du bateau amiral.
plastique. C’est ce qui permet de faire, dans Paul Claudel, ces passages, en général si diffi-
ciles à faire, d’un geste à un mot, d’un mot à un souffle, d’un cri à un pas, d’un regard du
cou à une phrase. On peut dire que le verbe de Paul Claudel est la partie buccale et respi-
ratoire de l’expression corporelle. Mon souffle vibre en son passage : la voyelle naît. Les
muscles de la bouche le cisaillent à coups de consonnes : voici la syllabe; ainsi le verbe
de Paul Claudel. C’est un langage respiré et mâché. Il est spécifiquement théâtral. Il se
déroule au rythme de la pulsation : brève, longue d’où l’ïambe que l’on y rencontre si sou-
vent. Quelques minutes d’attention sur ce que sont : dactyles, spondées, anapestes, tri-
braques, ïambes, etc..., un peu d’oreille et les vers de Paul Claudel sont passionnants à
étudier.
En avançant dans l’étude de la diction, la différence qu’il y a entre le verbe écrit
et le verbe parlé me paraît de plus en plus grande. Je parle toujours d’une expérience
qu’il m’a été permis de faire aux Français lors d’une matinée poétique. J’avais à lire à haute
voix un passage de Stendhal. Ce passage était si parfaitement écrit pour les yeux et si peu
pour ma langue que j’avais l’impression très nette d’arracher tous les caractères d’impri-
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