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291

ÉDITORIAL

Les entreprises américaines. — Progrès
mal compris.—Les catastrophes successives.
— Timidité et Témérité.

Il est évident que les Américains doivent, avec
le flegme dont ils ont hérité de leurs aïeux, nous
attribuer un© timidité excessive et, avec la vigueur
des peuples jeunes et vigoureux, des peuples qui
sont encore remplis des folles illusions de la jeu-
nesse, ils doivent, parfois sourire en apprenant les
précautions que nous prenons lorsqu'il s'agit de
mettre des briques les unes sur les autres ou d'as-
sembler quelques poutrelles en fer.

La construction de la Tour Eiffel et de la Galè-
ne des machines a dû être pour eux un objet de
stupéfaction ; ils sont certainement tombés de leur
haut en apprenant que nous allions construire
quelque chose «qui sortirait de l'ordinaire». Per-
suadés que nous ne jiouvions nous écarter des voies
tracées par la routine, ils ont douté que nous puis-
sions concevoir des œuvres de grande envergure,
pir.s, voyant que la conception avait eu lieu, ils
ont douté qu'elle serait jamais réalisée et, enfin,
apprenant que cette réalisation s'était effectuée,
ils ont encore douté de la valeur de nos connais-
sances techniques et n'ont pas admis que l'œuvre
imaginée puisse tenir debout.

Certes, nous devons reconnaître que nos maî-
tres, ingénieurs ou architectes, sont rarement dis-
posés à sortir des limites tracées par l'habitude.
Avouons que les nouveautés nous effraient un peu
et que ce n'est pas sans hésitation qu'on se décide,
chez nous, à reconnaître la valeur d'un système
nouveau.

Le ciment armé, par exemple, n'avance ici qu'à
pas très lents, alors que nos voisins l'emploient
depuis longtemps; la construction métallique,
dont les calculs sont plus connus, ne donne que
très rarement à nos ingénieurs l'occasion de pro-
duire des œuvres remarquables par leur enver-
gure.

Si cet excès de timidité peut être un défaut,
s'il semble un frein appliqué à la roue du progrès,
il faut reconnaître qu'il a cet immense -avantage de
forcer nos constructeurs à n'entreprendre un ou-
vrage quelconque que lorsqu'ils se sont entourés
de toutes les garanties qui assureront la stabilité
de l'œuvre.

L'excès contraire peut, en effet, amener des dé-
boires assez cruels, et depuis quelque temps les
Etats-Unis ont dû se rendre compte que la har-
diesse qu'ils apportent dans leurs entreprises a des
conséquences dangereuses.

On verra, plus tard, comment un© cheminée
s'est abattu© après 5 jours de construction, mais
sans vouloir empiéter sur le domain© de notre col-
laborateur, disons de suite qu'il fallait un© cer-
tain© dos© de confiance en sol-même pour admettre
qu'une pièce de 45 mètres de hauteur, à laquelle

on n'avait donné comme base que 2m30 de dia-
mètre, pouvait résister bien longtemps aux in-
fluences de la nature.

Le diamètre intérieur d© cette cheminée, qui
est de lm98 au sommet, n'est plus que de lm8ii à
la hase, conception assez bizarre et assez éloignée
des principes courants qui, eu général, donnent
un fruit intérieur de 0mÎ2 par mètre, c'est-à-dire
que, prenant ce diamètre ae lm98, on aurait dû
avoir lm98+45x0m12 = 7m38.

On verra dans Le travail que nous donnerons
plus tard que l'épaisseur de la cheminée est régu-
lière dans la moitié environ de sa hauteur et di-
minue à ce moment pour s'élever régulièrement
jusqu'au sommet.

Il est évidemment pou probable qu'il se serait
trouvé chez nous un architecte pour imaginer une
tell© construction.

On noue dira que cette cheminée a été détruite
par un orage, mais il semble que ce n'a pas dû
être la première manifestation des éléments en
courroux qui se produise dans le pays et il paraî-
trait assez logique que l'ingénieur aurait dû se
douter qu'il y avait des époques où la colère du
ciel se manifestait plus ou moins violemment et,
par conséquent, qu'il était nécessaire que sa che-
miné© puisse résister autant que possible à ces
troubles célestes.

L'accident survenu à la cheminée de La Crosse,
bien que grave, n'a au moins eu que des consé-
quences matérielles et les inspecteurs n'ont, heu-
reusement, pas eu mont d'homme à déplorer.

Il n'en fut pas d© même au pont de Québec, qui
s'écroula avant même d'être wrminé, entraînant
dans sa chute 85 ouvriers dont 20 seulement ont
pu être sauvés du St Lawrence où les avait plon-
gés l'incurie des ingénieurs.

Ce pont était construit en poutres d'acier dites
à Canfeliver et s© composait de deux petites arches
d'acier de 220 pieds (67 m.) chacune et d'un©
arche central© d© 675 pieds (205m75) ; sa hauteur
au-dessus du niveau des eaux était de 150 pieds
(45m70), sa Largeur de 67 pieds (20m40).

Or, on avait prévu remploi de 38,500 tonnes d©
fer, ce qui est déjà un poids propre assez considé-
rable, et sur ce pont devait passer un chemin de
fer, un tramway et La circulation ordinaire de voi-
tures et de piétons.

Cette catastrophe a donné Lieu à un rapport
assez curieux pour en déterminer les causes, mais
quelles qu'elles soient, il est fort probable que le
point de départ a été, là comme ailleurs, Le désir
mal contenu de surpasser l'univers entier par un
travail gigantesque.

Lorsqu'un peuple ©st atteint par une calamité
natiureilLe, comme 1© tremblement de terre de San
Francisco, les inondations et autres cataclysmes
qui font trembler d'effroi, ce peuple a droit à la
sympathie général© ©t on ne saurait trop 1© plain-
dre des désastres dont ii est la victime involon-
taire et contre lesquels il n'a aucun moyen de se
 
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