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ÉDITORIAL
Architectes et agents voyers.
Gomme nous en avions l'intuition en ouvrant nos
colonnes à la Société des Architectes de la Haute-
Saône, cette question de l'ingérence des agents
voyers dans les travaux de construction des dépar-
tements ou des communes a soulevé un tollé de
récriminations et nous a valu une volumineuse
correspondance, que la place nous fait défaut pour
reproduire in exlenso.
Nous nous contenterons donc d'analyser cette
correspondance et d'en donner les parties essen-
tielles, en assurant ceux qui ont compris que si,
seul parmi les organes spéciaux, nous avons donné
à cette campagne l'ampleur de notre vaste publi-
cité, c'est que, fidèle à notre but, nous voulons aider
de tout notre pouvoir le rétablissement des droits
de l'architecte.
Nous comptons que ceux qui ont à cœur de sou-
tenir les puissants intérêts de cette honorable cor-
poration nous aideront dans notre tâche, pour
laquelle nous ne demandons d'autre récompense
que la satisfaction d'avoir accompli ce que nous
considérons comme un devoir.
Procédons par ordre chronologique: Nous rece-
vons de M. Georges Gilbert, architecte au Vésinet,
un mot amical où il nous dit :
« Qu'il adresse ses félicitations aux groupements
de confrères qui, en comprenant leur rôle social et
actif, cherchent un remède aux crises économiques
dont le bâtiment pâtit également.
» Une intervention impartiale ne peut que res-
taurer l'influence morale de notre profession, où le
rayonnement intellectuel des praticiens construc-
teurs est trop engourdi par ordre des pontifes
amateurs. »
Cette note, qui vise en même temps notre article
sur la crise du bâtiment, dépeint un état d'esprit
assez répandu dans le monde de l'architecture, où
l'on est assez enclin à partager la corporation en
deux groupes très différents : les architectes... qui
construisent..., disait M. Guimard, et ceux... qui
ne contruisent pas.
Dans l'esprit de beaucoup, ces derniers, débarras-
sés des préoccupations quotidiennes des travaux,
ont tout le temps de songer aux réformes à faire et
ils y songent peut-être un peu comme certain
leader qui projette la transformation de l'humanité
dans un coin de son cabinet.
Nous avons reçu aussi de M. Wottling, archi-
tecte, ancien directeur des travaux de la ville de
Limoges, une longue lettre, qui n'est que la copie
d'une appréciation de la question des agents voyers
qu'il envoyait au congrès des architectes, deman-
dant qu'elle fût portée à la connaissance des con-
gressistes.
Elle ne fut pas lue et nous comprenons qu'elle ne
l'ait pas été, puisque les principaux intéressés,
architectes de province, n'avaient délégué personne
pour développer la question, et que M. Rozet, le
sympathique secrétaire du congrès, se vit dans
l'obligation de prendre au pied levé la défense de
ceux qui n'avaient pas même jugé utile de se dépla-
cer dans l'intérêt commun.
La note de M. Wottling place la question sur un
terrain délicat en disant :
« L'Etat a-t-il intérêt à faire en l'espèce acte de
justice? Je dis non! Parce que les agents s'occupent
de politique en même temps que de travaux et que
nous ne nous occupons que d'architecture. »
Rappelant une conversation qu'il a eue avec un
inspecteur général des monuments historiques, il
trouve la preuve de l'influence politique des agents
voyers dans la fin de non-recevoir opposée par
Yves Guyot, alors ministre des travaux publics, au
regretté Garnier, qui voulait trancher la question.
Le raisonnement de M. Wottling semble assez
logique au fond et l'on pouvait s'attendre à ce qu'il
indiquât, en même temps que ce qu'il croit être la
cause de la crise actuelle, un remède pour la faire
disparaître. Ce soin a été sans doute laissé par lui
au congrès, puisqu'il ne conclut pas ; mais si à
Limoges on n'a pas su trouver la formule, nous
irons la chercher à Auch (Gers), d'où nous rece-
vons la lettre qui va suivre :
Révoltons-nous !
Mes chers confrères,
J'apprends par ce journal les tribulations de la
Société des Architectes de la Haute-Saône, luttant
contre le préfet et le conseil général pour suppri-
mer l'ingérence des agents voyers dans les travaux
d'architecture. Voilà déjà deux ans que j'ai fondé
un syndicat départemental d'architectes et d'experts,
principalement pour détruire ces mêmes abus.
Depuis cette époque, avec une inlassable téna-
cité, j'ai rédigé toutes les protestations possibles
aux préfets, aux ministres, et je n'ai obtenu que
des commencements d'enquête. J'ai conseillé et
même réussi à faire transformer un certain nombre
de sociétés d'architectes en syndicats, organes
sociaux plus souples et plus actifs que les anciennes
sociétés, mais ces groupements s'organisent pro-
gressivement, avec une passive lenteur, alors que
ma conviction est que seul un mouvement général
énergique de tous les patentés contre l'administra-
tion peut nous faire triompher des abus de pouvoir
que nous subissons.
Je dis et je répète à mes confrères, aux sociétés,
aux syndicats, à toutes les organisations corpora-
tives, n'implorez plus la justice, révoltez-vous, ne
soyez plus les moutons toujours tondus par le fisc,
alors que des fonctionnaires sans instruction pro-
fessionnelle et sans responsabilité s'engraissent à
vos dépens.
Formez au plus tôt des syndicats départementaux
ÉDITORIAL
Architectes et agents voyers.
Gomme nous en avions l'intuition en ouvrant nos
colonnes à la Société des Architectes de la Haute-
Saône, cette question de l'ingérence des agents
voyers dans les travaux de construction des dépar-
tements ou des communes a soulevé un tollé de
récriminations et nous a valu une volumineuse
correspondance, que la place nous fait défaut pour
reproduire in exlenso.
Nous nous contenterons donc d'analyser cette
correspondance et d'en donner les parties essen-
tielles, en assurant ceux qui ont compris que si,
seul parmi les organes spéciaux, nous avons donné
à cette campagne l'ampleur de notre vaste publi-
cité, c'est que, fidèle à notre but, nous voulons aider
de tout notre pouvoir le rétablissement des droits
de l'architecte.
Nous comptons que ceux qui ont à cœur de sou-
tenir les puissants intérêts de cette honorable cor-
poration nous aideront dans notre tâche, pour
laquelle nous ne demandons d'autre récompense
que la satisfaction d'avoir accompli ce que nous
considérons comme un devoir.
Procédons par ordre chronologique: Nous rece-
vons de M. Georges Gilbert, architecte au Vésinet,
un mot amical où il nous dit :
« Qu'il adresse ses félicitations aux groupements
de confrères qui, en comprenant leur rôle social et
actif, cherchent un remède aux crises économiques
dont le bâtiment pâtit également.
» Une intervention impartiale ne peut que res-
taurer l'influence morale de notre profession, où le
rayonnement intellectuel des praticiens construc-
teurs est trop engourdi par ordre des pontifes
amateurs. »
Cette note, qui vise en même temps notre article
sur la crise du bâtiment, dépeint un état d'esprit
assez répandu dans le monde de l'architecture, où
l'on est assez enclin à partager la corporation en
deux groupes très différents : les architectes... qui
construisent..., disait M. Guimard, et ceux... qui
ne contruisent pas.
Dans l'esprit de beaucoup, ces derniers, débarras-
sés des préoccupations quotidiennes des travaux,
ont tout le temps de songer aux réformes à faire et
ils y songent peut-être un peu comme certain
leader qui projette la transformation de l'humanité
dans un coin de son cabinet.
Nous avons reçu aussi de M. Wottling, archi-
tecte, ancien directeur des travaux de la ville de
Limoges, une longue lettre, qui n'est que la copie
d'une appréciation de la question des agents voyers
qu'il envoyait au congrès des architectes, deman-
dant qu'elle fût portée à la connaissance des con-
gressistes.
Elle ne fut pas lue et nous comprenons qu'elle ne
l'ait pas été, puisque les principaux intéressés,
architectes de province, n'avaient délégué personne
pour développer la question, et que M. Rozet, le
sympathique secrétaire du congrès, se vit dans
l'obligation de prendre au pied levé la défense de
ceux qui n'avaient pas même jugé utile de se dépla-
cer dans l'intérêt commun.
La note de M. Wottling place la question sur un
terrain délicat en disant :
« L'Etat a-t-il intérêt à faire en l'espèce acte de
justice? Je dis non! Parce que les agents s'occupent
de politique en même temps que de travaux et que
nous ne nous occupons que d'architecture. »
Rappelant une conversation qu'il a eue avec un
inspecteur général des monuments historiques, il
trouve la preuve de l'influence politique des agents
voyers dans la fin de non-recevoir opposée par
Yves Guyot, alors ministre des travaux publics, au
regretté Garnier, qui voulait trancher la question.
Le raisonnement de M. Wottling semble assez
logique au fond et l'on pouvait s'attendre à ce qu'il
indiquât, en même temps que ce qu'il croit être la
cause de la crise actuelle, un remède pour la faire
disparaître. Ce soin a été sans doute laissé par lui
au congrès, puisqu'il ne conclut pas ; mais si à
Limoges on n'a pas su trouver la formule, nous
irons la chercher à Auch (Gers), d'où nous rece-
vons la lettre qui va suivre :
Révoltons-nous !
Mes chers confrères,
J'apprends par ce journal les tribulations de la
Société des Architectes de la Haute-Saône, luttant
contre le préfet et le conseil général pour suppri-
mer l'ingérence des agents voyers dans les travaux
d'architecture. Voilà déjà deux ans que j'ai fondé
un syndicat départemental d'architectes et d'experts,
principalement pour détruire ces mêmes abus.
Depuis cette époque, avec une inlassable téna-
cité, j'ai rédigé toutes les protestations possibles
aux préfets, aux ministres, et je n'ai obtenu que
des commencements d'enquête. J'ai conseillé et
même réussi à faire transformer un certain nombre
de sociétés d'architectes en syndicats, organes
sociaux plus souples et plus actifs que les anciennes
sociétés, mais ces groupements s'organisent pro-
gressivement, avec une passive lenteur, alors que
ma conviction est que seul un mouvement général
énergique de tous les patentés contre l'administra-
tion peut nous faire triompher des abus de pouvoir
que nous subissons.
Je dis et je répète à mes confrères, aux sociétés,
aux syndicats, à toutes les organisations corpora-
tives, n'implorez plus la justice, révoltez-vous, ne
soyez plus les moutons toujours tondus par le fisc,
alors que des fonctionnaires sans instruction pro-
fessionnelle et sans responsabilité s'engraissent à
vos dépens.
Formez au plus tôt des syndicats départementaux