3 décembre 1871.
REVUE COMIQUE
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salue par une révolution la nomination Je M. Ernest Picard
comme ambassadeur auprès de mon cousin Léopold II.
A l'intérieur, tous les partis ont compris la nécessité d'en
venir à un accord, seule garantie de l'ordre et de la prospérité
publics. Cet accord s'est heureusement établi. Tous les partis,
si divisés naguère, n'ont plus aujourd'hui qu'une même pensée:
usurper le pouvoir et s'y maintenir. Je constate, Messieurs,
avec une certaine fierté, qu'à aucune époque de notre histoire
un accord aussi complet n'a régné sur la direction à donner à
not.'e politique intérieure.
Les inquiétudes que certains esprits bienveillants avaient pu
conserver sur le sort des membres de la Commune émigrés à
l'étranger sont heureusement dissipées. Les rapports que nous
recevons de Genève, de Bruxelles, de Londres et de New-
York contiennent les renseignements les plus satisfaisants.
Tous ces messieurs sont à l'abri du besoin et consacrent leurs
loisirs à nous donner, chaque jour, de nouveaux témoignages
de leur sollicitude.
Depuis hier, le citoveu Clément est rendu à l'affection de ses
amis, et bientôt le maître peintre Courbet, rentré dans la vie
active, pourra nous prêter le concours de son expérience pour
le déboulonnage si nécessaire de la colonne de juillet.
Mon gouvernement entretient des relations de bon voisinage
avec les cabinets dé Lucorne, de Chantilly et de Chilsehurst.
La suppression opportune et attendue de quelques journaux
n'a pas peu contribué à rendre ces rapports plus suivis et plus
intimes.
La prospérité publique vient de recevoir un nouvel essor par
rémission d'une nombreuse série de papier-monnaie, espoir des
épiciers de l'avenir.
En prévision de la prochaine rentrée de l'Assemblée à Paris,
nous avons autorisé l'administration de l'Opéra à donner une
série de bals masqués dont l'aimable entrain et la gaieté de
bon ton ne manqueront pas d'effacer les dernières traces de nos
dissensions intestines.
Déjà, M. Markowski a rouvert ses salons, où la société élé-
gante n'hésitera pas à se porter quand on saura que cet aima-
ble Polonais a rompu décidément avec la Commune.
Les rapports de la garde nationale et de l'armée, légèrement
tendus il y a quelques mois, sont devenus excellents, grâce a
la mesuré tutélaire qui a supprimé la première de ces insti-
tutions.
L'armée a reçu des uniformes neufs, et elle continue à être
animée du meilleur esprit.
La police a reçu également des uniformes nouveaux; ses
petits turbans blancs et ses pèlerines à capuchon sont d'un
grand effet Sur la foule et attirent journellement à Paris un
nombre considérable de voyageurs.
Nos relations commerciales avec l'étranger ont pris dans ces
derniers temps un développement inespéré. Même en Allema-
gne, et malgré les difficultés de la guerre, l'horlogerie française,
a joui d'une faveur qui prouve combien cette industrie si na-
tionale a de ressorts.
Dans ces circonstances, mon gouvernement croit pouvoir en-
visager avec tranquillité l'avenir et compter sur votre concours
loyal et votre patriotique dévouement.
Ai. le président fait ensuite l'éloge des membres du gouver-
nement décodés pendant l'année. Cette partie; du discours con-
sacrée à l'énumération des vertus de, MM. Jules Favre et Er-
nest Picard est couverte par le bruit des sanglots de l'assis-
tance.
La séance est levée au milieu d'une profonde agitation.
Pour copie conforme :
.Y. .. sténographe.
LE MUSÉE DES SOUVERAINS
VIII
P( )UYER-QUERTIEK
ne combinaison d'Hercule
---. et do Ssncho.
=2p — Un jour,parlant potir Diep-
pe, j'arrivai à la gare au mo-
ment où le sifllet annonçait
lo départ du train ; j'étais
„ précédé d'un voyageur cs-
"~-Hy;| !'v .. soul'ilé et attardé comme
moi. — Trop tard, lui dit
l'employé placé devant la
barrière. Le voyageur ne
répondit pas; il prit l'employé par les épaules et le lança
par-dessus la barrière, qu'il ouvrit d'un coup de pied. Nous
passâmes.
Je ne connaissais pas le personnage qui m'avait ouvert lo
chemin d'une façon si... américaine. Il se jeta dans un com-
partiment, moi dans un autre.
A la station do Mantes (10 minutes d'arrêt), j'aperçus
mon homme en téte-à-tète avec un vaste rosbecf llanqué
de pommes do terre et je n'aurais probablement pas su
qui il était si. au mémo instant, le niaitro de rétablisse-
ment n'avait crié à un garçon : Le vin de M. Pouyer-
Quertier.
Voilà comment j'appris du mémo coup que l'homme à la
poigne était M. Pouyèr-Quertier, et que M Pouyer-Quer-
tier avait toujours en réserve au buffet do Mantes une bou-
teille de Bordeaux, grand crû, qui l'attendait au passage.
L'air franc, ouvert, riant; une ligure où la santé éclate
et quj fuit plaisir à voir ; pas lier, la main toujours ten-
due. Uv*touchez là. Des façons de gentlemen farmer, un do
ces tempéraments énergiques et robustes qui assomme-
raient un bœuf d'un coup do poing cl le mangeraient d'un
coup de dent ; l'action, l'action, l'action ; on sent a pre-
mière vue que cet homme est t'ait pour agir, combattre
s'il le faut, renverser les obstacles et toucher le but. Bon
enfant et très-malin. Un Normand greffe sur un Yankee.
A Rouen, ils disent : Pouyer-Quortior comme à Paris on
dit: Rothschild. Filateur, il a dix-huit cents ouvriers qu'il
mène au doigt et à l'œil. Comme les colonels des anciennes
armées qui connaissaient tous les soldats de leur régi-
ment, lui, il connaît tous les ouvriers de sa fabrique de
La Foudre, les appelle par leurs noms, sait s'ils sont céliba-
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salue par une révolution la nomination Je M. Ernest Picard
comme ambassadeur auprès de mon cousin Léopold II.
A l'intérieur, tous les partis ont compris la nécessité d'en
venir à un accord, seule garantie de l'ordre et de la prospérité
publics. Cet accord s'est heureusement établi. Tous les partis,
si divisés naguère, n'ont plus aujourd'hui qu'une même pensée:
usurper le pouvoir et s'y maintenir. Je constate, Messieurs,
avec une certaine fierté, qu'à aucune époque de notre histoire
un accord aussi complet n'a régné sur la direction à donner à
not.'e politique intérieure.
Les inquiétudes que certains esprits bienveillants avaient pu
conserver sur le sort des membres de la Commune émigrés à
l'étranger sont heureusement dissipées. Les rapports que nous
recevons de Genève, de Bruxelles, de Londres et de New-
York contiennent les renseignements les plus satisfaisants.
Tous ces messieurs sont à l'abri du besoin et consacrent leurs
loisirs à nous donner, chaque jour, de nouveaux témoignages
de leur sollicitude.
Depuis hier, le citoveu Clément est rendu à l'affection de ses
amis, et bientôt le maître peintre Courbet, rentré dans la vie
active, pourra nous prêter le concours de son expérience pour
le déboulonnage si nécessaire de la colonne de juillet.
Mon gouvernement entretient des relations de bon voisinage
avec les cabinets dé Lucorne, de Chantilly et de Chilsehurst.
La suppression opportune et attendue de quelques journaux
n'a pas peu contribué à rendre ces rapports plus suivis et plus
intimes.
La prospérité publique vient de recevoir un nouvel essor par
rémission d'une nombreuse série de papier-monnaie, espoir des
épiciers de l'avenir.
En prévision de la prochaine rentrée de l'Assemblée à Paris,
nous avons autorisé l'administration de l'Opéra à donner une
série de bals masqués dont l'aimable entrain et la gaieté de
bon ton ne manqueront pas d'effacer les dernières traces de nos
dissensions intestines.
Déjà, M. Markowski a rouvert ses salons, où la société élé-
gante n'hésitera pas à se porter quand on saura que cet aima-
ble Polonais a rompu décidément avec la Commune.
Les rapports de la garde nationale et de l'armée, légèrement
tendus il y a quelques mois, sont devenus excellents, grâce a
la mesuré tutélaire qui a supprimé la première de ces insti-
tutions.
L'armée a reçu des uniformes neufs, et elle continue à être
animée du meilleur esprit.
La police a reçu également des uniformes nouveaux; ses
petits turbans blancs et ses pèlerines à capuchon sont d'un
grand effet Sur la foule et attirent journellement à Paris un
nombre considérable de voyageurs.
Nos relations commerciales avec l'étranger ont pris dans ces
derniers temps un développement inespéré. Même en Allema-
gne, et malgré les difficultés de la guerre, l'horlogerie française,
a joui d'une faveur qui prouve combien cette industrie si na-
tionale a de ressorts.
Dans ces circonstances, mon gouvernement croit pouvoir en-
visager avec tranquillité l'avenir et compter sur votre concours
loyal et votre patriotique dévouement.
Ai. le président fait ensuite l'éloge des membres du gouver-
nement décodés pendant l'année. Cette partie; du discours con-
sacrée à l'énumération des vertus de, MM. Jules Favre et Er-
nest Picard est couverte par le bruit des sanglots de l'assis-
tance.
La séance est levée au milieu d'une profonde agitation.
Pour copie conforme :
.Y. .. sténographe.
LE MUSÉE DES SOUVERAINS
VIII
P( )UYER-QUERTIEK
ne combinaison d'Hercule
---. et do Ssncho.
=2p — Un jour,parlant potir Diep-
pe, j'arrivai à la gare au mo-
ment où le sifllet annonçait
lo départ du train ; j'étais
„ précédé d'un voyageur cs-
"~-Hy;| !'v .. soul'ilé et attardé comme
moi. — Trop tard, lui dit
l'employé placé devant la
barrière. Le voyageur ne
répondit pas; il prit l'employé par les épaules et le lança
par-dessus la barrière, qu'il ouvrit d'un coup de pied. Nous
passâmes.
Je ne connaissais pas le personnage qui m'avait ouvert lo
chemin d'une façon si... américaine. Il se jeta dans un com-
partiment, moi dans un autre.
A la station do Mantes (10 minutes d'arrêt), j'aperçus
mon homme en téte-à-tète avec un vaste rosbecf llanqué
de pommes do terre et je n'aurais probablement pas su
qui il était si. au mémo instant, le niaitro de rétablisse-
ment n'avait crié à un garçon : Le vin de M. Pouyer-
Quertier.
Voilà comment j'appris du mémo coup que l'homme à la
poigne était M. Pouyèr-Quertier, et que M Pouyer-Quer-
tier avait toujours en réserve au buffet do Mantes une bou-
teille de Bordeaux, grand crû, qui l'attendait au passage.
L'air franc, ouvert, riant; une ligure où la santé éclate
et quj fuit plaisir à voir ; pas lier, la main toujours ten-
due. Uv*touchez là. Des façons de gentlemen farmer, un do
ces tempéraments énergiques et robustes qui assomme-
raient un bœuf d'un coup do poing cl le mangeraient d'un
coup de dent ; l'action, l'action, l'action ; on sent a pre-
mière vue que cet homme est t'ait pour agir, combattre
s'il le faut, renverser les obstacles et toucher le but. Bon
enfant et très-malin. Un Normand greffe sur un Yankee.
A Rouen, ils disent : Pouyer-Quortior comme à Paris on
dit: Rothschild. Filateur, il a dix-huit cents ouvriers qu'il
mène au doigt et à l'œil. Comme les colonels des anciennes
armées qui connaissaient tous les soldats de leur régi-
ment, lui, il connaît tous les ouvriers de sa fabrique de
La Foudre, les appelle par leurs noms, sait s'ils sont céliba-