2
Avant propos
A mon sens, la première recherche du critique doit être, de déterminer la date et le
milieu de l’œuvre d’art. Une œuvre na sa véritable signification que lorsqu'elle est classée dans
le temps et dans l’espace. Sans date Une saurait pas plus y avoir d'histoire de Hart que d’his-
toire de l'humanité.
Après avoir constitué ce que l’on peut appeler l'état civil de l’œuvre d’art, il faut en
déterminer le caractère. C’est ici le côté le plus facile et le plus attrayant de la critique. Il
n est plus besoin de discussions arides, d’appareil scientifique, il suffit de regarder les œuvres,de
les interroger et de les comprendre.
Le caractère étant précisé, on aimera savoir comment il s'est formé, quelle part il entre,
dans chaque œuvre d’art, de la tradition du passé, de H influence des contemporains et de Iaction
personnelle de l’artiste.
Mais ce n est pas tout ; il reste encore à faire un dernier effort. Après avoir déterminé
la date, le milieu, le caractère et les origines de l'œuvre d’art, tout n'est pas dit. L’histoire de
l’art est écrite sans doute, mais aucune loi, aucun enseignement ne se dégage de cette histoire;
et le but suprême de l’historien doit être de classer les œuvres, de nous dire celles qui sont les
plus belles et pourquoi elles sont les plus belles. Quel malheur si, d’une histoire de l’art,
comme de l’histoire d’un peuple, il ne devait résulter que de désastreux enseignements ! Ne
vaudrait-il pas mieux mille fois supprimer toute l’histoire et laisser tomber à jamais dans
H oubli le passé de ïhumanité?
Quelques écrivains, il est vrai, et Taine lui-mêmedans un moment d’oubli, ont
soutenu que le rôle du critique devait consister uniquement à cataloguer et à décrire les
œuvres, semblable en cela à un botaniste dressant son herbier, et qu’il devait s'abstenir de
prononcer des jugements. Mais alors même qu’on admettrait théor iquement une pareille thèse,
en fait on ne saurait l’appliquer. Il ri est pas une seule histoire de l’art dans laquelle n écla-
tent, avec la plus lumineuse évidence, les sympathies et les préférences de son auteur. Que se-
rait une histoire de l’art dans laquelle Michel-Ange serait confondu avec Bandinelli ou
Montorsoli? Le résultat le plus précieux des efforts de la critique depuis plus d'un demi-
siècle n a-t-il pas été précisément de modifier toute l’ancienne hiérarchie, de remettre au second
rang l'art du xvie et du xvne siècle, pour exalter l’art du xve, l’art de Ghiberti, de Donatello
et de Luca délia Robbia ?
On trouvera ci-joint deux tableaux chronologiques, dont l’un donne la liste des sculp-
teurs, et l'autre le catalogue de leurs œuvres.
' O
(l) Philosophie de l'art, T. I, p. 14.
Avant propos
A mon sens, la première recherche du critique doit être, de déterminer la date et le
milieu de l’œuvre d’art. Une œuvre na sa véritable signification que lorsqu'elle est classée dans
le temps et dans l’espace. Sans date Une saurait pas plus y avoir d'histoire de Hart que d’his-
toire de l'humanité.
Après avoir constitué ce que l’on peut appeler l'état civil de l’œuvre d’art, il faut en
déterminer le caractère. C’est ici le côté le plus facile et le plus attrayant de la critique. Il
n est plus besoin de discussions arides, d’appareil scientifique, il suffit de regarder les œuvres,de
les interroger et de les comprendre.
Le caractère étant précisé, on aimera savoir comment il s'est formé, quelle part il entre,
dans chaque œuvre d’art, de la tradition du passé, de H influence des contemporains et de Iaction
personnelle de l’artiste.
Mais ce n est pas tout ; il reste encore à faire un dernier effort. Après avoir déterminé
la date, le milieu, le caractère et les origines de l'œuvre d’art, tout n'est pas dit. L’histoire de
l’art est écrite sans doute, mais aucune loi, aucun enseignement ne se dégage de cette histoire;
et le but suprême de l’historien doit être de classer les œuvres, de nous dire celles qui sont les
plus belles et pourquoi elles sont les plus belles. Quel malheur si, d’une histoire de l’art,
comme de l’histoire d’un peuple, il ne devait résulter que de désastreux enseignements ! Ne
vaudrait-il pas mieux mille fois supprimer toute l’histoire et laisser tomber à jamais dans
H oubli le passé de ïhumanité?
Quelques écrivains, il est vrai, et Taine lui-mêmedans un moment d’oubli, ont
soutenu que le rôle du critique devait consister uniquement à cataloguer et à décrire les
œuvres, semblable en cela à un botaniste dressant son herbier, et qu’il devait s'abstenir de
prononcer des jugements. Mais alors même qu’on admettrait théor iquement une pareille thèse,
en fait on ne saurait l’appliquer. Il ri est pas une seule histoire de l’art dans laquelle n écla-
tent, avec la plus lumineuse évidence, les sympathies et les préférences de son auteur. Que se-
rait une histoire de l’art dans laquelle Michel-Ange serait confondu avec Bandinelli ou
Montorsoli? Le résultat le plus précieux des efforts de la critique depuis plus d'un demi-
siècle n a-t-il pas été précisément de modifier toute l’ancienne hiérarchie, de remettre au second
rang l'art du xvie et du xvne siècle, pour exalter l’art du xve, l’art de Ghiberti, de Donatello
et de Luca délia Robbia ?
On trouvera ci-joint deux tableaux chronologiques, dont l’un donne la liste des sculp-
teurs, et l'autre le catalogue de leurs œuvres.
' O
(l) Philosophie de l'art, T. I, p. 14.