Luca délia Robbia
21g
Pour exprimer le sentiment de la maternité, dans une forme convenant au motif
de la Mère du Christ, les maîtres du xve siècle pensèrent qu’ils n’avaient pas besoin d’in-
terroger l’art du passé, ni de recourir à de grands efforts d’imagination, et qu’il leur suf-
fisait de regarder autour d’eux. Ils trouvèrent leur idéal sans détourner les yeux de la
terre, car, pour toutes les mères, le nouveau-né est
comme un dieu ; c’est l’être en qui elles mettent
toutes leurs complaisances, à qui elles sont toujours
prêtes à donner leur vie; et si jamais domination
s’est affirmée, c’est bien celle du petit enfant sur
sa mère.
Et, pour joindre à l’idée de maternité cette
idée de virginité que renferme le motif chrétien, que
de ressources la nature ne fournissait-elle pas? Re-
gardez-les, toutes ces jeunes mères, lorsqu’elles por-
tent dans leurs bras le premier nouveau-né; chez
elles le sentiment de la maternité est si exclusif qu’il
va jusqu’à effacer toute trace du sentiment de l’amour.
Lorsque la jeune mère tient son enfant, il n’y a plus en elle ni épouse, ni amante, elle n’est
plus qu’une gardienne vigilante de la parcelle de vie que Dieu lui a confiée.
On comprend qu’un tel motif, une fois entrevu, ait passionné l’art italien et ait pu
satisfaire à ses désirs pendant tout un siècle. Ce motif pouvait se varier à l’infini et rester
toujours beau, à la condition de se tenir dans ses limites normales. Il perdra sa beauté le
jour où l’idée de maternité, en s’affaiblissant, laissera prédominer l’idée de beauté char-
nelle, le jour où l’artiste cessera de dire les sentiments de la mère, pour ne plus songer
qu’à reproduire de beaux visages.
Dans le motif de la Madone, si Marie doit être une mère, il faut de même que
Jésus soit un enfant. Pendant que la mère heureuse et inquiète veillera sur lui, il faut
que le petit être nous dise le délicieux éveil de la vie, les premiers sourires, limpides
comme la lumière du matin. L’émotion de notre cœur sera d’autant plus vive que l’artiste
ne tentera pas de sortir des lois naturelles, pour mettre dans le cerveau de ce petit être
des pensées qu’il ne peut porter, et qu’il ne transformera pas ce délicieux bébé en un ri-
dicule petit homme.
Relief de la Porte de la Sacristie du Dôme
La classification des Madones de Luca n’est point facile, et, ici, une large place
est réservée aux hypothèses. Nous parlerons d’abord de la Madone d’Urbino, car nous
en connaissons la date (1449). Une partie de l’émail est tombée, et cela suffit pour défi-
gurer un peu les traits et pour ne pas permettre de distinguer toutes les finesses de l’ex-
pression, notamment dans le visage de la Vierge. Néanmoins le caractère général reste
très apparent. Luca, fidèle ici à l’ancienne tradition florentine, représente une Vierge grave,
solennelle, la Vierge triomphante présentant l’enfant Dieu. L’enfant Jésus, debout, tout
21g
Pour exprimer le sentiment de la maternité, dans une forme convenant au motif
de la Mère du Christ, les maîtres du xve siècle pensèrent qu’ils n’avaient pas besoin d’in-
terroger l’art du passé, ni de recourir à de grands efforts d’imagination, et qu’il leur suf-
fisait de regarder autour d’eux. Ils trouvèrent leur idéal sans détourner les yeux de la
terre, car, pour toutes les mères, le nouveau-né est
comme un dieu ; c’est l’être en qui elles mettent
toutes leurs complaisances, à qui elles sont toujours
prêtes à donner leur vie; et si jamais domination
s’est affirmée, c’est bien celle du petit enfant sur
sa mère.
Et, pour joindre à l’idée de maternité cette
idée de virginité que renferme le motif chrétien, que
de ressources la nature ne fournissait-elle pas? Re-
gardez-les, toutes ces jeunes mères, lorsqu’elles por-
tent dans leurs bras le premier nouveau-né; chez
elles le sentiment de la maternité est si exclusif qu’il
va jusqu’à effacer toute trace du sentiment de l’amour.
Lorsque la jeune mère tient son enfant, il n’y a plus en elle ni épouse, ni amante, elle n’est
plus qu’une gardienne vigilante de la parcelle de vie que Dieu lui a confiée.
On comprend qu’un tel motif, une fois entrevu, ait passionné l’art italien et ait pu
satisfaire à ses désirs pendant tout un siècle. Ce motif pouvait se varier à l’infini et rester
toujours beau, à la condition de se tenir dans ses limites normales. Il perdra sa beauté le
jour où l’idée de maternité, en s’affaiblissant, laissera prédominer l’idée de beauté char-
nelle, le jour où l’artiste cessera de dire les sentiments de la mère, pour ne plus songer
qu’à reproduire de beaux visages.
Dans le motif de la Madone, si Marie doit être une mère, il faut de même que
Jésus soit un enfant. Pendant que la mère heureuse et inquiète veillera sur lui, il faut
que le petit être nous dise le délicieux éveil de la vie, les premiers sourires, limpides
comme la lumière du matin. L’émotion de notre cœur sera d’autant plus vive que l’artiste
ne tentera pas de sortir des lois naturelles, pour mettre dans le cerveau de ce petit être
des pensées qu’il ne peut porter, et qu’il ne transformera pas ce délicieux bébé en un ri-
dicule petit homme.
Relief de la Porte de la Sacristie du Dôme
La classification des Madones de Luca n’est point facile, et, ici, une large place
est réservée aux hypothèses. Nous parlerons d’abord de la Madone d’Urbino, car nous
en connaissons la date (1449). Une partie de l’émail est tombée, et cela suffit pour défi-
gurer un peu les traits et pour ne pas permettre de distinguer toutes les finesses de l’ex-
pression, notamment dans le visage de la Vierge. Néanmoins le caractère général reste
très apparent. Luca, fidèle ici à l’ancienne tradition florentine, représente une Vierge grave,
solennelle, la Vierge triomphante présentant l’enfant Dieu. L’enfant Jésus, debout, tout