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Luca délia Robbia
Quant au type de l’enfant Jésus, on peut affirmer de même qu’il n’appartient pas
à l’art de Luca, ni à celui d’un maître travaillant en 1428. En effet, cet enfant est repré-
senté complètement nu et c’est là une sérieuse présomption pour que l’œuvre soit tar-
dive. Avant le xve siècle, les sculpteurs représentent toujours l’enfant vêtu. Au cours
du xiv° siècle, nous voyons le haut du corps découvert, mais cela même est exceptionnel.
Dans le premier quart du xve siècle, les enfants sont encore vêtus, ainsi qu’on peut s’en
assurer en regardant les œuvres du maître, qui fut, pour l’étude du nu, un des premiers
novateurs de l’art italien, Jacopo délia Quercia. Ce maître a représenté l’enfant vêtu, dans
la Madone de Ferrare de 1408, et plus tard encore dans la Madone de l’Autel Trenta et
dans la Madone de la Fonte Gaja. C’est seulement dans la Madone de S. Petronio, faite
à la fin de sa vie, c’est-à-dire vers 1438, que nous trouvons l’enfant Jésus nu. Longtemps
encore après 1428, date présumée de la Madone Drury Fortnum, l’enfant Jésus est re-
présenté vêtu, par exemple dans la Madone de la Tombe Leonardo Bruni, de Bernardo
Rossellino, faite après 1444, et dans la Madone de la Tombe du Cardinal Portogallo, faite
après 1461. On remarquera enfin que l’enfant est encore à moitié vêtu dans la pre-
mière Madone à date certaine que nous connaissions de Luca, dans la Madone de la
Porte du Dôme.
J’ajoute que presque toujours, dans les enfants nus du début du xve siècle, la pose
de l’enfant Jésus est d’une grande chasteté et contraste ainsi complètement avec la pose de
l’enfant Jésus dans la Madone Drury Fortnum. De plus, s’il est anormal de voir un enfant
nu dans une Madone de 1428, il l’est encore plus de voir le style avancé de ces nus. Ce
petit enfant aux formes potelées appartient à l’art de la fin du xve siècle. Deux autres ar-
guments le. prouvent encore avec plus de certitude. C’est tout d’abord le geste si ca-
ractéristique du- doigt dans la bouche, geste familier et naturaliste, qui ne se rencontre
dans aucune œuvre de Luca. On le voit apparaître chez Andrea délia Robbia aux environs
de 1490. De même, jamais avant le xvie siècle, les sculpteurs ne mettent de raisin dans la
main de l’enfant Jésus. Au xive et au xve siècle, lorsque l’enfant Jésus tient quelque chose,
c’est toujours un oiseau ou une pomme. Peut-être y avait-il là une intention symbolique.
Un écrivain a pensé que la pomme était une allusion au péché originel, à cette faute qui
avait nécessité la venue de Dieu sur la terre, et peut-être que l’oiseau était un souvenir
de cette colombe si souvent représentée dans les premiers âges du christianisme et qui
symbolise l’âme des fidèles.
Si enfin nous observons la forme même de la Madone Drury Fortnum, nous remar-
querons qu’elle est ronde. Or je ne crois pas que l’on puisse citer une seule Madone ronde
dans la première moitié du xve siècle. Un des premiers exemples est la Madone d’Or
San Michèle faite par Luca vers 1460. Mais il faut remarquer que cette Madone est figurée
comme faisant partie des Armoiries de la Corporation des Médecins et qu’ici la forme
ronde du cadre était imposée. Au surplus, cette Vierge est assise sous un Tabernacle, et en
réalité, elle a la forme ordinaire sous laquelle sont représentées les Madones; la base est
plate et le sommet cintré. Dans l’œuvre des Délia Robbia, la première Madone ronde que
Luca délia Robbia
Quant au type de l’enfant Jésus, on peut affirmer de même qu’il n’appartient pas
à l’art de Luca, ni à celui d’un maître travaillant en 1428. En effet, cet enfant est repré-
senté complètement nu et c’est là une sérieuse présomption pour que l’œuvre soit tar-
dive. Avant le xve siècle, les sculpteurs représentent toujours l’enfant vêtu. Au cours
du xiv° siècle, nous voyons le haut du corps découvert, mais cela même est exceptionnel.
Dans le premier quart du xve siècle, les enfants sont encore vêtus, ainsi qu’on peut s’en
assurer en regardant les œuvres du maître, qui fut, pour l’étude du nu, un des premiers
novateurs de l’art italien, Jacopo délia Quercia. Ce maître a représenté l’enfant vêtu, dans
la Madone de Ferrare de 1408, et plus tard encore dans la Madone de l’Autel Trenta et
dans la Madone de la Fonte Gaja. C’est seulement dans la Madone de S. Petronio, faite
à la fin de sa vie, c’est-à-dire vers 1438, que nous trouvons l’enfant Jésus nu. Longtemps
encore après 1428, date présumée de la Madone Drury Fortnum, l’enfant Jésus est re-
présenté vêtu, par exemple dans la Madone de la Tombe Leonardo Bruni, de Bernardo
Rossellino, faite après 1444, et dans la Madone de la Tombe du Cardinal Portogallo, faite
après 1461. On remarquera enfin que l’enfant est encore à moitié vêtu dans la pre-
mière Madone à date certaine que nous connaissions de Luca, dans la Madone de la
Porte du Dôme.
J’ajoute que presque toujours, dans les enfants nus du début du xve siècle, la pose
de l’enfant Jésus est d’une grande chasteté et contraste ainsi complètement avec la pose de
l’enfant Jésus dans la Madone Drury Fortnum. De plus, s’il est anormal de voir un enfant
nu dans une Madone de 1428, il l’est encore plus de voir le style avancé de ces nus. Ce
petit enfant aux formes potelées appartient à l’art de la fin du xve siècle. Deux autres ar-
guments le. prouvent encore avec plus de certitude. C’est tout d’abord le geste si ca-
ractéristique du- doigt dans la bouche, geste familier et naturaliste, qui ne se rencontre
dans aucune œuvre de Luca. On le voit apparaître chez Andrea délia Robbia aux environs
de 1490. De même, jamais avant le xvie siècle, les sculpteurs ne mettent de raisin dans la
main de l’enfant Jésus. Au xive et au xve siècle, lorsque l’enfant Jésus tient quelque chose,
c’est toujours un oiseau ou une pomme. Peut-être y avait-il là une intention symbolique.
Un écrivain a pensé que la pomme était une allusion au péché originel, à cette faute qui
avait nécessité la venue de Dieu sur la terre, et peut-être que l’oiseau était un souvenir
de cette colombe si souvent représentée dans les premiers âges du christianisme et qui
symbolise l’âme des fidèles.
Si enfin nous observons la forme même de la Madone Drury Fortnum, nous remar-
querons qu’elle est ronde. Or je ne crois pas que l’on puisse citer une seule Madone ronde
dans la première moitié du xve siècle. Un des premiers exemples est la Madone d’Or
San Michèle faite par Luca vers 1460. Mais il faut remarquer que cette Madone est figurée
comme faisant partie des Armoiries de la Corporation des Médecins et qu’ici la forme
ronde du cadre était imposée. Au surplus, cette Vierge est assise sous un Tabernacle, et en
réalité, elle a la forme ordinaire sous laquelle sont représentées les Madones; la base est
plate et le sommet cintré. Dans l’œuvre des Délia Robbia, la première Madone ronde que