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W. MOLÈ

presque exclusif d'une époque dont presque rien n'a été conservé, à part les peintures de Stl' Sophie de Kiew. Sans entrer
dans des considérations iconographiques, rappelons cependant que ces fresques, comme toute la peinture d'église byzantine,
réalisent et concrétisent un monde invisible, immatériel, divin. C'est pourquoi elles peuvent nous dévoiler plus d'un aspect
de l'humanisme byzantin. Leur analyse prouve que, malgré des différences d'interprétation formelle et coloristique, elles
ont, en plus d'un caractère traditionnel, un aspect humaniste commun.

Les conceptions fondamentales de cet art font de l'homme le représentant des notions et des idées les plus hautes
et les plus sublimes de l'idéologie religieuse byzantine. Cette conception apparaît surtout dans les grandes compositions
mystiques, dans l'Ascension par exemple. Le Christ, ruisselant d'or, ceint d'une auréole, est la réalisation et l'image même
de la divinité sous les traits d'un homme. En outre, dans la conception même des peintures d'Ochrida on retrouve le rap-
port envers l'homme qui traduisait si bien la conception grecque du monde. A vrai dire, entre l'idéal de l'homme grec
classique et celui de l'homme byzantin du XIe siècle, il y a une différence essentielle, le premier étant l'idéal d'un
homme libre orienté vers le kalos kai agathos alors que le second était l'idéal du saint qui représentait les idées les plus
nobles et les forces les plus immatérielles. Le procédé permettant de transposer l'homme dans la sphère d'un héroïsme
idéal n'a pas changé. Seul l'homme lui-même a été changé. Dans cet art éminemment spiritualiste, il triomphe en tant
qu'être naturellement idéal, héroïque dans le sens de la pensée byzantine, sans cesser d'être vivant et vrai. Tel est l'aspect
de l'humanisme dans les fresques de S"' Sophie d'Ochrida.

La voie qui a conduit à la formation de l'art du XIe siècle et aux fresques d'Ochrida qui le représentent, est ca-
ractéristique. Elle prend naissance dans la période de transition qui va de l'art antique aux débuts et aux éléments
de l'art médiéval.

Aux changements tout particulièrement importants que l'art de cette époque a introduits, appartient sans conteste
la modification du jugement porté sur l'homme — sa signification et son rôle dans la vie et le monde. Fait caracté-
ristique, malgré le magnifique épanouissement de l'art décoratif, l'art méditerranéen entier reste humaniste dans le
sens d'un spiritualisme croissant, tout en conservant le caractère dominant du personnage humain — statuaire, spatial,
illusionniste, parfois même impressionniste. L'art byzantin n'a jamais rompu avec cette tradition humaniste méditerra-
néenne. Au cours de l'histoire byzantine, on n'a cherché qu'une seule fois à détrôner l'homme — alors que triomphait
l'iconoclasme en matière d'art religieux. Cette controverse a cependant pris fin au bénéfice des images saintes et les
tendances humanistes ont reparu dans l'art, plus vigoureuses encore. De sorte que les normes imposées à la création
artistique demeuraient inchangées.

L'art du Moyen Age en Europe occidentale est, lui aussi, issu de l'art antique. L'Occident et Byzance étaient,
on le sait, très différents l'un de l'autre, mais à l'Occident comme à l'Orient, l'Église a propagé l'art méditerranéen.
Par ses doctrines et par son art, elle a aussi répandu un humanisme spiritualisé qui a trouvé son expression dans l'art
figuratif. En Occident, la chrétienté s'est cependant heurtée à un art qui avait des traditions toutes différentes, un
art qui n'était pas représentatif. De sorte qu'est né le contraste entre l'art séculier, en grande partie soumis aux exigences
de la tribu, et l'art des humanistes. L'art figuratif, imprégné des traditions antiques, était plus puissant; il a vaincu,
mais non sans compromis, non sans devoir s'assimiler certains éléments de l'art décoratif abstrait qui n'étaient pas humanis-
tes. Il ne faut cependant pas oublier le rôle historique joué par Byzance pendant tout le Moyen Age. Ceux qui avaient
fui cette ville apportaient à l'Occident, avide de science et de liberté intellectuelle, un humanisme véritable; ils lui fai-
saient découvrir le monde de la Grèce antique. La peinture européenne avait, à vrai dire, eu Giotto qui l'avait affranchie
de la célèbre maniera greca. Tout en concédant que l'art du duecento, par exemple, n'aurait pas pu s'épanouir sans
cette maniera greca. nous ne devons pas oublier que l'humanisme en art est aussi indissolublement lié à l'humanisme de
la pensée byzantine.

L'analyse de l'humanisme de la fin de la période antique et du début de la chrétienté, comme celui, du reste, de tout
le premier millénaire permet, sans aucun doute, de mieux comprendre la genèse de l'art médiéval et la culture de cette
époque de transition. La même méthode, appliquée à d'autres époques, nous donnera sûrement, la possibilité d'ajouter
aux recherches sur l'art, effectuées jusqu'ici, des études sur les caractères — propres à chaque époque donnée — des dif-
férents aspects de son humanisme. Nous pourrons ainsi enrichir l'histoire de l'art (ne serait-ce qu'en ce qui concerne
l'Europe, pour commencer) en faisant d'elle une histoire de l'humanisme, c'est-à-dire des tendances humanistes qui se
manifestent dans le domaine des arts plastiques.

Traduit par Myriam Śliwka
 
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