LE RIRE
3
■
D’ailleurs tous ces gens-là ne m’allaient pas à la cheville, je le
dis franchement, et pourtant je suis modeste.
La pièce, je ne saurais vous la raconter, n’ayant jamais été plus
loin que le Chœur des Vieillards. Mais je pense qu’un compte rendu
est inutile, parce que cette petite machine-là doit commencer à
être connue.
Si, pourtant. J’ai vu Faust deux fois, en province. La première
fois à Brive-la-Gaillarde. On devait jouer la Tour de Nesle. Mais
un des principaux interprètes du drame s’étant trouvé malade, on
a chanté Faust, dans le décor de la Tour de Nesle. Alors je n’ai
rien compris à ce qu’ils voulaient dire avec leur scène de l’église
et leur scène du jardin.
La seconde fois c’était à Romorantin. Mais les soldats chantaient
si faux que, de ma place, je me suis levé et j’ai chanté pour les
remettre dans le ton. On a osé me mettre à la porte sans écouter
mes explications. S’ils avaient su, ces épiciers, qui leur faisait
l’honneur... !
Enfin j’espère bien que passé la millième je pourrai avoir congé
un soir où l’on donnera Faust, et finir par comprendre la pièce,
sur laquelle la représentation de Brive-la-Gaillarde a faussé toutes
mes idées.
En attendant ce couronnement de ma carrière, je suis, mon-
sieur le Directeur, etc. etc.
Cardinal cadet,
Choriste à l'Académie Nationale de Musique.
Maîtres chanteurs
Deux beaux messieurs, au fier plumage,
Déambulent en devisant ;
L'un est projesseur de chantage,
L'autre se dit maître de chant.
L'un a fait chanter la cagnotte,
Menaçant les cercleux, en bloc;
L'autre fait chanter la cocotte
A la voix grêle, au geste toc.
Tous deux, pour prix de leurs services.
Tapent les gens entortillés...
Tant pis pour ceux qui sont novices !...
Ils casqueronl !... Allez!... allez!.
Il fallait, pardieu! les entendre,
L'un l'autre se complimenter ;
On n'avait rien à leur apprendre
En l'art de bien faire chanter !
Malgré leur savoir admirable,
Pensais-je, 'en suivant mon chemin,
Ni l'un ni l'autre n'est capable
De faire chanter... Saint- Germain.
Fortunio.
Avec tout ce bruit les affaires deviennent terriblement difficiles. Dès
qu’une affaire est bonne, on l’appelle « chantage ». C’est la ruine des gens
adroits.
3
■
D’ailleurs tous ces gens-là ne m’allaient pas à la cheville, je le
dis franchement, et pourtant je suis modeste.
La pièce, je ne saurais vous la raconter, n’ayant jamais été plus
loin que le Chœur des Vieillards. Mais je pense qu’un compte rendu
est inutile, parce que cette petite machine-là doit commencer à
être connue.
Si, pourtant. J’ai vu Faust deux fois, en province. La première
fois à Brive-la-Gaillarde. On devait jouer la Tour de Nesle. Mais
un des principaux interprètes du drame s’étant trouvé malade, on
a chanté Faust, dans le décor de la Tour de Nesle. Alors je n’ai
rien compris à ce qu’ils voulaient dire avec leur scène de l’église
et leur scène du jardin.
La seconde fois c’était à Romorantin. Mais les soldats chantaient
si faux que, de ma place, je me suis levé et j’ai chanté pour les
remettre dans le ton. On a osé me mettre à la porte sans écouter
mes explications. S’ils avaient su, ces épiciers, qui leur faisait
l’honneur... !
Enfin j’espère bien que passé la millième je pourrai avoir congé
un soir où l’on donnera Faust, et finir par comprendre la pièce,
sur laquelle la représentation de Brive-la-Gaillarde a faussé toutes
mes idées.
En attendant ce couronnement de ma carrière, je suis, mon-
sieur le Directeur, etc. etc.
Cardinal cadet,
Choriste à l'Académie Nationale de Musique.
Maîtres chanteurs
Deux beaux messieurs, au fier plumage,
Déambulent en devisant ;
L'un est projesseur de chantage,
L'autre se dit maître de chant.
L'un a fait chanter la cagnotte,
Menaçant les cercleux, en bloc;
L'autre fait chanter la cocotte
A la voix grêle, au geste toc.
Tous deux, pour prix de leurs services.
Tapent les gens entortillés...
Tant pis pour ceux qui sont novices !...
Ils casqueronl !... Allez!... allez!.
Il fallait, pardieu! les entendre,
L'un l'autre se complimenter ;
On n'avait rien à leur apprendre
En l'art de bien faire chanter !
Malgré leur savoir admirable,
Pensais-je, 'en suivant mon chemin,
Ni l'un ni l'autre n'est capable
De faire chanter... Saint- Germain.
Fortunio.
Avec tout ce bruit les affaires deviennent terriblement difficiles. Dès
qu’une affaire est bonne, on l’appelle « chantage ». C’est la ruine des gens
adroits.