Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le rire: journal humoristique — 2.1895-1896 (Nr. 53-104)

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16951#0367

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
qu'au troisième acte le comte me pose un lapin...

•QUAND J'Ai VU ÇA, J'AI DÉMISSIONNÉ

« Le travail, c'est la liberté », a dit un célèbre propriétaire. Hélas !
le travail ne luit pas pour moi. Je ne suis pas libre d'avoir la liberté,
à cause de ma petite santé, aussi délicate qu'un poumon de jeune
canari.

Ce n'est pourtant pas le courage qui me manque: A dix-huit ans,
j'étais employé de chemin do fer. Triste métier! à chaque instant,
il faut traverser les voies, accrocher des wagons en marche au
risque d'être écrasé, ce qui plongerait ma famille dans un deuil
irréparable... Quand j'ai vu ça, j'ai démissionné.

J'ai fait le débardeur, sur le port de Grenelle. Pas drôle d'avoir
comme boulevard une planche large comme ça, une planche trem-
blante, balottante et vermoulue. Un faux pas, vous êtes dans la

limonade. Et je ne sais pas nager... Quand j'ai vu ça, j'ai démis
sionné.

Pour ne pas trop marcber, il n'y a tel que d'être cocher.
Bientôt, je me vis donc trôner sur un siège... Triste! triste! Grâce
à ces sales bicyclettes qui sillonnent Paris, on accroche avec une
facilité désespérante. On peut tomber, se casser une dent. Et j'ai
horreur des émotions... Quand j'ai vu ça, j'ai démissionné.

Il est préférable d'être sergent de ville, me dis-je ; c'est chouette!
Habillé à l'œil, logé à l'œil, des marchands de vin à l'œil, des bo-
bonnes à l'œil, voilà bien ce que réclame ma petite santé.

Eh bien ! non. C'est épouvantable ! A peine ôtais-je depuis huit
jours en fonction, rêvassant fortune autour du Chat-Noir, lors-
qu'un pauvre pékin se fit assaillir par deux immondes voyous.
Aller à son secours eût été folie; je pouvais, dans la bagarre, re-
cevoir un coup de couteau. C'est très mauvais pour un homme qui
a des battements de cœur. Aussi... quand j'ai vu ça, j'ai démis-
sionné.

Ce qu'il me faut, c'est du calme, delà tranquillité. Je ne répugne
à rien puis pie durant trois jours, j'ai ramassé des crottes de chien.
Terrible! terrible! la moindre mouche infectieuse peut vous don-
ner le tétanos.

« Fais toi boucher », me disait mon père. Peux pas : la vue du
sang me congestionne. J'avais trouvé quelque chose de bon goût :
marchand do mouron. Horrible! horrible! Crier depuis le matin
jusqu'au soir :

« Du mouron pour les petits noiseaux! »

me rendit aphone. J'ai les cordes vocales trop sensibles. Puis j'ai
pensé, et vous penserez comme moi, qu'il est monstrueux de
vendre à des petites bestioles qui n'ont même pas un sou dans
leur poche, une plante que le Père éternel fait pousser gratuite
ment.

Je n'aurai donc jamais droit à la liberté que donne le travail. Je
suis né pour ne rien faire. La fatalité me poursuit. Depuis que je
vis en rentier, ne faisant que boire, manger et dormir, je m'étiole
comme une humble heur, je suis l'ombre de mon ombre. Et le doc-
teur attaché à ma personne vient de déclarer :

« Que j'étais malade à force de bien me porter. »

Georges Brandimbourg.

— Il pourrait bien boire tout seul, ce n'est plus un enfant !

— C'est vrai, maintenant, c'est un homme.
Bildbeschreibung
Für diese Seite sind hier keine Informationen vorhanden.

Spalte temporär ausblenden
 
Annotationen