T O
et
LE PETÎT CHAPERON ROUGE
Tô demande que je lui raconte une histoire.
(Ma petite tille s'appelle Ernestine ; quand elle fut vieille de deux
ans, on l'invita à prononcer son nom. Dis « Ernestine », mon chéri.
Et Ernestine, d'un effort énorme, lâcha « Tô ». Nous pleurâmes de
joie).
Tô a cinq ans, maintenant. Elle adore les contes de Perrault que
je réduis à sa portée.
— Raconte-moi une histoire.
Je commence le petit Chaperon rouge. Tô m'interrompt.
— Répète, qu'est-ce qu'elle apportait à sa bonne maman.
— Une grande belle tartine de beurre.
Tô ouvre ses grands yeux bleus et sa bouche rose. Elle languit
après la fin de l'histoire. J'achève. Le loup a mangé le petit Cha-
peron rouge, sucé ses petits os, et croqué la mère-grand par-dessus
le marché.
— Et puis alors ?
— Alors ? C'est fini.
Tô glisse doucement de mes genoux et s'en va, déçue.
Voilà une heure maintenant qu'elle tortille sa poupée, sans rire.
Mais tout d'un coup, n'y tenant plus, elle me tire par le pantalon.
—■ Dis donc, le vilain loup n'a mangé que la petite fille ?
— La petite fille et sa bonne maman.
— C'est tout ?
— Parbleu, oui.
Tô fait sa moue d'agacement, hésite, enfin avoue ce qui, depuis le
début du conte, la préoccupe uniquement :
— Raconte-moi, qui a mangé la grande belle tartine do beurre?
— Personne. Elle a été perdue.
— Adi!...
Tô se retourne vers sa poupée, le cœur gros. Elle fait semblant
de causer sérieusement avec elle. Mais l'idée l'obsède. Et, sans
souci du Chaperon et de sa grand'mère, mais écœurée d'imaginer
que personne n'a goûté du bon beurre qu'elle aime tant, Tô laisse
— Ce qu'ils sont mouillés!!! C'est toujours par ce temps-là que 'ai le éclater un sanglot,
plus joui de mes rentes. Dessin de Huard. Lucien Muhlfeld.
tir a la cible pendant l'absence du peintre
Dessin de B. Rabier.
et
LE PETÎT CHAPERON ROUGE
Tô demande que je lui raconte une histoire.
(Ma petite tille s'appelle Ernestine ; quand elle fut vieille de deux
ans, on l'invita à prononcer son nom. Dis « Ernestine », mon chéri.
Et Ernestine, d'un effort énorme, lâcha « Tô ». Nous pleurâmes de
joie).
Tô a cinq ans, maintenant. Elle adore les contes de Perrault que
je réduis à sa portée.
— Raconte-moi une histoire.
Je commence le petit Chaperon rouge. Tô m'interrompt.
— Répète, qu'est-ce qu'elle apportait à sa bonne maman.
— Une grande belle tartine de beurre.
Tô ouvre ses grands yeux bleus et sa bouche rose. Elle languit
après la fin de l'histoire. J'achève. Le loup a mangé le petit Cha-
peron rouge, sucé ses petits os, et croqué la mère-grand par-dessus
le marché.
— Et puis alors ?
— Alors ? C'est fini.
Tô glisse doucement de mes genoux et s'en va, déçue.
Voilà une heure maintenant qu'elle tortille sa poupée, sans rire.
Mais tout d'un coup, n'y tenant plus, elle me tire par le pantalon.
—■ Dis donc, le vilain loup n'a mangé que la petite fille ?
— La petite fille et sa bonne maman.
— C'est tout ?
— Parbleu, oui.
Tô fait sa moue d'agacement, hésite, enfin avoue ce qui, depuis le
début du conte, la préoccupe uniquement :
— Raconte-moi, qui a mangé la grande belle tartine do beurre?
— Personne. Elle a été perdue.
— Adi!...
Tô se retourne vers sa poupée, le cœur gros. Elle fait semblant
de causer sérieusement avec elle. Mais l'idée l'obsède. Et, sans
souci du Chaperon et de sa grand'mère, mais écœurée d'imaginer
que personne n'a goûté du bon beurre qu'elle aime tant, Tô laisse
— Ce qu'ils sont mouillés!!! C'est toujours par ce temps-là que 'ai le éclater un sanglot,
plus joui de mes rentes. Dessin de Huard. Lucien Muhlfeld.
tir a la cible pendant l'absence du peintre
Dessin de B. Rabier.