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Le rire: journal humoristique — 3.1896-1897 (Nr. 105-156)

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https://doi.org/10.11588/diglit.16952#0217

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PASSXON MORTELLE

M. Monbidon venait de se retirer des affaires, à Carentan. Il en avait
cinquante-cinq à peine.

L'épicerie dûment transmise à son fils Théodule, M. Monbidon songea
à voir enfin la capitale et partit un beau matin pour une huitaine.

Il avait déjà visité un certain nombre de monuments, églises, musées, etc.,
quand il résolut de monter a la tour Eiffel, gardée « pour la bonne bouche ».
A première vue du gigantesque échafaudage, ce qui surprit le plus l'hon-
nête vieillard fut l'ascenseur grimpant verticalement le long des vertèbres
de fer. M. Monbidon n'avait jamais vu d'ascenseur, et sou émotion fut
grande quand il se décida à prendre son ticket. Mais une fois installé
dans la boîte aux parois de verre, quand il se sentit glisser pour ainsi dire
dans l'espace, tandis que le sol s'enfonçait sous lui, M. Monbidon ressen-
tit comme un coup au cœur, puis une jouissance inconnue l'envahit, et il
comprit enfin ce mot qui l'avait souvent, inquiété : volupté. Jamais, dans
sa boutique aux puissants relents, il n'avait imaginé semblable révélation;
les épanchements même de feu Mme Monbidon ne lui en avaient donné
aucune idée, et il s'abandonnait béatement à ce sentiment nouveau, sui-
vant, les yeux mi-clos, la descente insensible de la terre, avec une étrange
sensation dans les entrailles. Arrivé en haut, il ne jeta qu'un regard dis-
trait sur le tapis bariolé que formait Paris étendu à plat, et pensa tout de
suite à rentrer dans l'ascenseur. Son émoi ne fut pas moins délicieux du-
rant la lente descente,'molle comme une chute dans du coton. Et quatre
fois de suite, il prit un ticket...

Le soir même il écrivit à Théodule qu'il était obligé de retarder un peu
son retour. Le lendemain il retourna ù la Tour, et le gardien lui sourit
familièrement. La journée passa comme un rêve. Cependant, le prudent
M. Monbidon s'aperçut que les dépenses que lui occasionnait cette passion
inopinée, excédaient le budget de ses menus plaisirs. Comme il rêvait aux
moyens de satisfaire et son goût et sa bourse, il se souvint qu'en traver-
sant le magasin du Louvre il y avait remarqué un ascenseur. Et ce fut au
Louvre qu'il commença sa troisième journée...

Il l'eût achevée entre le rez-de-chaussée et le toit si, au bout de quel-
ques voyages, un monsieur à cravate blanche et d'air imposant ne lui eût
fait observer d'un ton furieux que les ascenseurs étaient réservés aux per-
sonnes qui achetaient. Sur quoi M. Monbidon tout confus répondit qu'il
n'avait pas encore trouvé l'article qu'il cherchait, et, pour se donner une
contenance il examina avec attention les articles devant lesquels il se
trouvait (jarretières de femmes). Mais il fut tellement mortifié qu'il ne
songea pas qu'il prit y avoir d'autres ascenseurs dans le magasin, et il
regagna son hôtel. Il voulait partir; ce qui le retint encore fut le désir de
parcourir les autres grands magasins et leurs ascenseurs, avant de rejoindre
Théodule. Et pendant quelques jours, il erra dans divers ascenseurs. Au
hasard de ses promenades il examinait les devantures. « English Spoken »,
<i téléphone » — quelquefois «« Ascenseur » s'étalaient sur les glaces en
lettres dorées. Alors M. Monbidon entrait d'un air naturel et s'ingéniait à
demander un rayon qui fût sous les combles.

Il eut encore la ressource des hôtels où il visitait les chambres du haut
« pour un ami qui devait arriver le lendemain », puis des ministères,
Hôtel-de-Ville et grandes administrations.

Mais peu à peu son esprit méthodique d'épicier habitué à la régularité
des échéances se dégoûta de ces ascensions à l'aventure et, son expé-
rience aidant, M. Monbidon composa une liste, pour chaque jour de la
semaine, des ascenseurs qu'il fréquenterait. Lundi Bon Marché et arron-
dissement, mardi Hôtel-de-Ville, etc., mercredi Louvre, etc., jeudi aux
Deux-Magots, etc., etc., etc. Dimanche, Tour Eiffel ! Dès lors, sa vie fut
réglée et M. Monbidon eut ses habitudes de petit rentier de province.
Chaque jour, un paquet sous le bras, ou une serviette suivant les circons-
tances, il partait à l'heure fixée sur sa liste. Il devint connu des garçons
préposés aux ascenseurs, retrouva même des « pays » parmi eux, et, le
magasin ou le bureau fermé, on allait ensemble faire une manille. Aux
récalcitrants, il glissait de temps en temps de menus pourboires, et,
comme il était doux, modeste, effacé, et que sa manie était innocente, on
ne casait rien.

M. Monbidon ne revint jamais à Carentan. Il venait d'en avoir soixante
quand il mourut subitement, au Printemps, d'une rupture de la colonne
montante.

Goguès.
Bildbeschreibung

Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

Inschrift/Wasserzeichen

Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES

Objektbeschreibung

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Does
Entstehungsdatum
um 1897
Entstehungsdatum (normiert)
1892 - 1902
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Karikatur
Satirische Zeitschrift

Literaturangabe

Rechte am Objekt

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Künstler/Urheber (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Alle Rechte vorbehalten - Freier Zugang
Creditline
Le rire, 3.1896-1897, No. 121 (27 Février 1897), S. 2
 
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