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Le rire: journal humoristique — 3.1896-1897 (Nr. 105-156)

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https://doi.org/10.11588/diglit.16952#0461

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les épaules. Dessin de M. Radiguet.

LES JEUX DE L'AMOUR ET DU BAZAR

Le candide Tliéodule Riflard se rendait, l'autre quitizaipe, au
Grand Bazar Universel, si glorieusement fondé par M. de Fouren-
ville (Orne) de l'ancien boulevard Ornano.

— Voyez! Choisissez! lui dit le premier commis; nous tenons
tout ce que désire le client, depuis sa naissance (voir nos rayons de
layettes) jusque et après son trépas (voir nos modèles de deuil et
notre bureau de pompes funèbres) etc., etc.

— J'ai fini de naître, interrompit l'ingénu Tliéodule, et je n'ai pas
encore entrepris de décéder. Mais, dans l'intervalle, je viens d'être
nommé troisième trombone solo à l'orchestre du théâtre de Gre-
nelle. C'est une situation superbe et, par suite, il me faudrait des
bans...

Le commis, un être remarquable dans son genre, comprit tout de
suite :

— Un mariage! un! annonça-t-il d'une voix retentissante à tra-
vers la rumeur du hall.

Théodule Riflard fendit la cohue entre une double haie de sou-
rires fleuris aux lèvres des faiseuses d'emplettes.

Les aspirants nuptiaux font toujours sourire les dames. On ne
sait pas au juste pourquoi, mais c'est comme cela.

Conduit à la caisse, Théodule paya « le quart d'avance ». Le reste
de son bonheur devait se solder plus tard en légers acomptes ou
mécomptes.

Tel est l'usage du Bazar en particulier et de la vie en général.

Et, sans plus de cérémonies, Riflard fut pourvu d'une liasse de
« bons de commande » énumérant les divers articles nécessaires à
l'entrée en ménage.

Le bon n° 1 donnait droit au principal objet :

Une fiancée au choix!

Théodule s'empressa de détacher le feuillet.

Un coup de timbre fit accourir l'aimable série de demoiselles de
magasin que le Bazar universel tient à la disposition des épouseurs.
M. de Fourenville (Orne) lui-même, les accompagnait, car il ne

cède à nul autre le soin patriarcal de piloter cette partie de son
personnel.

Les candidates entouraient l'amateur d'une étourdissante variété
d'enchantements. Mais M119 Zéphyrine, une « essayeuse » blonde
comme l'or, pavoisée d'affriolantes mousselines (voir nos nouveautés
de printemps) attendrie d'un rayon de rêve (voir notre rayon de
lune) acheva, sans retour, l'emballement de Théodule.

Il lui joua, d'enthousiasme, un frémissant allégro de son troi-
sième trombone qu'il ne quittait jamais, tandis que M. de Fouren-
ville, dédaigneux de cet instrument de Sax (Orne) embrassait effu-
sément M"e Zéphyrine en manière de félicitations.

Le bon n° 2 mit le prétendu en possession des toilettes de noce.

Il s'affolait d'amour.

Impossible de décrire l'impatience que lui causèrent les lenteurs
platoniques des délais municipaux.

L'heureux jour vint enfin.

Un amusant soleil ruisselait sur Montmartre.

MUc Zéphyrine se tenait toute prête en un charmant fouillis de
fleurs et de dentelles.

Les employés des deux sexes composaient, en vertu du bon n° 3,
une coquette figuration d'invités.

M. de Fourenville, ornait aussi la fête de sa présence.

Ivre de joie, Théodule effeuillait ses tickets coup sur coup. Il
obtenait, conséquemment, la mairie avec discours, la chapelle avec
musique, les bouquets, les chars à bancs, le dîner et les vins extra...
muros chez un « bon » restaurateur; une sauterie sous les arbres,
des lanternes vénitiennes, des rasades de Champagne, des flambées
de punch. Il tenait, décidément, de tout, M. de Fourenville, et même
il tenait des propos assez lestes, dans des apartés avec Mme Théo-
dule.

La gai té, passant dégrade en grade, devenait, enfin, générale!
Théodule ne se tenait plus, il exultait, il débordait. On parlait de
lui mettre une soucoupe quand, soudain, il se frappa le front!

Déjà!

C'est qu'il avait oublié un point capital :
Où donc s'achèverait cette nuit de délire?

Vaine alarme! Riflard détenait un bon pour « complet de chambre
à coucher ».

On regagna Montmartre et l'abasourdi Théodule se retrouva
dans un intérieur dont il eut à peine le temps d'apprécier le
moelleux et le confort, car la lumière électrique s'éteignit tout à
coup.

Le voile qu'il convient d'étendre sur cette partie de l'aventure
était représenté par des volets hermétiquement clos.

Le lendemain matin, Théodule se réveilla dans un brusque retour
de clarté.

Il enveloppe d'un premier regard les charmes secrets de son
installation.
Hélas! surprise! horreur! épouvantement !

Les mystères de l'alcôve s'étalaient au rez-de-chaussée, en plein
boulevard.

Son mur de la vie privée était un vaste vitrage devant lequel
s'entassait une quantité de promeneurs.

On admirait la bonne tête conjugale que Théodule casquaméchait
sur le traversin.

Opprobre et cynisme! Comble de réclame! Le confortable inté-
rieur était marqué « en chiffres connus ». Le ménage était couché
dans l'exposition d'ameublement. Il en démontrait le bon marché,
l'élégance et l'agréable manière de s'en servir.

Un écriteau promettait des rabais patriotiques en cas de nom-
breuse progénitures...

C'était « le clou » du puffisme moderne et Théodule se faisait
un sang!... un sang de clous!

— Moi ça m'est égal, lui dit sa moitié, vous savez : l'habitude.
Ce mot terrible de l'ancienne « essayeuse » exaspéra l'essayé

Théodule.

Il se leva d'un bond (pas du carnet, cette fois).

Il modula le chant du cygne sur son dernier trombone.

Il s'apprêtait au plus prompt des suicides quand, par chance, il
se rappela le dernier bon qui lui restait : un de ces bons suprêmes
qui vous font franchir des abîmes.

Il s'esquiva de la « montre » — c'en était une à échappement —
et fit irruption dans le Bazar, échevelé, pantelant, son papier de
sauvetage à la main!...

Mais il n'eut pas besoin de reprendre haleine pour s'expliquer.

Le premier commis, un génie dans sa spécialité, avait encore
une fois tout compris.

Il prit le ticket et hurla ce cri vengeur :

— Un divorce ! un !

LOUIS MULLEM.
Bildbeschreibung

Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

Inschrift/Wasserzeichen

Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES

Objektbeschreibung

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Radiguet, Maurice
Entstehungsdatum
um 1897
Entstehungsdatum (normiert)
1892 - 1902
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Karikatur
Satirische Zeitschrift

Literaturangabe

Rechte am Objekt

Aufnahmen/Reproduktionen

Künstler/Urheber (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Alle Rechte vorbehalten - Freier Zugang
Creditline
Le rire, 3.1896-1897, No. 142 (24 Juillet 1897), S. 2
 
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