LE MONSIEUR QUT DONNE A MANGER AUX PETITS OISEAUX
POUR IMI-A-IG-IRIïe
L' S. A. C. Q. Q? Tout le monde sait ce que c'est! Ces lettres
désignent clairement la Société Athléto - Cycliste de Quimper-
Quorentin.
Le champion des Athlètes de Quimper était un nommé J. Eitner,
qui courait sous le nom de Rentié, pour ne pas désobliger sa famille.
Il gagna plusieurs courses, notamment la Tasse de Nickel, la Sou -
pière d'Aluminium et le Godet de Zinc (régionales). Seulement, il
arriva bientôt à l'âge critique où les champions engraissent.
Rentié se soumit au régime le plus sévère, s'abstint de ce que les
coureurs nomment si justement des féculents ; il mangeait peu et
ne buvait qu'entre ses repas. Il marchait quatre heures de suite,
revêtu de fourrures et de laine, car suer fait maigrir.
Les pesées de chaque jour n'annonçaient aucun changement no-
table dans le poids. Le champion but du vinaigre, comme au temps
du romantisme; il n'obtint aucun résultat; les pilules fondantes ne
le firent pas fondre, les massages ne lui ôtèrent pas un pouce de
graisse. Alors, quoi?
Il se rua dans la débauche, noctambula, roula les cafés de nuit,
se dévouant à la tâche délicate de rentrer les dames en état d'ébriôté
prononcée. Durant deux mois, il s'astreignit à la fête la plus crapu-
leuse. D'autres y eussent laissé leur embonpoint; il garda le sien;
son poids oscillait entre 85 et 90. MmeEitner fut inquiète, parce que
son mari avait découché soixante nuits de suite. Il la rassura.
Les purgations réitérées, les thés spéciaux, les douches échouèrent;
le ventre persistait. Le champion alla jusqu'à se frotter l'abdomen
avec de la benzine, afin de se dégraisser.
(Je sais bien que cette histoire est médiocrement drôle; elle inté-
ressera pourtant tous ceux dont le tissu cellulaire s'engorge.)
Là-dessus, Eitner rencontra Suin, qui était devenu étique. Natu-
rellement, Suin dit à Eitner : « Tiens! comme tu as engraissé! »
Il ne faudrait pas croire que cela fasse plaisir aux gens gras d'ap-
prendre qu'ils ont engraissé.
Eitner dit à Suin : « Toi, tu as maigri; comment t'y es-tu pris?
— J'ai eu beaucoup de chagrin, ces derniers temps. Rien ne
maigrit comme le chagrin. »
Eitner s'en va pensif; il a eu beaucoup de soucis dans sa chienne
de vie, mais il n'a jamais eu de chagrin. Les paroles de Suin l'ont
rempli d'un nouvel espoir! S'il essayait de se faire maigrir par le
chagrin.
Il commence par les petits chagrins, et perd un oncle auquel il
tenait. Il perd divers autres objets de prix; il s'entraîne. Il a un fils
ctt une fille ; devant eux, il développe des théories anarchistes. Le
fils se fait coffrer dans une maison de correction pour vol aux éta-
lages; la fille tourne mal. Eitner en conçoit quelque chagrin, mais
il est très vite consolé.
Il a de quoi vivre à son aise ; sa fortune (belles valeurs consoli-
dées), il l'égaré en quelques spéculations malheureuses telles que
le Bonneteau automatique, Y Assurance contre la calvitie, la So-
ciété des Vadrouilles économiques, etc. Il se trouve ruiné, mais
son chagrin est encore modéré, à peine de quoi perdre une dizaine
de grammes.
Alors, il a recours aux grands moyens: il amène chez lui le beau
lieutenant Cruzoé ; tous les soirs, il invite le lieutenant, et il le
laisse en tête à tête avec Mme Eitner, qui est encore assez ragoû-
tante. Au bout de quinze jours, le lieutenant se décide, enlève la
petite personne. A son retour, Eitner s'assied tristement au seuil de
son domicile désert et sans meubles... Et, c'est le plus grand cha-
grin...
Or, le champion ne maigrit pas, au contraire, il engraisse de plus
belle. Car, débarrassé des soucis d'argent, de famille et de ménage,
il est, à cette heure, tout à fait heureux.
Bill-Sharp
POUR IMI-A-IG-IRIïe
L' S. A. C. Q. Q? Tout le monde sait ce que c'est! Ces lettres
désignent clairement la Société Athléto - Cycliste de Quimper-
Quorentin.
Le champion des Athlètes de Quimper était un nommé J. Eitner,
qui courait sous le nom de Rentié, pour ne pas désobliger sa famille.
Il gagna plusieurs courses, notamment la Tasse de Nickel, la Sou -
pière d'Aluminium et le Godet de Zinc (régionales). Seulement, il
arriva bientôt à l'âge critique où les champions engraissent.
Rentié se soumit au régime le plus sévère, s'abstint de ce que les
coureurs nomment si justement des féculents ; il mangeait peu et
ne buvait qu'entre ses repas. Il marchait quatre heures de suite,
revêtu de fourrures et de laine, car suer fait maigrir.
Les pesées de chaque jour n'annonçaient aucun changement no-
table dans le poids. Le champion but du vinaigre, comme au temps
du romantisme; il n'obtint aucun résultat; les pilules fondantes ne
le firent pas fondre, les massages ne lui ôtèrent pas un pouce de
graisse. Alors, quoi?
Il se rua dans la débauche, noctambula, roula les cafés de nuit,
se dévouant à la tâche délicate de rentrer les dames en état d'ébriôté
prononcée. Durant deux mois, il s'astreignit à la fête la plus crapu-
leuse. D'autres y eussent laissé leur embonpoint; il garda le sien;
son poids oscillait entre 85 et 90. MmeEitner fut inquiète, parce que
son mari avait découché soixante nuits de suite. Il la rassura.
Les purgations réitérées, les thés spéciaux, les douches échouèrent;
le ventre persistait. Le champion alla jusqu'à se frotter l'abdomen
avec de la benzine, afin de se dégraisser.
(Je sais bien que cette histoire est médiocrement drôle; elle inté-
ressera pourtant tous ceux dont le tissu cellulaire s'engorge.)
Là-dessus, Eitner rencontra Suin, qui était devenu étique. Natu-
rellement, Suin dit à Eitner : « Tiens! comme tu as engraissé! »
Il ne faudrait pas croire que cela fasse plaisir aux gens gras d'ap-
prendre qu'ils ont engraissé.
Eitner dit à Suin : « Toi, tu as maigri; comment t'y es-tu pris?
— J'ai eu beaucoup de chagrin, ces derniers temps. Rien ne
maigrit comme le chagrin. »
Eitner s'en va pensif; il a eu beaucoup de soucis dans sa chienne
de vie, mais il n'a jamais eu de chagrin. Les paroles de Suin l'ont
rempli d'un nouvel espoir! S'il essayait de se faire maigrir par le
chagrin.
Il commence par les petits chagrins, et perd un oncle auquel il
tenait. Il perd divers autres objets de prix; il s'entraîne. Il a un fils
ctt une fille ; devant eux, il développe des théories anarchistes. Le
fils se fait coffrer dans une maison de correction pour vol aux éta-
lages; la fille tourne mal. Eitner en conçoit quelque chagrin, mais
il est très vite consolé.
Il a de quoi vivre à son aise ; sa fortune (belles valeurs consoli-
dées), il l'égaré en quelques spéculations malheureuses telles que
le Bonneteau automatique, Y Assurance contre la calvitie, la So-
ciété des Vadrouilles économiques, etc. Il se trouve ruiné, mais
son chagrin est encore modéré, à peine de quoi perdre une dizaine
de grammes.
Alors, il a recours aux grands moyens: il amène chez lui le beau
lieutenant Cruzoé ; tous les soirs, il invite le lieutenant, et il le
laisse en tête à tête avec Mme Eitner, qui est encore assez ragoû-
tante. Au bout de quinze jours, le lieutenant se décide, enlève la
petite personne. A son retour, Eitner s'assied tristement au seuil de
son domicile désert et sans meubles... Et, c'est le plus grand cha-
grin...
Or, le champion ne maigrit pas, au contraire, il engraisse de plus
belle. Car, débarrassé des soucis d'argent, de famille et de ménage,
il est, à cette heure, tout à fait heureux.
Bill-Sharp
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le Monsieur qui donne à manger aux petits oiseaux
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1897
Entstehungsdatum (normiert)
1892 - 1902
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)