— Si jeunes, et déjà des maîtresses ! Dessin de J. A. Faivris.
SOMBRE HXSTOXRE
Si les lettres françaises ne s'émettaient en les plus nigaudes futi-
lités, elles auraient commenté longuement un fait d'automne qui
vient de se produire pas plus tard qu'hier, et duquel il appert que
se peuvent affirmer néfastement cochons, au point de vue des résul-
tats, les effets d'une force employée mal à propos, pour louable que
s'avère d'ailleurs la nature intrinsèque de ladite force...
(Ouf! ce que j'ai transpiré pour mener à bien cette phrase!
Attendez-moi un moment, le temps de changer de gilet de flanelle.)
Maintenant que me voilà sec, oyez la relation de l'événement,
telle qu'elle me fut transmise par le libraire Gougy, commerçant
savoureux, à qui je lavo souventes fois, les exemplaires — princi-
palement sur Wathman et sur papier de Hollande — à moi dédi-
cacés par les amis que je compte dans la littérature (c'est ceux qui
n'ont pas réussi comme sous-préfets).
« Illustre maître, '
« L'abondance de vos connaissances scientifiques, sportives et
autres, m'engage à déposer dans votre sein le récit d'un cas (qui
serait bien intéressant si toutefois il s'était passé au moyen âge),
celui du jeune pot potentat.
« Ce pot, par sa destination, était à fleurs.
« Un savant en ayant fait l'emplette à dessein de l'exposer, em-
belli de fleurs, sur le devant de sa fenêtre, l'adorna d'un nénuphar,
et le pot devint à fleur d'eau.
« Ce scientifard habitait, avec son fils et sa cuisinière, un sixième
étage où il s'occupait de thermo-chimie douze heures par jour et
fumait du tabac pendant le même nombre d'heures.
(J'ai oublié dé dire que l'enfant était aussi celui de la cuisinière.)
« Quant au pot, par suite de l'altitude à laquelle il s'était élevé
(six étages de plus au-dessus du niveau de la mer), il acpiit une
notable force potentielle dont il conçut une excessive fierté. Des
journées entières, il se délectait à ce penser d'orgueil, convaincu
que tous l'admiraient à l'égal d'Edgar Pot, allant même jusqu'à
songer, ivre de vanité : « Je suis le Pot-en-Ciel! » Quos vu.lt perdere...
« Un jour (triste jour!), apercevant son maître passer sur le
trottoir, sous la fenêtre, il résolut de lui montrer sa fameuse force
potentielle. Comme, précisément, le fils du savant se trouvait dans la
chambre, occupé d'agrandir avec conviction un trou qu'il avait
remarqué à sorf coude droit, le pot agita un peu son nénuphar qui
lit signe au petit garçon de venir vers lui. L'enfant accourut et
dérangea le pot qui en profita pour exécuter un petit soubresaut et
passer par-dessus les rebords de la fenêtre.
« Guigne au dos verdàtre! Le pot avait mal pris son élan! En
vain, il tenta un déviement adroit; il tomba à pic sur le crâne de
l'éminent thermo-chimiste, de qui le pariétal fut défoncé net. —
Priez pour lui !
« Les idées thermo-chimiques du défunt en profitèrent sournoi-
sement pour s'échapper avec célérité dans toutes les directions,
causant sur leurs parcours des dégâts sans nombre (bris de glaces,
chevaux qui se cabrent, enfin, enfants écrasés, massacre de deux
vieillards supposés coupables par la foule). On ne fut pas fichu d'en
rattraper une seule.
« De ce qui précède, cher et illustre Willy, vous inférerez comme
moi qu'il urge d'avoir un pouvoir énergiquemant pondérateur pour
mettre fin aux excès des forces de tous genres, potentielles, popu-
laires et autres.
« Portez-vous bien; moi, je vais
» Cougy
couça. »
Le moindre commentaire serait aussi superflu que ceux de Jules
César.
WlLLY.
SOMBRE HXSTOXRE
Si les lettres françaises ne s'émettaient en les plus nigaudes futi-
lités, elles auraient commenté longuement un fait d'automne qui
vient de se produire pas plus tard qu'hier, et duquel il appert que
se peuvent affirmer néfastement cochons, au point de vue des résul-
tats, les effets d'une force employée mal à propos, pour louable que
s'avère d'ailleurs la nature intrinsèque de ladite force...
(Ouf! ce que j'ai transpiré pour mener à bien cette phrase!
Attendez-moi un moment, le temps de changer de gilet de flanelle.)
Maintenant que me voilà sec, oyez la relation de l'événement,
telle qu'elle me fut transmise par le libraire Gougy, commerçant
savoureux, à qui je lavo souventes fois, les exemplaires — princi-
palement sur Wathman et sur papier de Hollande — à moi dédi-
cacés par les amis que je compte dans la littérature (c'est ceux qui
n'ont pas réussi comme sous-préfets).
« Illustre maître, '
« L'abondance de vos connaissances scientifiques, sportives et
autres, m'engage à déposer dans votre sein le récit d'un cas (qui
serait bien intéressant si toutefois il s'était passé au moyen âge),
celui du jeune pot potentat.
« Ce pot, par sa destination, était à fleurs.
« Un savant en ayant fait l'emplette à dessein de l'exposer, em-
belli de fleurs, sur le devant de sa fenêtre, l'adorna d'un nénuphar,
et le pot devint à fleur d'eau.
« Ce scientifard habitait, avec son fils et sa cuisinière, un sixième
étage où il s'occupait de thermo-chimie douze heures par jour et
fumait du tabac pendant le même nombre d'heures.
(J'ai oublié dé dire que l'enfant était aussi celui de la cuisinière.)
« Quant au pot, par suite de l'altitude à laquelle il s'était élevé
(six étages de plus au-dessus du niveau de la mer), il acpiit une
notable force potentielle dont il conçut une excessive fierté. Des
journées entières, il se délectait à ce penser d'orgueil, convaincu
que tous l'admiraient à l'égal d'Edgar Pot, allant même jusqu'à
songer, ivre de vanité : « Je suis le Pot-en-Ciel! » Quos vu.lt perdere...
« Un jour (triste jour!), apercevant son maître passer sur le
trottoir, sous la fenêtre, il résolut de lui montrer sa fameuse force
potentielle. Comme, précisément, le fils du savant se trouvait dans la
chambre, occupé d'agrandir avec conviction un trou qu'il avait
remarqué à sorf coude droit, le pot agita un peu son nénuphar qui
lit signe au petit garçon de venir vers lui. L'enfant accourut et
dérangea le pot qui en profita pour exécuter un petit soubresaut et
passer par-dessus les rebords de la fenêtre.
« Guigne au dos verdàtre! Le pot avait mal pris son élan! En
vain, il tenta un déviement adroit; il tomba à pic sur le crâne de
l'éminent thermo-chimiste, de qui le pariétal fut défoncé net. —
Priez pour lui !
« Les idées thermo-chimiques du défunt en profitèrent sournoi-
sement pour s'échapper avec célérité dans toutes les directions,
causant sur leurs parcours des dégâts sans nombre (bris de glaces,
chevaux qui se cabrent, enfin, enfants écrasés, massacre de deux
vieillards supposés coupables par la foule). On ne fut pas fichu d'en
rattraper une seule.
« De ce qui précède, cher et illustre Willy, vous inférerez comme
moi qu'il urge d'avoir un pouvoir énergiquemant pondérateur pour
mettre fin aux excès des forces de tous genres, potentielles, popu-
laires et autres.
« Portez-vous bien; moi, je vais
» Cougy
couça. »
Le moindre commentaire serait aussi superflu que ceux de Jules
César.
WlLLY.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1897
Entstehungsdatum (normiert)
1892 - 1902
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 160 (27 Novembre 1897), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg