Dessin de Roubillk.
LES LAIDS _ fournies par de simples blouses, attendu que les pardessus criminels
sont rares, tandis que les blouses suspectes abondent...
Je ne pensais plus du tout à cette affaire
quand un soir, entré dans un établissement
cinématograpbique, je me divertis fort au
spectacle suivant :
On voyait un train arriver, il entrait en
gare, les portières s'ouvraient, des voyageurs
descendaient des compartiments tandis que
d'autres y montaient. Jusque-là rien de drôle,
mais voilà qu'au moment où le train siffle
(on ne l'entendait pas siffler mais on voyait
le petit jet de vapeur de la sirène), un indi-
vidu en pardessus mastic et chapeau mou
s'avance du fond du cliché... Son visage
semble pâle et convulsé...
11 jette un coup d'œil rapide dans les com-
partiments, fait mine d'en ouvrir un, aperçoit
du monde sans doute qui le gêne, le referme,
et se remet à longer le train en sens inverse,
tandis qu'à la tête du convoi qui s'ébranle le
gendarme de service le suit d'un œil pla-
cide...
Je trouvais cela très cocasse, et ce n'est
que huit jours après, en revoyant la même
scène dans le même établissement, que je
songeai tout à coup à me demander pourquoi
cet ahuri ne pouvait se décider à monter
dans un compartiment... Car il ne montait
pas, en définitive ; le cliché s'arrêtait juste au
moment où il jetait un dernier regard navré
dans le fourgon de queue du train en marche,
et prestement s'esquivait.
• Et tout à coup je m'aperçus que la gare où
la vue avait été prise était la gare de Ver-
sailles... Et je fus frappé de cette idée que si
L'individu au pardessus mastic et à visage con-
vulsé manquait le train volontairement, c'est
qu'il ne trouvait pas un seul wagon où il aurait
été seul comme il le souhaitait. Le doute était
impossible sur ce dernier poirft, car j'avais
emporté une jumelle cette fois, et je pus
Mon dieu! est-ce possible de faire des horreurs pareilles? constater qu'à chaque coup d'œil jeté dans les
compartiments sa physionomie devehait verte
d'angoisse.....
Le lendemain, je me rendais chez le pho-
COMMENT S'OBTIENT UNE ERREUR JUDICIAIRE tographe/qui avait pris la vue Ilse-gpu^à
.. que le chehe avait ete tire le 20 mai, le jour
Extrait des Mémoires d'un policier (1). même du crime.
Un autre se serait dit: Je tiens mon homme.
__'Moi qui ai vieilli dans le métier, c'est juste-
ment de ces coïncidences que je me méfie.
.........; ...... . i, ..... Heureusement, car, une fois de plus, l'évé-
... Je vais maintenant donner un curieux exemple de ce que peut nement me donna raison. Sitôt que j'eus mis
la funesteté (?) des apparences, et de la prudence ophidienne néces- l'épreuve photographique sous les yeux du
saire à un policier s'il ne veut s'exposer à faire naufrage entre les chef de gare, celui-ci éclata de rire.
Charybdes et les Scyllas des erreurs judiciaires. . — Ah ! je me rappelle très bien ce mon-
Un crime épouvantable venait d'être commis à Versailles, une sieur. Nous avons failli nous colleter. Pris de
femme avait été coupée- en trente-cinq ou trente-six morcea ux (sur coliques, et ne voulant pas manquer son train,
mon rapport j'avais mis trente-cinq, mais j'ai réfléchi depuis que la • il cherchait partout un compartiment à wa-
cuisse qui manquait pouvait avoir été coupée en deux; ce détail n'a ter-closets. Je lui indiquai le fourgon de
.du reste qu'une importance très relative, car on n'a jamais retrouvé queue.
la cuisse en question, ni l'auteur du crime non plus). Là-dessus, il laissa filer le train et, se tour-
Cette affaire nous mit sens-dessus dessous pendant huit jours, puis nant vers moi, me jeta sa carte en disant:
on n'y pensa plus, — moi du moins. Qu'au-
rais-je pu faire, au reste? Je n'avais aucun
indice, pas l'ombre d'une piste sérieuse.
Mon enquête, très habile d'ailleurs, avait-
tout simplement abouti à un inconnu en clia
, peau mou et pardessus mastic qu'on avait vu
rôde.r autour de la maison et qui "avait dû
filer, une fois le coup fait, par un train quel-
conque (le théâtre du crime était à deux pas
de la gare).
En matière de psychologie . policière, le
pardessus mastic n'est -pas un élément sé-
rieux. Associé avec'un chapeau mou, il peut
commencer à faire réfléchir l'agent,,mais ne
doit en aucun cas le détourner ""des pistes « ^) » C^v^a.
eM^^eWM^MU^^^^S L'Explorateur. - Quand vous aurez fiai de .siffler t.Est-ce que vous vous croyez dans une écurie?
(J. II*) " Dessin de G. Delaw.
LES LAIDS _ fournies par de simples blouses, attendu que les pardessus criminels
sont rares, tandis que les blouses suspectes abondent...
Je ne pensais plus du tout à cette affaire
quand un soir, entré dans un établissement
cinématograpbique, je me divertis fort au
spectacle suivant :
On voyait un train arriver, il entrait en
gare, les portières s'ouvraient, des voyageurs
descendaient des compartiments tandis que
d'autres y montaient. Jusque-là rien de drôle,
mais voilà qu'au moment où le train siffle
(on ne l'entendait pas siffler mais on voyait
le petit jet de vapeur de la sirène), un indi-
vidu en pardessus mastic et chapeau mou
s'avance du fond du cliché... Son visage
semble pâle et convulsé...
11 jette un coup d'œil rapide dans les com-
partiments, fait mine d'en ouvrir un, aperçoit
du monde sans doute qui le gêne, le referme,
et se remet à longer le train en sens inverse,
tandis qu'à la tête du convoi qui s'ébranle le
gendarme de service le suit d'un œil pla-
cide...
Je trouvais cela très cocasse, et ce n'est
que huit jours après, en revoyant la même
scène dans le même établissement, que je
songeai tout à coup à me demander pourquoi
cet ahuri ne pouvait se décider à monter
dans un compartiment... Car il ne montait
pas, en définitive ; le cliché s'arrêtait juste au
moment où il jetait un dernier regard navré
dans le fourgon de queue du train en marche,
et prestement s'esquivait.
• Et tout à coup je m'aperçus que la gare où
la vue avait été prise était la gare de Ver-
sailles... Et je fus frappé de cette idée que si
L'individu au pardessus mastic et à visage con-
vulsé manquait le train volontairement, c'est
qu'il ne trouvait pas un seul wagon où il aurait
été seul comme il le souhaitait. Le doute était
impossible sur ce dernier poirft, car j'avais
emporté une jumelle cette fois, et je pus
Mon dieu! est-ce possible de faire des horreurs pareilles? constater qu'à chaque coup d'œil jeté dans les
compartiments sa physionomie devehait verte
d'angoisse.....
Le lendemain, je me rendais chez le pho-
COMMENT S'OBTIENT UNE ERREUR JUDICIAIRE tographe/qui avait pris la vue Ilse-gpu^à
.. que le chehe avait ete tire le 20 mai, le jour
Extrait des Mémoires d'un policier (1). même du crime.
Un autre se serait dit: Je tiens mon homme.
__'Moi qui ai vieilli dans le métier, c'est juste-
ment de ces coïncidences que je me méfie.
.........; ...... . i, ..... Heureusement, car, une fois de plus, l'évé-
... Je vais maintenant donner un curieux exemple de ce que peut nement me donna raison. Sitôt que j'eus mis
la funesteté (?) des apparences, et de la prudence ophidienne néces- l'épreuve photographique sous les yeux du
saire à un policier s'il ne veut s'exposer à faire naufrage entre les chef de gare, celui-ci éclata de rire.
Charybdes et les Scyllas des erreurs judiciaires. . — Ah ! je me rappelle très bien ce mon-
Un crime épouvantable venait d'être commis à Versailles, une sieur. Nous avons failli nous colleter. Pris de
femme avait été coupée- en trente-cinq ou trente-six morcea ux (sur coliques, et ne voulant pas manquer son train,
mon rapport j'avais mis trente-cinq, mais j'ai réfléchi depuis que la • il cherchait partout un compartiment à wa-
cuisse qui manquait pouvait avoir été coupée en deux; ce détail n'a ter-closets. Je lui indiquai le fourgon de
.du reste qu'une importance très relative, car on n'a jamais retrouvé queue.
la cuisse en question, ni l'auteur du crime non plus). Là-dessus, il laissa filer le train et, se tour-
Cette affaire nous mit sens-dessus dessous pendant huit jours, puis nant vers moi, me jeta sa carte en disant:
on n'y pensa plus, — moi du moins. Qu'au-
rais-je pu faire, au reste? Je n'avais aucun
indice, pas l'ombre d'une piste sérieuse.
Mon enquête, très habile d'ailleurs, avait-
tout simplement abouti à un inconnu en clia
, peau mou et pardessus mastic qu'on avait vu
rôde.r autour de la maison et qui "avait dû
filer, une fois le coup fait, par un train quel-
conque (le théâtre du crime était à deux pas
de la gare).
En matière de psychologie . policière, le
pardessus mastic n'est -pas un élément sé-
rieux. Associé avec'un chapeau mou, il peut
commencer à faire réfléchir l'agent,,mais ne
doit en aucun cas le détourner ""des pistes « ^) » C^v^a.
eM^^eWM^MU^^^^S L'Explorateur. - Quand vous aurez fiai de .siffler t.Est-ce que vous vous croyez dans une écurie?
(J. II*) " Dessin de G. Delaw.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 175 (12 Mars 1898), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg