heur aux hoifïmes en échange d’un peu d’argent. La monogamie me
semble très arriérée et je regrette de ne pouvoir lui substituer une
polygamie bien comprise ; aussi bien presque tous les hommes supé-
rieurs sont-ils polygames, au moins clandestinement.
L’offre du sultan me fît venir l’eau à la bouche : il ne me paraît pas.
incompatible avec ma mission divine que j’aille admirer les œuvres
du Très-Haut dans ce qu’elles ont de plus parfait. Je déclarai donc:
— Indiquez-moi le chemin et je vous suis.
— Non ; il faut d’abord prévenir ces dames.
— Au contraire, nous les surprendrons.
— C’est ce que je ne veux pas.
Je demandai quelques minutes pour changer de costume, et je
revins habillé en lieutenant-colonel des ennuques de Sa Hautesse ;
toutefois, j e gardai mes moustaches.
Après bien des tours dans le sérail (commeje n’y ai pas été nourri,
je n’en connais pas les détours, nous stoppons devant une petite
porte, gardée par des eunuques noirs; les.eunuques noirs ne se
distinguent des eunuques blans que par la couleur de leur peau.
On nous laissa passer : Abdul me présenta, ouvrit la porte et j’en-
tendis des voix de femmes crier: « Peh ! peh ! ! Voilà le patron ! »
— Allons, silence là-dedans ! j’amène du monde !
Puis il ajouta: « Laissez monter! »
Quand j’entrai à mon tour, ces dames s’écrièrent:
— Tiens ! un nouveau !
— Il a une bonne figure !
— Viens par ici !
— Avance donc ! on ne te mangera pas !
J’étais très embarrassé ; à ma gaucherie
maladresse fortifiée encore par l’ignorance
trouvais.
La pièce était carrée, garnie d’un divan qui régnait le long des
murs ; au-dessus du divan, une profusion de glaces ; sur les coussins,
une quantité de dames très légèrement vêtues ; il y en avait de tous
les pays; je remarquai môme une négresse — quels raffinés que ces
Orientaux !
On m’invita à m’asseoir sur le divan, et on me présenta successi-
vement toutes les dames ; il y en a trois cents, pas une de moins.
Evidemment, il y en a de laides, s’il y en a de jolies; mais les jolies
sont en majorité.' Ces dames engraissent très vite, car elles prennent
très peu d’exercice, et encore l’exercice qu’elles prennent n’est-il
pas de nature à les faire maigrir. Toutefois je ne déteste pas ça.
Les noms de ces dames sônttrès élégants et très poétiques : Flora,
Carmen, Mascotte, Julia, Sonia, Camélia, Leila, etc., etc. 11 se ren-
contre aussi des noms d’oiseaux : Mésange, Fauvette, et des noms
de fleurs: Violette, Réséda. C’est une vieille coutume orientale de
baptiser ainsi chaque nouvelle pensionnaire.
Une fois la présentation terminée, je jugeai bon de commander
quelques bouteilles de champagne et de régaler ces aimables per-
sonnes ; en revanche, elles bourrèrent mes poches de cigarettes
blondes et de pâtes de sucre.
Puis, sur l’ordre du maître, plusieurs de ces dames commencèrent
à danser une danse nationale fort curieuse, et même assez volup-
tueuse ; cela consiste à faire onduler circulairement le nombril à
l’aide do contractions musculaires internes et abdominales; je ne
connaissais pas cette particularité ; pendant ce temps, d’autres fem-
mes chantent des chansons en tapant sur le derrière de potiches
naturelle s’ajoutait une
de l’endroit où je me
LF. SULTAN LUI OFFRE UN PETIT PORT
rondes. On nomme cela la « Danse du Ventre ». Décidément, on
apprend en voyage.
A la longue," le spectacle do la Valse des Entrailles agit sur le
système nerveux ; j’étais dans l’état de comateux bien-être, lorsqu’une
des dames qui n’avaient pas dansé s’approcha de moi et me dit à
voix basse des paroles que je n’entendis pas très bien : je compris
qu’elle me priait de l’accompagner dans sa chambre et me jurait que
je ne le regretterais pas.
Certes je ne demandais pas mieux ; je tirai donc mon mouchoir
et je dis au sultan :
— Peut-on jeter?
— Ah ! mon gaillard !... Enfin ! c’est de votre âge!
Et il ordonna aux dames de quitter le salon ; lui-même se retira ;
et alors...
Ici, le récit cle l'Empereur s'interrompt ; il y a environ une demi-
page où l'écriture a été raturée avec soin; on distingue encore çà
et là quelques mots, tels que bonheur... délices... extase... chande-
lier... cadeau..., mais il est impossible de savoir à quoi ces mots
font allusion et comment on peut les relier. Les experts que nous
avons consultés ne sont pas d'acconl. Il g a lieu de croire que
l'hôte du sultan craignait de perdre en voyage son carnet rempli
de souvenirs trop précis d'une faute vénielle. N'essayons pas de
pratiquer un judas dans le niur de la vie privée. Le récit de
/’Empereur reprend à l'autre page.
25 octobre. — Pour remercier mon aimable compagne, je lui
envoie le brevet et les insignes de capitaine de grenadiers poméra-
niens. Ma foi, les petits cadeaux entretiennent l’amitié. Et je ne
regrette pas ce que je donne; je suis très content de ma soirée ; ce
AU REVOIR, SULTAN, JE REVIENDRAI SANS ETRE INVITE
semble très arriérée et je regrette de ne pouvoir lui substituer une
polygamie bien comprise ; aussi bien presque tous les hommes supé-
rieurs sont-ils polygames, au moins clandestinement.
L’offre du sultan me fît venir l’eau à la bouche : il ne me paraît pas.
incompatible avec ma mission divine que j’aille admirer les œuvres
du Très-Haut dans ce qu’elles ont de plus parfait. Je déclarai donc:
— Indiquez-moi le chemin et je vous suis.
— Non ; il faut d’abord prévenir ces dames.
— Au contraire, nous les surprendrons.
— C’est ce que je ne veux pas.
Je demandai quelques minutes pour changer de costume, et je
revins habillé en lieutenant-colonel des ennuques de Sa Hautesse ;
toutefois, j e gardai mes moustaches.
Après bien des tours dans le sérail (commeje n’y ai pas été nourri,
je n’en connais pas les détours, nous stoppons devant une petite
porte, gardée par des eunuques noirs; les.eunuques noirs ne se
distinguent des eunuques blans que par la couleur de leur peau.
On nous laissa passer : Abdul me présenta, ouvrit la porte et j’en-
tendis des voix de femmes crier: « Peh ! peh ! ! Voilà le patron ! »
— Allons, silence là-dedans ! j’amène du monde !
Puis il ajouta: « Laissez monter! »
Quand j’entrai à mon tour, ces dames s’écrièrent:
— Tiens ! un nouveau !
— Il a une bonne figure !
— Viens par ici !
— Avance donc ! on ne te mangera pas !
J’étais très embarrassé ; à ma gaucherie
maladresse fortifiée encore par l’ignorance
trouvais.
La pièce était carrée, garnie d’un divan qui régnait le long des
murs ; au-dessus du divan, une profusion de glaces ; sur les coussins,
une quantité de dames très légèrement vêtues ; il y en avait de tous
les pays; je remarquai môme une négresse — quels raffinés que ces
Orientaux !
On m’invita à m’asseoir sur le divan, et on me présenta successi-
vement toutes les dames ; il y en a trois cents, pas une de moins.
Evidemment, il y en a de laides, s’il y en a de jolies; mais les jolies
sont en majorité.' Ces dames engraissent très vite, car elles prennent
très peu d’exercice, et encore l’exercice qu’elles prennent n’est-il
pas de nature à les faire maigrir. Toutefois je ne déteste pas ça.
Les noms de ces dames sônttrès élégants et très poétiques : Flora,
Carmen, Mascotte, Julia, Sonia, Camélia, Leila, etc., etc. 11 se ren-
contre aussi des noms d’oiseaux : Mésange, Fauvette, et des noms
de fleurs: Violette, Réséda. C’est une vieille coutume orientale de
baptiser ainsi chaque nouvelle pensionnaire.
Une fois la présentation terminée, je jugeai bon de commander
quelques bouteilles de champagne et de régaler ces aimables per-
sonnes ; en revanche, elles bourrèrent mes poches de cigarettes
blondes et de pâtes de sucre.
Puis, sur l’ordre du maître, plusieurs de ces dames commencèrent
à danser une danse nationale fort curieuse, et même assez volup-
tueuse ; cela consiste à faire onduler circulairement le nombril à
l’aide do contractions musculaires internes et abdominales; je ne
connaissais pas cette particularité ; pendant ce temps, d’autres fem-
mes chantent des chansons en tapant sur le derrière de potiches
naturelle s’ajoutait une
de l’endroit où je me
LF. SULTAN LUI OFFRE UN PETIT PORT
rondes. On nomme cela la « Danse du Ventre ». Décidément, on
apprend en voyage.
A la longue," le spectacle do la Valse des Entrailles agit sur le
système nerveux ; j’étais dans l’état de comateux bien-être, lorsqu’une
des dames qui n’avaient pas dansé s’approcha de moi et me dit à
voix basse des paroles que je n’entendis pas très bien : je compris
qu’elle me priait de l’accompagner dans sa chambre et me jurait que
je ne le regretterais pas.
Certes je ne demandais pas mieux ; je tirai donc mon mouchoir
et je dis au sultan :
— Peut-on jeter?
— Ah ! mon gaillard !... Enfin ! c’est de votre âge!
Et il ordonna aux dames de quitter le salon ; lui-même se retira ;
et alors...
Ici, le récit cle l'Empereur s'interrompt ; il y a environ une demi-
page où l'écriture a été raturée avec soin; on distingue encore çà
et là quelques mots, tels que bonheur... délices... extase... chande-
lier... cadeau..., mais il est impossible de savoir à quoi ces mots
font allusion et comment on peut les relier. Les experts que nous
avons consultés ne sont pas d'acconl. Il g a lieu de croire que
l'hôte du sultan craignait de perdre en voyage son carnet rempli
de souvenirs trop précis d'une faute vénielle. N'essayons pas de
pratiquer un judas dans le niur de la vie privée. Le récit de
/’Empereur reprend à l'autre page.
25 octobre. — Pour remercier mon aimable compagne, je lui
envoie le brevet et les insignes de capitaine de grenadiers poméra-
niens. Ma foi, les petits cadeaux entretiennent l’amitié. Et je ne
regrette pas ce que je donne; je suis très content de ma soirée ; ce
AU REVOIR, SULTAN, JE REVIENDRAI SANS ETRE INVITE
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Tournée Guillaume II 15 jours en Turquie, Palestine, Jérusalem et les Lieux Saints
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: Le Sultan lui offre un petit port; Au revoir, Sultan, je reviendrai sans être invité
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 5.1898-1899, No. 212 (26 Novembre 1898), S. 9
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg