— La fumée ne vous incommode pas?
— Mais non, au contraire!
II
POSTE PESTANTE
« Veuillez donc m’écrire pour m'ap-
prendre si le portrait que je vous ai tracé
do moi vous séduit et si les raisons qui
vous ont déterminé à fixer vos conditions
me permettent de compter sur une fidé-
lité perpétuelle.
« Recevez, etc.
« Q. K. C., Poste restante. »
Le lendemain matin je recevais la lettre
suivante :
« Mademoiselle,
« Je me précipite à votre pied pour vous
offrir mes hommages : vous êtes mon
unique espoir ici-bas puisque je n’ai pas
reçu d’autre proposition que la vôtre.
« Ayant eu la jambe écrasée par l’auto-
mobile de la duchesse d’U... et chaussant
4U 1/2 du pied droit, je me vois, avec mes
faibles appointements, obligé do me faire
confectionner sur mesure des chaussures
que je paye les yeux de la tète, les mar-
chands ne voulant pas dépareiller leurs
paires.
« Si vous le voulez bien, à nous deux
nous ferons la paire, ô ma charmante, et
nous suivrons le chemin de la vie en nar-
guant les bottiers qui voulaient nous exploiter.
« Envoyez-moi votre photo que je la colle avec ivresse sous mon
gilet de flanelle.
« Et croyez-moi pour la vie votre
ii E. B. T., Poste restante. »
Je mis soigneusement sous enveloppe à cette adresse une photo-
graphie que j’avais rapportée du Sénégal : un portrait de femme nègre
aux cheveux crépus bardés de suif, avec un anneau dans le nez et des
seins tombant jusqu’aux cuisses.
Il y a huit jours de ça et je n'ai pas encore
reçu de réponse.
Texte et dessin de L. Lebègue.
Alors que j’épluchais les annonces ma-
trimoniales do mon journal avec le vague
espoir de réaliser enlin le mariage con-
fortable qui me sortira d’un célibat odieu-
sement parsemé do déjeuners à 1 fr. 10 —
pain à discrétion — et d’amours à 2 fr. 50
la tranche, mes yeux tombèrent — sans
se faire mal, d’ailleurs—sur un entrefilet
ainsi conçu :
Mous.bien, phys.agr.6p.dcm.ou v. priv.de.
sajamb.dr.et chaussant &01/2.K.Li.T.p.r.
Comme je ne suis ni demoiselle, ni
veuve, mais pourvu d’une superbe paire
de moustaches et de tous les ornements
dévolus au sexe masculin, j'aurais dû pas-
ser outre et continuer à chercher l’héri-
tière que — j’aime à le croire — le hasard
me tient gentiment en réserve, mais, in-
trigué, je me mis à réfléchir et à me de-
mander par quelle aberration ce monsieur
bien et d’un physique agréable ne croyait
trouver le bonheur définitif qu’avec une
demoiselle chaussant 40 1/2 et lui appor-
tant on dot une jambe de bois.
Pour savoir la vérité je n'avais qu’à écrire au monsieur bien ; c’est
ce que je fis en ces termes :
(i Monsieur,
« Venue au monde aveemne jambe de bois, si j’ose ainsi dire, et
chaussant 40 1/2 du pied gauche, je me suis vue jusqu’ici délaissée par
des épouseurs remplis do préjugés, bien que j’eusse des yeux bleus
assez naïfs, des cheveux longs comme la queue d’un chevai arabe, un
nez presque grec et une bouche pleine de promesses.
n La Providence qui a voulu que chaque pot trouvât son couvercle
m’a créée pour votre-bonheur, je le vois par l’annonce de ce matin.
v SINGULIÈRE RÉFLEXION
— Pas mal, cette sonate : dommage que ce soit d’un confrère ! 1 Dessin de Tireï-Bogheï.
— Alors, permettez-moi d’allumer ma pipe.
Dessin de G. Delaiv.
— Mais non, au contraire!
II
POSTE PESTANTE
« Veuillez donc m’écrire pour m'ap-
prendre si le portrait que je vous ai tracé
do moi vous séduit et si les raisons qui
vous ont déterminé à fixer vos conditions
me permettent de compter sur une fidé-
lité perpétuelle.
« Recevez, etc.
« Q. K. C., Poste restante. »
Le lendemain matin je recevais la lettre
suivante :
« Mademoiselle,
« Je me précipite à votre pied pour vous
offrir mes hommages : vous êtes mon
unique espoir ici-bas puisque je n’ai pas
reçu d’autre proposition que la vôtre.
« Ayant eu la jambe écrasée par l’auto-
mobile de la duchesse d’U... et chaussant
4U 1/2 du pied droit, je me vois, avec mes
faibles appointements, obligé do me faire
confectionner sur mesure des chaussures
que je paye les yeux de la tète, les mar-
chands ne voulant pas dépareiller leurs
paires.
« Si vous le voulez bien, à nous deux
nous ferons la paire, ô ma charmante, et
nous suivrons le chemin de la vie en nar-
guant les bottiers qui voulaient nous exploiter.
« Envoyez-moi votre photo que je la colle avec ivresse sous mon
gilet de flanelle.
« Et croyez-moi pour la vie votre
ii E. B. T., Poste restante. »
Je mis soigneusement sous enveloppe à cette adresse une photo-
graphie que j’avais rapportée du Sénégal : un portrait de femme nègre
aux cheveux crépus bardés de suif, avec un anneau dans le nez et des
seins tombant jusqu’aux cuisses.
Il y a huit jours de ça et je n'ai pas encore
reçu de réponse.
Texte et dessin de L. Lebègue.
Alors que j’épluchais les annonces ma-
trimoniales do mon journal avec le vague
espoir de réaliser enlin le mariage con-
fortable qui me sortira d’un célibat odieu-
sement parsemé do déjeuners à 1 fr. 10 —
pain à discrétion — et d’amours à 2 fr. 50
la tranche, mes yeux tombèrent — sans
se faire mal, d’ailleurs—sur un entrefilet
ainsi conçu :
Mous.bien, phys.agr.6p.dcm.ou v. priv.de.
sajamb.dr.et chaussant &01/2.K.Li.T.p.r.
Comme je ne suis ni demoiselle, ni
veuve, mais pourvu d’une superbe paire
de moustaches et de tous les ornements
dévolus au sexe masculin, j'aurais dû pas-
ser outre et continuer à chercher l’héri-
tière que — j’aime à le croire — le hasard
me tient gentiment en réserve, mais, in-
trigué, je me mis à réfléchir et à me de-
mander par quelle aberration ce monsieur
bien et d’un physique agréable ne croyait
trouver le bonheur définitif qu’avec une
demoiselle chaussant 40 1/2 et lui appor-
tant on dot une jambe de bois.
Pour savoir la vérité je n'avais qu’à écrire au monsieur bien ; c’est
ce que je fis en ces termes :
(i Monsieur,
« Venue au monde aveemne jambe de bois, si j’ose ainsi dire, et
chaussant 40 1/2 du pied gauche, je me suis vue jusqu’ici délaissée par
des épouseurs remplis do préjugés, bien que j’eusse des yeux bleus
assez naïfs, des cheveux longs comme la queue d’un chevai arabe, un
nez presque grec et une bouche pleine de promesses.
n La Providence qui a voulu que chaque pot trouvât son couvercle
m’a créée pour votre-bonheur, je le vois par l’annonce de ce matin.
v SINGULIÈRE RÉFLEXION
— Pas mal, cette sonate : dommage que ce soit d’un confrère ! 1 Dessin de Tireï-Bogheï.
— Alors, permettez-moi d’allumer ma pipe.
Dessin de G. Delaiv.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Poste restante; Singulière Réflexion; -La fumée ne vous incommode pas?
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildbeschriftung: Tombouctou
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 5.1898-1899, No. 213 (3 Décembre 1898), S. 8
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg