le juge. — Précisément, je suis ici pour
l’éviter, l’erreur... la fâcheuse erreur judi-
ciaire... Bon!... Ou vous accuse... oh ! à tort,
sans doute... on vous accuse d’avoir assassiné
une vieille femme... si vieille que je ne sais
même vraiment pas pourquoi on en fait tant de
bruit... et de l’avoir ensuite coupée en dix-huit
ou dix-neuf morceaux... nous ne vous chica-
nerons pas sur le nombre... Eh bien ! je ne
puis croire cela devous... vous avez une bonne
figure... n’est-ce pas que c’est faux?
l’accusé. — C’est la vérité vraie, au con-
traire : comme vous le dites, je l’ai chourinée,
la vieille, et dépecée en dix-neuf morceaux.
dix-neuf, vous entendez !
le juge. — Allons donc! Vous vous troublez,
je vois ça! Rappelez bien vos souvenirs. Vous
ne vous trompez pas? 11 y a des ressemblances
si extraordinaires... Vous êtes bien sûrde vous
reconnaître l’auteur de ce crime très anodin et
qui ne vous fera pas grande réclame, allez, si,
comme je le crains, ce n’est que par gloriole
que vous vous en vantez.
l’accusé. — Mais non, c’est bien moi, je vous
en donne ma parole d’honneur!
le juge. —.Mais, sapristi! je ne vous la de-
mande pas... Merci! Pour qu’on prétende en-
core que j’ai cherche à vous extorquer quelqp8
chose... Vous êtes impressionné, ça se voit-
Vous dites ça, parce que je vous fais peur;
mais, si vous vouliez bien vous souvenir, le
jour du crime, vous deviez être chez votre
tante d’Asnières.
l’accusé. — Je n’ai pas de tante et elle ne
demeure pas à Asnières.
le juge. —Alors, c’était chez votre oncle ou
chez votre cousine.
l’accusé. — Je suis orphelin, sans parent,
sans famille !
le juge. — Pauvre enfant! Enfin, bref, vous
étiez ailleurs, j’en suis persuadé, et ce n’est
pas vous qui avez tué cette vieille femme sans
importance.
l’accusé. — Mais puisque je vous dis que si-
i.e juge. — Je n’en crois rien !
l’accusé. — Mais, nom dé nom !...
i.e juge. — Allons, bon! Vous vous emportez,
maintenant. C’est bien cela, vous avez la fièvre,
vous êtes énervé... Je ne veux pas vous fat1"
guer davantage. Vous allez rentrer chez vous,
dans votre prison. Joseph va vous porter une
tasse de tilleul, avec de la fleur d'oranger--
Mais, bien entendu, cela ne vous engage ;l
rien... Vous ne devez m’en savoir aucun gré---
Il ne manquerait plus que vous vous crussiez
obligé à de faux aveux pour me remercier
d’une sollicitude toute naturelle... Non... Ayc*
seulement l’amabilité de me faire dire s’il vous
sera agréable d’être interrogé demain. Vous
serez plus calme, j’espère... Et tâchez de vous
rappeler un peu mieux, n’est-ce pas? -
On emmène l’accusé qui proteste. Les jour'
"n nalistes sont autorisés à aller Vinterviewer
dans sa cellule... Pour empêcher le juge d’inS'
truclion d’être influencé par les contingence
extérieures, on l’enferme dans son cabinet
sous la gante d’un idem municipal... au secret
Rodolphe Bringer.
la joie des vilains temps
Dessin de Houbillk.
INSTRUCTION PUBLIQUE
LE CABINET D’UN JUGE D’INSTRUCTION
le juge. — Joseph, dites qu'on amène l’ac-
cusé et, en même temps, ouvrez toutes les
portes et laissez pénétrer le public.
Joseph ouvre les portes. Trois mille jour-
nalistes pénètrent dans le cabinet. A ce mo-
ment, avec d’exquises délicatesses, les gardes
amènent l’accusé.'
le juge. — Asseyez-vous, mon ami! Tâchez
de me répondre le plus haut possible, afin que
tout le monde vous entende, et surtout ne vous
troublez pas, mon enfant. J’suis T père des
accusés, moi, scrongnongneu !... Voyons, c’est
bien vous qui vous appelez Jérôme Trouillepot.
l’accusé. — Apparemment qu’Vcjë'st pas ma
sœur.
le juge. — Vous en êtes bien sûr?
l’accusé. — Y a pas d’erreur !
'ùcÿ
— jN'approchez pas, mes enfants, votre père a la langue chargée !
Dessin de G. Delà v*
l’éviter, l’erreur... la fâcheuse erreur judi-
ciaire... Bon!... Ou vous accuse... oh ! à tort,
sans doute... on vous accuse d’avoir assassiné
une vieille femme... si vieille que je ne sais
même vraiment pas pourquoi on en fait tant de
bruit... et de l’avoir ensuite coupée en dix-huit
ou dix-neuf morceaux... nous ne vous chica-
nerons pas sur le nombre... Eh bien ! je ne
puis croire cela devous... vous avez une bonne
figure... n’est-ce pas que c’est faux?
l’accusé. — C’est la vérité vraie, au con-
traire : comme vous le dites, je l’ai chourinée,
la vieille, et dépecée en dix-neuf morceaux.
dix-neuf, vous entendez !
le juge. — Allons donc! Vous vous troublez,
je vois ça! Rappelez bien vos souvenirs. Vous
ne vous trompez pas? 11 y a des ressemblances
si extraordinaires... Vous êtes bien sûrde vous
reconnaître l’auteur de ce crime très anodin et
qui ne vous fera pas grande réclame, allez, si,
comme je le crains, ce n’est que par gloriole
que vous vous en vantez.
l’accusé. — Mais non, c’est bien moi, je vous
en donne ma parole d’honneur!
le juge. —.Mais, sapristi! je ne vous la de-
mande pas... Merci! Pour qu’on prétende en-
core que j’ai cherche à vous extorquer quelqp8
chose... Vous êtes impressionné, ça se voit-
Vous dites ça, parce que je vous fais peur;
mais, si vous vouliez bien vous souvenir, le
jour du crime, vous deviez être chez votre
tante d’Asnières.
l’accusé. — Je n’ai pas de tante et elle ne
demeure pas à Asnières.
le juge. —Alors, c’était chez votre oncle ou
chez votre cousine.
l’accusé. — Je suis orphelin, sans parent,
sans famille !
le juge. — Pauvre enfant! Enfin, bref, vous
étiez ailleurs, j’en suis persuadé, et ce n’est
pas vous qui avez tué cette vieille femme sans
importance.
l’accusé. — Mais puisque je vous dis que si-
i.e juge. — Je n’en crois rien !
l’accusé. — Mais, nom dé nom !...
i.e juge. — Allons, bon! Vous vous emportez,
maintenant. C’est bien cela, vous avez la fièvre,
vous êtes énervé... Je ne veux pas vous fat1"
guer davantage. Vous allez rentrer chez vous,
dans votre prison. Joseph va vous porter une
tasse de tilleul, avec de la fleur d'oranger--
Mais, bien entendu, cela ne vous engage ;l
rien... Vous ne devez m’en savoir aucun gré---
Il ne manquerait plus que vous vous crussiez
obligé à de faux aveux pour me remercier
d’une sollicitude toute naturelle... Non... Ayc*
seulement l’amabilité de me faire dire s’il vous
sera agréable d’être interrogé demain. Vous
serez plus calme, j’espère... Et tâchez de vous
rappeler un peu mieux, n’est-ce pas? -
On emmène l’accusé qui proteste. Les jour'
"n nalistes sont autorisés à aller Vinterviewer
dans sa cellule... Pour empêcher le juge d’inS'
truclion d’être influencé par les contingence
extérieures, on l’enferme dans son cabinet
sous la gante d’un idem municipal... au secret
Rodolphe Bringer.
la joie des vilains temps
Dessin de Houbillk.
INSTRUCTION PUBLIQUE
LE CABINET D’UN JUGE D’INSTRUCTION
le juge. — Joseph, dites qu'on amène l’ac-
cusé et, en même temps, ouvrez toutes les
portes et laissez pénétrer le public.
Joseph ouvre les portes. Trois mille jour-
nalistes pénètrent dans le cabinet. A ce mo-
ment, avec d’exquises délicatesses, les gardes
amènent l’accusé.'
le juge. — Asseyez-vous, mon ami! Tâchez
de me répondre le plus haut possible, afin que
tout le monde vous entende, et surtout ne vous
troublez pas, mon enfant. J’suis T père des
accusés, moi, scrongnongneu !... Voyons, c’est
bien vous qui vous appelez Jérôme Trouillepot.
l’accusé. — Apparemment qu’Vcjë'st pas ma
sœur.
le juge. — Vous en êtes bien sûr?
l’accusé. — Y a pas d’erreur !
'ùcÿ
— jN'approchez pas, mes enfants, votre père a la langue chargée !
Dessin de G. Delà v*
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La joie des vilains temps; -N’approche pas, mes enfants, votre père a la langue chargée!
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 5.1898-1899, No. 215 (17 Décembre 1898), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg