BONIMENTS
Et/ il y a toujours 100,000 francs à qui pourra prouver que je dis des blagues
Dessin de C. Hüard.
UNE AFFAIRE D’ARTILLEURS
Quand que c’est que le gars Ladourdille, canonnier z’à cheval de
père en fils, il est revenu de la campagne d’Italie d’avec la médaille
neuve au bout d’un ruban rouge et blanc, comme de juste il a de-
mandé n’une permission à c’te fin d’aller voir son grand-père.
Il n’avait point z’emporté son sabre et sabretache, mais tout seu-
lement son pantalon de treillis, son bonnet de police et sa veste de
grande tenue, galons et soutaches rouges.
Faut vous dire que le grand-père Ladourdille il était venu z’habi-
ter la Champagne pouilleuse depuis un temps qu’était de longtemps
dans l’idée d’atteler quelquefois la carriole d’avec quelques vieux
malins pour s’en aller n’entendre le canon au champ de Châlons et
juger z’un peu, d’après la manœuvre, s’il y avait de la refrise et si,
un jour, il y aurait du reflanc.
Et quand que c’est qu’il a vu son gars, le v’ià-t-il pas qu’il a dit :
— Eli bienl mon fieu, ça s’est bien passé pour l’artillerie?
— Pas mal, mon ancien, que répond Ladourdille en prenant son
bonnet à gland dans la main. Z’avions des canons de l’Empereur
qui portaient plus loin que ceusses des Autrichiens. De sorte que,
quand que c’est que ç’a été le mieux mené (vu la distance qu’on se
mettait), nous leur z’avons toujours foutu leurs pièces en bas sans
en recevoir aucun mal. C’est tout à fait ce qu’on peut appeler une
bonne affaire.
— Oh! que dit le grand-père à Ladourdille, sans doute que c’est
une bonne affaire pour la nation. Mais c’est pas tout à fait ce qu’on
peut appeller une bonne affaire d’artilleurs. Je vas t’en conter une
qui m’est arrivée pas trop loin d’ici, dans l’an de l’année de 1814, la
fois que, pour la centième fois, on nous avait débarqué sur le dos
pas tout seulement des Autrichiens, mais tout ce qu’on avait trouvé,
avec eux, de salauds en Europe. Même dans les environs, puisqu’il
y en avait qui marchaient cosaque.
« Donc, un soir, voilà que le maréchal Ney, dont auquel, n’est-ce
pas? et le salut!
« V’ià que 1’ maréchal Ney, que j’ dis, il nous détache de la bat-
terie, deux pièces avec le lieutenant, en disant, personnellement :
« — Vous êtes dans un sale endroit; mais faut s’ garer, de ce qu’à
c’t’ heure ces gens-là ils marchent encore. Pourraient bien vous
pousser. Z’aurez tout seulement avec vous deux ou trois centaines
d’hommes choisis et voltigeurs. En cas de malheur, le reste viendra
z’au petit bonheur!
« Z’arrivent, en effet, sur les cinq heures, comme c’est que le
maréchal il l’avait dit, et du canon presque tout de suite.
« Le premier de leurs coups nous amène un c... de boulet qui
détraque la roue de gauche au lieu d’emporter tout de suite les
deux servants du même côté, dont auquel j’étais 1’ premier.
« En chœur — tu la connais :
C’est le premier servant de gauche,
Qui manœuvre l’écouvillon,
Ton ton, ton ton,
Tontaine et ton ton.
« Z’assez!
« Pour lors que le lieutenant cria :
« — C’est z’un rien. Il y a z’une roue de rechange derrière al’
fourgon. Où que c’est qu’est le charron? On va faire la réparation.
« Z’on n’avait pas plutôt fait de changer la roue de gauche que
Et/ il y a toujours 100,000 francs à qui pourra prouver que je dis des blagues
Dessin de C. Hüard.
UNE AFFAIRE D’ARTILLEURS
Quand que c’est que le gars Ladourdille, canonnier z’à cheval de
père en fils, il est revenu de la campagne d’Italie d’avec la médaille
neuve au bout d’un ruban rouge et blanc, comme de juste il a de-
mandé n’une permission à c’te fin d’aller voir son grand-père.
Il n’avait point z’emporté son sabre et sabretache, mais tout seu-
lement son pantalon de treillis, son bonnet de police et sa veste de
grande tenue, galons et soutaches rouges.
Faut vous dire que le grand-père Ladourdille il était venu z’habi-
ter la Champagne pouilleuse depuis un temps qu’était de longtemps
dans l’idée d’atteler quelquefois la carriole d’avec quelques vieux
malins pour s’en aller n’entendre le canon au champ de Châlons et
juger z’un peu, d’après la manœuvre, s’il y avait de la refrise et si,
un jour, il y aurait du reflanc.
Et quand que c’est qu’il a vu son gars, le v’ià-t-il pas qu’il a dit :
— Eli bienl mon fieu, ça s’est bien passé pour l’artillerie?
— Pas mal, mon ancien, que répond Ladourdille en prenant son
bonnet à gland dans la main. Z’avions des canons de l’Empereur
qui portaient plus loin que ceusses des Autrichiens. De sorte que,
quand que c’est que ç’a été le mieux mené (vu la distance qu’on se
mettait), nous leur z’avons toujours foutu leurs pièces en bas sans
en recevoir aucun mal. C’est tout à fait ce qu’on peut appeler une
bonne affaire.
— Oh! que dit le grand-père à Ladourdille, sans doute que c’est
une bonne affaire pour la nation. Mais c’est pas tout à fait ce qu’on
peut appeller une bonne affaire d’artilleurs. Je vas t’en conter une
qui m’est arrivée pas trop loin d’ici, dans l’an de l’année de 1814, la
fois que, pour la centième fois, on nous avait débarqué sur le dos
pas tout seulement des Autrichiens, mais tout ce qu’on avait trouvé,
avec eux, de salauds en Europe. Même dans les environs, puisqu’il
y en avait qui marchaient cosaque.
« Donc, un soir, voilà que le maréchal Ney, dont auquel, n’est-ce
pas? et le salut!
« V’ià que 1’ maréchal Ney, que j’ dis, il nous détache de la bat-
terie, deux pièces avec le lieutenant, en disant, personnellement :
« — Vous êtes dans un sale endroit; mais faut s’ garer, de ce qu’à
c’t’ heure ces gens-là ils marchent encore. Pourraient bien vous
pousser. Z’aurez tout seulement avec vous deux ou trois centaines
d’hommes choisis et voltigeurs. En cas de malheur, le reste viendra
z’au petit bonheur!
« Z’arrivent, en effet, sur les cinq heures, comme c’est que le
maréchal il l’avait dit, et du canon presque tout de suite.
« Le premier de leurs coups nous amène un c... de boulet qui
détraque la roue de gauche au lieu d’emporter tout de suite les
deux servants du même côté, dont auquel j’étais 1’ premier.
« En chœur — tu la connais :
C’est le premier servant de gauche,
Qui manœuvre l’écouvillon,
Ton ton, ton ton,
Tontaine et ton ton.
« Z’assez!
« Pour lors que le lieutenant cria :
« — C’est z’un rien. Il y a z’une roue de rechange derrière al’
fourgon. Où que c’est qu’est le charron? On va faire la réparation.
« Z’on n’avait pas plutôt fait de changer la roue de gauche que
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum (normiert)
1899 - 1899
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)