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Le rire: journal humoristique — 6.1899-1900 (Nr. 261-312)

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https://doi.org/10.11588/diglit.21881#0093
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de nos conquérants, je ne le fais pas au hasard et sans discerne-
ment.

Qui je suis? Je suis le plus âgé des chevaux de bois du monde.
J_.es termites m’ont tellement troué et vilbrequiné de leur tarière
que j’ai l’air d’une très vieille passoire, ce qui m’a valu le respect
unanime de mes pareils et le titre de Président du Syndicat inter-
national des chevaux de bois.

„ Pour vous, mon cher maître, vous êtes l’auteur d’un impéris-
sable livre qui vous a valu, vous vaut et à jamais vous vaudra la
gratitude émue de tout ce qui sur terre est digne du nom d’animal.
Tous vos contemporains entendent à merveille que je parle ici de

Bêtes et Gens de Lettres; et, à l’appui de ce que je disais immédia-
tement plus haut, il est de notoriété que l’édition totale en fait les
délices des rats et des souris qui sanhédrinent en les caves du pa-
ternel éditeur Ernest Flammarion.

« Ceci posé, mon cher maître, je vous ferai grâce des légitimes
récriminations dont tous mes. syndiqués m’ont prié de me faire
l’écho*près de vous. Je ne vous dirais rien, du reste, à ce sujet que
vous ne sussiez déjà, j’en suis persuadé. Avec l’âme que je vous
connais, vous souffrez autant que nous-mêmes, j’en jurerais, du
mépris dans lequel on nous tient et de l’exil où nous sommes relé-
gués depuis plus de trois ans.

« Les destins du cheval de bois seraient donc accomplis!...

« Je suis près de tomber en poussière, et cette amère sensation de
notre décadence eût bien dù m’être épargnée. Ah! je vous l’avoue,
je songerais au suicide si l’emploi de cet extrême moyen ne m’était
interdit par ma passivité même!

« Toutefois, je ne puis m’empêcher de penser que Toussenel, défi-
nissant l’étalon arabe, nous définissait implicitement ; et nous étions
bien vraiment, comme il l’a dit, ces fiers coursiers avides de tour-
nois, de pompe et de fanfares.

« Aujourd’hui, l’immonde cochon, la vache innomable et le lapin
turpide ont usurpé notre place ; et quelques-uns d’entre nous ne doi-
vent de parader encore dans le bruit enivrant des foires qu’à la
lâcheté de leur renoncement : foulant aux pieds tout respect cheva-
lin, ayant toute honte bue, ils consentent à virer, au dernier plan
des manèges, derrière l'imbécillité de l’autruche et la pestilance du
tigre !...

« Pour nous, qui préférons le bûcher à cette indignité, nous aigui-
sons notre stoïcisme, en l’opaque obscurité des antiques roulottes où
nous vivons empilés depuis trois ans.

« Mais, avant de mourir, nous voudrions qu’une satisfaction ultime
nous fût accordée, celle de voir notre initial grand-père, celui qui,
dans la Bible des chevaux, exerce la suprématie ancestrale au
même titre que, dans la Bible des hommes, votre immémorial
Adam !

« C’est le cheval de Troie que je veux dire, et vous m’aviez com-
pris du reste.

« Parlez-moi d’un cheval! Celui-ci n’a-t-il pas sept mètres de haut
sur cinq mètres de long? Ne pèse-t-il pas quatre mille kilos? Et, pour
le pousser, nefaut-il pas l’effort de vingt-quatre hommes ? Est-il, dans
les foires, un seul cochon, un seul lapin, un seul tigre, une seule
vache, une seule autruche pour se recommander d’un aïeul de cet
acabit? Non, il n'en est pas ! Et ceci nous console un peu, pauvres
petits chevaux de bois que nous sommes!

« Or, avant-d’aller rejoindre aux Champs-Elysées l’ombre du bon
poète Verlaine, qui nous fut si bienveillant, nous faisons un vœu
suprême et pour la réalisation duquel nous implorons votre puis-
sant appui : que MM. Bertrand et Gailhard nous laissent nous
asseoir une fois dans les fauteuils d'e l’Opéra pour qu’il nous soit
loisible de contempler en sa gloire nouvelle, au cours d’une repré-
sentation de la Prise de Troie, le palefroi splendide dont nous som-
mes les petits-fils aussi respectueux qu’agonisants.

« Confiant en votre décisive influence et sûr de votre amitié, j’en-
cense en votre honneur de toutes mes forces qui finissent.

« Patteraide, président du S. I. D. C. D. B. »

" p.-s. — N’oubliez pas de dire à MM. Bertrand et Gailhard que
nous.sommes très bien élevés et que nous ne crottons pas. »

J’ai vu, cet après-midi, MM. Bertrand et Gailhard, et j’ai été assez
hem eux pour obtenir d eux que la salle entière de l’Opéra soit mise
à la disposition du syndicat international des Chevaux de Bois le
soir de la centième du chef-d’œuvre d’Hector Berlioz,

Georges Docquois.

— Comment, déjà six mois que vous êtes mariés et pas l’ombre de... En
voilà des vilains paresseux !

— Oli! Madame, tant que la mode sera aux ventres plats... ce serai4 si

ridicule... Nous attendons. Dessin de Radiguet.

— J’ai du chagrin, ma pauvre Lucie !

— Oh ! pourquoi ?

— Mon cousin Paul se marie avec ma meilleure amie.

Dessin de Berteret.
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