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https://doi.org/10.11588/diglit.21881#0817
L’HOMME VERDÂTRE
ou la Porte mystérieuse de la Cave aux Trésors des souterrains
du Château-Maudit
GRAND ROMAN HISTORIQUE
: (Suite.)
CHAPITRE YI - < ’ -j -
Où l’Homme verdâtre fait son apparition.
Le soir de cette même journée, Arthur de Boisflotté, l’esprit
encore occupé de l’aimable vision de la rue des Tournelles, se
dirigea vers l’Hôtel de lady Paméla, ambassadrice d’Angleterre.
Frisé au petit 1er, parfumé, adonisé, couvert de pierreries, de den-
Frisé, parfumé, adonisé, Arthur avait l’air d’un petit maître.
elles et de rubans, le jeune homme avait l’air d’un petit maître et
du dernier galant. 11 arriva vers minuit à l’ambassade. Déjà l’assis-
tance était nombreuse; la jeunesse dorée de Paris, Enguerrand de’
Vaulx-Brézé, Montretout, Chasteaupaillard, la Pelade, Alcide de
Normandie, seigneur de Montvieil et le cadet de Bretagne Kelbou-
rouët-Pienii’dougaz formaient cercle autour de la maîtresse du lieu,
à laquelle ils débitaient mille fadeurs.
Tout en ayant passé la première jeunesse, voire 1a. seconde, lady
Paméla.était encore en âge d’être aimée. Son teint était fleuri, mais
non bourgeonné ; elle offrait donc cette carnation éclatante que les
brouillards de la Tamise conservent aux filles d’Albion, véritable peau
dé fleur, où se jouent les lys et les roses. La belle anglaise comptait
d autant plus d’adorateurs cju’elle semblait être comme la Maréchale
d Ancre, de petite vertu. Tels de pauvres phaliènes pressés de
brûler leurs ailes à la lumière d’une lampe, les plus grands noms de
France hypnotisés par cette beauté hors pair 11e s’apercevaient point
qüe les yeux faux de Paméla — faux mais non postiches — déno-
taient une-âme rusée et déloyale, qui, comme celle du serpent, sait
imposer silence aux rugissements
de la haine et se retourner dans
l’ombre pour bondir et mordre.
Dieu seul peut savoir de quels
forfaits était capable cette astu-
cieuse créature avec l’aide de son
cousin Roland d’Hodeurforth et les
conseils de sa soubrette favorite,
une hollandaise.à l’œil fripon, ap-
pelée Frida.
« Parbleu, vicomte, minauda la
belle Anglaise en voyant entrer
Boisflofté, nous parlions du grand
bal paré et costumé que la reine-
mère doit donner en son château
du Louvre dans Ta nuit du 10 de
ce mois. En ouïtes-vous parler ?
— Oui, j’en ouïs parler, aimable déité. Et à de' telles enseignes
que la Reine mourrait de peur si elle était avisée de l’hôte qu’elle y
recevra ! »
Te début promeltait. Tout le monde se tourna curieusement vers
le jeune seigneur qui continua en ces termes :
« L’autr.e jour, je me trouvais avec quelques joyeux compagnons à
la Rôtisserie de la Truie qui pelote et je devisais avec eux sur le
sujet qui nous occupe, quand une voix mélancolieusement grave
s éleva derrière nous : « Messieurs, disait-elle, si un bal est donné
à la Cour, je n’aurais garde d’y manquer ». L’homme qui avait dit
ces mots semblait d’une haute stature. Il était vêtu d’un costume
sombre et portait, attaché sur l'épaule, un sac de velours noir semé
de larmes d’argent. Tous aurez tous, belle dame et messieurs,
reconnu le personnage, quand je vous aurai dit qu’il avait le visage
d’une pâleur de cire, et que par instants, son masque en se décom-
posant prenait une teinté glauque...
.Une soubrette à l’œil fripon.
Un frisson général parcourut l’assistance
Un frisson général parcourut l’assistance : « L’Homme verdâtre »,
s’écria-t-elle d’une seule voix.
CHAPITRE VII
Le Cartel ensanglanté.
— Oui, l’Homme verdâtre, belle dame et messieurs,l’Homme ver-
dâtre est dans nos murs; l’Homme
verdâtre sera au bal de la Cour.
— Mais il a été pendu par le col
Tannée dernière, objecta Kelbourouët,
pendu jusqu’à ce que mort s’en suive.
— L’Homme verdâtre ne meurt
point. C’est un être surnaturel ou tout
au moins peu ordinaire. Vous n’igno-
rez point qu’après avoir vengé les en-
fants du prince CoHolani, victime d’une
politique infâme, il se vit condamné à
être enseveli vivant. La sentence fut
exécutée; mais le lendemain le sépul-
cre était vide. Deux ans après, à l’oc-
casion de cette malheureuse affaire
du douze septembre — je veux parler
de celle du malheureux Cinq-Mars ;
— l’Homme verdâtre osa flétrir ouver-
tement la conduite de Richelieu. Sur
un prétexte futile, il fut écartelé et
vit ses cendres jetées au vent; ce qui
n’empêche point qu’un mois plus tard
il se trouvait présent au Conseil su-
prême des Chevaliers de Malte. De-
puis lors il n’a pas cessé un seul ins-
tant de poursuivre son œuvre de
justicier. Plusieurs fois il a été lui-
même empoisonné, poignardé, pendu,
il a reparu peu après, de plus en plus
verdâtre, de plu-s en plus émacié,
mais toujours également énergique
et sombre, fatal comme la destinée,
implacable cognme la vengeance. L’an-
née dernière encore, en présence de
20,000 personnes, il a eu le col, je ne
dirai pas seulement rabattu, mais
tranché littéralement par 1a. hache du
bourreau et pourtant hier, je l’ai vu
vivant comme moi et vous.. Que vous
dirai-je de plus? Ce soir même, en me
rendant ici auprès de la plus sédui-
sante des mortelles, je butai au coin
de la rue voisine contre un corps
étendu à terre et présentant une rai-
deur cadavérique. Je me penchai ; à
la lueur incertaine d’une torche, je
reconnus qui? L’homme que j’avais
entendu parler la veille, l’Homme
verdâtre, immobile, inanimé, déjà froid.
Son cœur avait été traversé de vingt-
cinq coups de stylet; 11. ne battait
plus. Vous poussez un soupir de sou-
lagement? Pourquoi? L’Homme verdâtre ne meurtpoint, vous dis-je.
Demain il sera présent au bal de laCour. Tremblons, oui, tremblons,
car son apparition annonce la mort d’un des plus grands du royaume,
de l’un de nous peut-être.
L’auditoire,serré autour du jeune capitaine, était comme suspendu
à ses lèvres,— qu’il avait d’ailleurs fort belles. Les plus sceptiques
eux-mêmes ne raillaient plus.
Il eut le col... tranché littéralement
en présence de 2(1,000 personnes.
ou la Porte mystérieuse de la Cave aux Trésors des souterrains
du Château-Maudit
GRAND ROMAN HISTORIQUE
: (Suite.)
CHAPITRE YI - < ’ -j -
Où l’Homme verdâtre fait son apparition.
Le soir de cette même journée, Arthur de Boisflotté, l’esprit
encore occupé de l’aimable vision de la rue des Tournelles, se
dirigea vers l’Hôtel de lady Paméla, ambassadrice d’Angleterre.
Frisé au petit 1er, parfumé, adonisé, couvert de pierreries, de den-
Frisé, parfumé, adonisé, Arthur avait l’air d’un petit maître.
elles et de rubans, le jeune homme avait l’air d’un petit maître et
du dernier galant. 11 arriva vers minuit à l’ambassade. Déjà l’assis-
tance était nombreuse; la jeunesse dorée de Paris, Enguerrand de’
Vaulx-Brézé, Montretout, Chasteaupaillard, la Pelade, Alcide de
Normandie, seigneur de Montvieil et le cadet de Bretagne Kelbou-
rouët-Pienii’dougaz formaient cercle autour de la maîtresse du lieu,
à laquelle ils débitaient mille fadeurs.
Tout en ayant passé la première jeunesse, voire 1a. seconde, lady
Paméla.était encore en âge d’être aimée. Son teint était fleuri, mais
non bourgeonné ; elle offrait donc cette carnation éclatante que les
brouillards de la Tamise conservent aux filles d’Albion, véritable peau
dé fleur, où se jouent les lys et les roses. La belle anglaise comptait
d autant plus d’adorateurs cju’elle semblait être comme la Maréchale
d Ancre, de petite vertu. Tels de pauvres phaliènes pressés de
brûler leurs ailes à la lumière d’une lampe, les plus grands noms de
France hypnotisés par cette beauté hors pair 11e s’apercevaient point
qüe les yeux faux de Paméla — faux mais non postiches — déno-
taient une-âme rusée et déloyale, qui, comme celle du serpent, sait
imposer silence aux rugissements
de la haine et se retourner dans
l’ombre pour bondir et mordre.
Dieu seul peut savoir de quels
forfaits était capable cette astu-
cieuse créature avec l’aide de son
cousin Roland d’Hodeurforth et les
conseils de sa soubrette favorite,
une hollandaise.à l’œil fripon, ap-
pelée Frida.
« Parbleu, vicomte, minauda la
belle Anglaise en voyant entrer
Boisflofté, nous parlions du grand
bal paré et costumé que la reine-
mère doit donner en son château
du Louvre dans Ta nuit du 10 de
ce mois. En ouïtes-vous parler ?
— Oui, j’en ouïs parler, aimable déité. Et à de' telles enseignes
que la Reine mourrait de peur si elle était avisée de l’hôte qu’elle y
recevra ! »
Te début promeltait. Tout le monde se tourna curieusement vers
le jeune seigneur qui continua en ces termes :
« L’autr.e jour, je me trouvais avec quelques joyeux compagnons à
la Rôtisserie de la Truie qui pelote et je devisais avec eux sur le
sujet qui nous occupe, quand une voix mélancolieusement grave
s éleva derrière nous : « Messieurs, disait-elle, si un bal est donné
à la Cour, je n’aurais garde d’y manquer ». L’homme qui avait dit
ces mots semblait d’une haute stature. Il était vêtu d’un costume
sombre et portait, attaché sur l'épaule, un sac de velours noir semé
de larmes d’argent. Tous aurez tous, belle dame et messieurs,
reconnu le personnage, quand je vous aurai dit qu’il avait le visage
d’une pâleur de cire, et que par instants, son masque en se décom-
posant prenait une teinté glauque...
.Une soubrette à l’œil fripon.
Un frisson général parcourut l’assistance
Un frisson général parcourut l’assistance : « L’Homme verdâtre »,
s’écria-t-elle d’une seule voix.
CHAPITRE VII
Le Cartel ensanglanté.
— Oui, l’Homme verdâtre, belle dame et messieurs,l’Homme ver-
dâtre est dans nos murs; l’Homme
verdâtre sera au bal de la Cour.
— Mais il a été pendu par le col
Tannée dernière, objecta Kelbourouët,
pendu jusqu’à ce que mort s’en suive.
— L’Homme verdâtre ne meurt
point. C’est un être surnaturel ou tout
au moins peu ordinaire. Vous n’igno-
rez point qu’après avoir vengé les en-
fants du prince CoHolani, victime d’une
politique infâme, il se vit condamné à
être enseveli vivant. La sentence fut
exécutée; mais le lendemain le sépul-
cre était vide. Deux ans après, à l’oc-
casion de cette malheureuse affaire
du douze septembre — je veux parler
de celle du malheureux Cinq-Mars ;
— l’Homme verdâtre osa flétrir ouver-
tement la conduite de Richelieu. Sur
un prétexte futile, il fut écartelé et
vit ses cendres jetées au vent; ce qui
n’empêche point qu’un mois plus tard
il se trouvait présent au Conseil su-
prême des Chevaliers de Malte. De-
puis lors il n’a pas cessé un seul ins-
tant de poursuivre son œuvre de
justicier. Plusieurs fois il a été lui-
même empoisonné, poignardé, pendu,
il a reparu peu après, de plus en plus
verdâtre, de plu-s en plus émacié,
mais toujours également énergique
et sombre, fatal comme la destinée,
implacable cognme la vengeance. L’an-
née dernière encore, en présence de
20,000 personnes, il a eu le col, je ne
dirai pas seulement rabattu, mais
tranché littéralement par 1a. hache du
bourreau et pourtant hier, je l’ai vu
vivant comme moi et vous.. Que vous
dirai-je de plus? Ce soir même, en me
rendant ici auprès de la plus sédui-
sante des mortelles, je butai au coin
de la rue voisine contre un corps
étendu à terre et présentant une rai-
deur cadavérique. Je me penchai ; à
la lueur incertaine d’une torche, je
reconnus qui? L’homme que j’avais
entendu parler la veille, l’Homme
verdâtre, immobile, inanimé, déjà froid.
Son cœur avait été traversé de vingt-
cinq coups de stylet; 11. ne battait
plus. Vous poussez un soupir de sou-
lagement? Pourquoi? L’Homme verdâtre ne meurtpoint, vous dis-je.
Demain il sera présent au bal de laCour. Tremblons, oui, tremblons,
car son apparition annonce la mort d’un des plus grands du royaume,
de l’un de nous peut-être.
L’auditoire,serré autour du jeune capitaine, était comme suspendu
à ses lèvres,— qu’il avait d’ailleurs fort belles. Les plus sceptiques
eux-mêmes ne raillaient plus.
Il eut le col... tranché littéralement
en présence de 2(1,000 personnes.