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Le rire: journal humoristique — 7.1900-1901 (Nr. 313-364)

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https://doi.org/10.11588/diglit.21882#0023
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une voix fraîche, partie du bas de la
tour, monta jusqu’à moi ; elle repre-
nait la suite cle la chanson :

C’est F damoiseau qui vient de France ! ! !

Mais depuis le soir où nous chan-
tâmes, deux jours, que dis-je ? deux
lustres se sont écoulés... Plus jamais
je n’ose m’assoupir, craignant de lais-
ser passer l’heure propice aux éva-
sions. O Dieu et Boisflotté ! sauvez-
moi !

A ce moment un léger grattement
se fit entendre à la porte ; la jeune
fille bondit et semblable à la biche aux
abois, s’arrêta au milieu de la pièce,
le corps, l’oreille et l’esprit tendus !
« Si c’était Boisflotté, pensait-elle. »

Déjà le grattement avait cessé, mais
une voix contenue, à peine perceptible,
se mit à moduler la chanson :

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1 ?

C’est 1’ damoiseau qui vient de France !

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— Qui frappe à ma porte à cette

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heure tardive? dit Angela en baissant

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également la voix.

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-- Kelbourouët.

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— Kelbourouët ? interrogea la jeune

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fille, étonnée à ce nom encore nommau



pour elle.

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— Plenn’dougaz, répondit modeste-

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ment le jeune homme.

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— Alors entrez, Messire...


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CHAPITRE V

J’aperçus au loin sur la grande route
comme deux points noirs.

Spectre et Vampires.

plus étranges et les plus effrayants détails. Tremblez, lèvres mi-
gnonnes, hérisse-toi, chevelure d’or fin. J’appris que le Rouquin dit
Mouche-à-viande et que son ami le vieux juif Booz, récemment ar-
rivé ici, étaient tous deux vampires?

— V ampires ? ? ?! ! !

— Oui, vampires. Ces monstres, lie de l'espèce humaine, croyaient
devoir, pour entretenir en eux une éternelle jeunesse, sucer lesarm
de leurs semblables, tous les vendredis treize à minuit.

— Mais ne sommes-nous pas aujourd’hui un vendredi et un treize?
Minuit ne va-t-il pas sonner dans quelques instants?

— Sans doute, mie jolie, mais laissez-moi poursuivre. J’appris
aussi que ces deux êtres hors nature, sans craindre la colère divine,
déterraient les corps récemment ensevelis, pour trouver dans leur
sang les principes régénérateurs du leur.

— Horrible détail1

— Mon plan fut vite conçu. Par un concours providentiel de cir-
constances, un homme avait été enterré aujourd'hui au village voi-
sin. A la tombée de la nuit j’allais retirer le cadavre et me mettre à
sa place, enveloppé dans un suaire.

— Mais c’était de la folie !

— De l’héroïsme, simplement. Ce que j’avais prévu arriva. J’étais
à peine étendu dans mon sépulcre que le Rouquin et Booz vinrent
m’enlever. Ils m’emportèrent ainsi qu’un cadavre jusqu’au château,
m’étendirent sur une table de marbre dans une salle isolée du rez-
de-chaussée et me laissèrent en attendant l’heure fixée pour leur
banquet satanique. Enfin seul, je monte les escaliers à la hâte, je
me rue sur le gardien couché à votre porte, je l’étrangle, il meurt
sans pousser un cri... Vous savez le reste.

— O vous, qui avez affronté mille morts pour me sauver, soyez
béni !

— Et maintenant, vous dis-je, par les bienheureux Malo et Dinard,
fuyons. L’alarme peut être donnée d’un moment à l’autre.

— Fuir? Mais par où? Redescendre par l’escalier, c’est courir à
une mort certaine. Outre le vieillard et le Rouquin, le château
contient douze bandits tous dévoués à leur chef.

— Reste la fenêtre.

— Mais ces barreaux de fer? Si seulement nous avions une
lime...

CHAPITRE VI

Il faut l’avouer, la jeune captive avait éprouvé un réel désappoin-
tement en apprenant que son libérateur n’était point Boisflotté, mais
ce désappointement disparut sans laisser de traces à l’apparition du
fier Armoricain, l’Hercule Farnèse en personne, avec quelque chose
de plus distingué dans le port.

L’Hercule Farnèse ou plutôt Kelbourouët, puisque — nos lecteurs
ne l’ont peut-être pas encore compris — c’était lui, mit un genou en
terre et s’inclinant très bas : « Ange de grâce et de séduction, dit-il
avec chaleur, je viens faire tomber vos chaînes. Acceptez de ma
propre main la liberté avec l’amour, sinon comme l’agneau bêlant
loin de sa mère, je vais tomber à vos pieds, le cœur à jamais
ulcéré... »

— Relevez-vous, Messire, et vivez... vivez pour vous... vivez pour

moi.

— Vivons donc, puisque vous le voulez, et fuyons. Le teùips
presse, les moments sont comptés, le moindre retard peut entraîner
une catastrophe.

— Deux mots encore, Messire. Comment fîtes-vous pour pénétrer

jusqu à moi? Personne ne pénètre
dans le château et un esclave
muet (passez-moi le mot) couche
le jour et la nuit au travers de ma
porte.

— Si vous me prêtez quelques
minutes d’une bienveillante atten-
tion, Mademoiselle, je vais satis-
faire votre curiosité. Ayant com-
pris que la ruse du serpent à son-
nettes était dans l’occurence pré-
férable à la force du lion, j’achetai
jà prix d’or les bavardages d’un
serviteur congédié, qui me donna
sur les habitants du château les

L’échelle de soie.

Le Breton s’approcha de la lucarne, il saisit un des bar-

Des yeux il mesura l’abîme.

reaux de sa main de fer et le tordit ainsi

— Voici, dit-il,un passage suffisant pour
des personnes qui, comme nous, ont la
taille dégagée et cependant bien prise.

Alors,"il se pencha et des yeux mesura
l’abîme.

— Diable! fit-il, le saut est rude; trente
pieds nous séparent de la corniche du che-
min de ronde. Parvenus là, nous pourrons
facilement gagner le sol par les gouttiè-
res. La nuit d’ailleurs est propice; l’orage
approche et bientôt les nuages obscurci-
ront la lueur indiscrète de la lune... Mais
comment franchir ces trente pieds?

Cette fois, le jeune Breton éprouvait un
réel embarras.

— Attendez, Messire, dit tout à coup
Angela, tandis qu’un énigmatique sourire
passait sur ses lèvres pâles, je crois avoir
trouvé le moyen de nous sauver tous les
deux.

(A suivre.)

Texte et dessins de Avelot.

que de la cire molle.

L’orage approche, dit le jeune
Breton.

— Tremblez, lèvres mignonnes, hérisse-toi, chevelure d’or fin.
 
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