L’HOMME VERDATRE
ou la Porte mystérieuse de la Cave aux Trésors des souterrains
du Château-Maudit
GRAIÿD ROMAN HISTORIQUE
(Suite.)
CHAPITRE VI
L’échelle de soie.
(Suite.)
Elle se retira dans le coin le plus sombre de la pièce. On entendit
le craquement d’une paire de ci-
seaux et le froissement de quelque
matière soyeuse. Quand la jeune
fille revint vers le jeune homme, elle
avait la tête complètement rasée, mais
elle tenait à la main une échelle tres-
sée, mesurant plus de treize pieds de
longueur.
— Quoi, s’écria Kelbourouët atten-
dri, vous n’avez point hésité à couper
cette chevelure sans égale qui vous
tombait jusqu’aux talons en une lon-
gue coulée d’or, manteau royal de la
beauté... et inutilement hélas! puis-
que cette échelle est trop courte;...
mais il ne sera pas dit que vous vous
serez seule sacrifiée.
A son tour, il disparut dans l’om-
bre en emportant les ciseaux. Quand.
Ella SC retira dans le coin le plus il rejoignit Angola, il se trouvait, lui
sombre de la piece. aussi, tondu de fort près, mais l’é-
chelle comptait trois échelons de plus
et mesurait près de vingt pieds cinquante.
— Encore trop courte !... Par le bienheureux Lunaire, le sacrifice
n’est pas encore complet!... Eh bien
soit!
Il s’éloigna à nouveau et ne tarda
pas à reparaître ; ses moustaches
si soyeuses, que les dames de la
Cour considéraient non sans raison
comme les plus belles du siècle,
étaient tombées sous le fer destruc-
teur. L’échelle allongée de la hau-
teur d’un échelon, comptait vingt-
trois pieds.
— Il en faudrait encore deux, ob-
jecta Angela, et en nous suspendant
par les mains au dernier échelon,
nous pourrions nous laisser tomber
sans effort.
— Deux pieds de soie ! s’écria
le Breton après avoir réfléchi, je
les ai sur moi. La nature en don-
nant à mes mollets et à mes bras
juvéniles cette vigueur que vous
savez, les a veloutés d’un duvet
abondant.
Il redisparut pour la troisième
fois. Le travail fut plus long et
plus méticuleux que les deux précé-
dents, mais C est avec un cri de ... la jeune fille dans ses bras, il se
triomphe que le hardi jeune homme, hasarda sur les premiers échelons,
ayant mené son projet à bonne fin,
suspendit au-dessus du gouffre une échelle qui ne mesurait pas
moins de vingt-cinq pieds.
— En route, fit-il, et saisissant la jeune fille dans ses bras, il se
hasarda sur les premiers échelons.
CHAPITRE VII
Dans le gouffre!!
A ce moment l’orage éclatait dans toute sa fureur! éclairs, ton-
nerre, craquements des sapins fracassés par la foudre, grondement
sourd du torrent débordé tout en bas, au fond du gouffre.
Le Breton et son précieux fardeau commençaient à descendre.
— Kelbourouët, mon sauveur, je voudrais pouvoir vous témoigner
toute l’étendue de ma reconnaissance ; je vous autorise à dép'oser
sur mon front virginal un chaste et long baiser.
— Angéla, mon idole, cette nuit est pour moi l’aurore du plus
beau jour. Que m'importe la tempête? Puis-je comparer ces éclairs
à ceux qui s’échappent de vos yeux non pareils (je veux dire par là
des yeux sans égal et non pas dissemblables i’un par rapport à
l’autre)? Puis-je comparer ces coups de foudre à celui qui m’a saisi,
dès que je vis votre céleste et pourtant palpable — ô que palpable!
— beauté? Puis-je comparer cette averse à la pluie de félicités
qui m’inonde à vous sentir ici, dans
mes bras nerveux. Angéla, je ne puis
vous céler plus longtemps un secret qui
m’étouffe et que vous n’avez peut-être
pas encore pénétré...je vous aime!
— Tu m’aimes! Il m’aime !... Mot char-
mant l Il me semble qu’un petit oiseaji
bleu et jaune chante dans mon cœur. O
mon beau Plenn’dougaz, je t’autorise à
déposer sur mes lèvres purpurines un
long et passionné baiser.
C’était en vérité un spectacle bien fait
pour tenter la plume d’un peintre que
ce beau jeune homme et cette adorable
jeune fille, échangeant le doux baiser
d’amour sur une grande échelle, au mi-
lieu des éléments en furie.
Hélas!! La tragédie n’est pas loin de
l’idylle : à cet instant précis, un coup de
tonnerre éclata, plus fort que tous les
autres; ce fut comme une colonne de feu, une trombe de fumée qui
enveloppa la tour d’un voile rouge.
Poussant un grand cri, Kelbourouët
et sa fiancée furent précipités dans
le vide...
CHAPITRE VIII
La trappe mystérieuse.
Et pendant ce temps que devenait
Arthur de Boisflotté?
A l’heure où son compagnon, re-
couvert d’un suaire, franchissait le
pont-levis sur les épaules du Rouquin,
l’intrépide officier, les bottes enve-
loppées dans une gaine de feutre
souple, suivait à pas de loup la façade
sud du manoir. Il y avait là, à de-
mi dissimulée derrière une tenture
de lierre, une petite poterne dérobée.
Après une courte lutte contre la
serrure rouillée, notre héros voit la
porte s’entr’ouvrir, découvrant les
premières marches d’un escalier qui
semble se perdre dans les profon-
deurs de la terre. Sans hésiter, il
descend, une lanterne au poing. L’es-
calier tourne, tourne et s’enfonce,
combien !
Arthur a compté six cents marches
et demie, quand il sent enfin le sol
ferme sous ses pieds; mais alors
quelle n’est pas sa rage — rage im-
puissante et d’autant plus folle, —
en voyant une muraille nue se dres-
ser devant lui. Pendant une demi-
heure, il ne cesse d’égratigner la
pierre de ses ongles incarnadins que
pour frapper la paroi de ses deux
poings fermés. Vains efforts. Une
sueur sanglante ruisselle sur te;
manchettes, une écume blanchàlre
vient s’effranger sur ses lèvres fines.
La fatigue le gagne, avant-coureuse du désespoir. Pour comble de
malheur, sa lanterne s’éteint comme une âme qui n’a plus de mèche.
L’obscurité devient plus noire. Que faire? Se laisser mourir? Il se
le demande... mais
soudain l’idée lui
vient de chercher
une issue, non pas
seulement en face
de lui, mais à droite
où à gauche. Il se
tourne, en tâtonnant
par prudence... et se
cogne si violemment
la tète qu’il voit dan-
serdevant lui trente-
six torches de rési-
ne. Perdu, direz-
vous ? Non, sauvé.
Dans le choc, son
œil a heurté le bou-
ton d’un ressort se-
cret et le malheu-
reux jeune homme
peut, à la faveur des
trente-six torches,
voir la muraille bas-
culersur elle-même,
démasquant un se-
cond escalier. La lise cogne si violemment..
L’escalier tourne, tourne et s’en-
fonce, combien !
ou la Porte mystérieuse de la Cave aux Trésors des souterrains
du Château-Maudit
GRAIÿD ROMAN HISTORIQUE
(Suite.)
CHAPITRE VI
L’échelle de soie.
(Suite.)
Elle se retira dans le coin le plus sombre de la pièce. On entendit
le craquement d’une paire de ci-
seaux et le froissement de quelque
matière soyeuse. Quand la jeune
fille revint vers le jeune homme, elle
avait la tête complètement rasée, mais
elle tenait à la main une échelle tres-
sée, mesurant plus de treize pieds de
longueur.
— Quoi, s’écria Kelbourouët atten-
dri, vous n’avez point hésité à couper
cette chevelure sans égale qui vous
tombait jusqu’aux talons en une lon-
gue coulée d’or, manteau royal de la
beauté... et inutilement hélas! puis-
que cette échelle est trop courte;...
mais il ne sera pas dit que vous vous
serez seule sacrifiée.
A son tour, il disparut dans l’om-
bre en emportant les ciseaux. Quand.
Ella SC retira dans le coin le plus il rejoignit Angola, il se trouvait, lui
sombre de la piece. aussi, tondu de fort près, mais l’é-
chelle comptait trois échelons de plus
et mesurait près de vingt pieds cinquante.
— Encore trop courte !... Par le bienheureux Lunaire, le sacrifice
n’est pas encore complet!... Eh bien
soit!
Il s’éloigna à nouveau et ne tarda
pas à reparaître ; ses moustaches
si soyeuses, que les dames de la
Cour considéraient non sans raison
comme les plus belles du siècle,
étaient tombées sous le fer destruc-
teur. L’échelle allongée de la hau-
teur d’un échelon, comptait vingt-
trois pieds.
— Il en faudrait encore deux, ob-
jecta Angela, et en nous suspendant
par les mains au dernier échelon,
nous pourrions nous laisser tomber
sans effort.
— Deux pieds de soie ! s’écria
le Breton après avoir réfléchi, je
les ai sur moi. La nature en don-
nant à mes mollets et à mes bras
juvéniles cette vigueur que vous
savez, les a veloutés d’un duvet
abondant.
Il redisparut pour la troisième
fois. Le travail fut plus long et
plus méticuleux que les deux précé-
dents, mais C est avec un cri de ... la jeune fille dans ses bras, il se
triomphe que le hardi jeune homme, hasarda sur les premiers échelons,
ayant mené son projet à bonne fin,
suspendit au-dessus du gouffre une échelle qui ne mesurait pas
moins de vingt-cinq pieds.
— En route, fit-il, et saisissant la jeune fille dans ses bras, il se
hasarda sur les premiers échelons.
CHAPITRE VII
Dans le gouffre!!
A ce moment l’orage éclatait dans toute sa fureur! éclairs, ton-
nerre, craquements des sapins fracassés par la foudre, grondement
sourd du torrent débordé tout en bas, au fond du gouffre.
Le Breton et son précieux fardeau commençaient à descendre.
— Kelbourouët, mon sauveur, je voudrais pouvoir vous témoigner
toute l’étendue de ma reconnaissance ; je vous autorise à dép'oser
sur mon front virginal un chaste et long baiser.
— Angéla, mon idole, cette nuit est pour moi l’aurore du plus
beau jour. Que m'importe la tempête? Puis-je comparer ces éclairs
à ceux qui s’échappent de vos yeux non pareils (je veux dire par là
des yeux sans égal et non pas dissemblables i’un par rapport à
l’autre)? Puis-je comparer ces coups de foudre à celui qui m’a saisi,
dès que je vis votre céleste et pourtant palpable — ô que palpable!
— beauté? Puis-je comparer cette averse à la pluie de félicités
qui m’inonde à vous sentir ici, dans
mes bras nerveux. Angéla, je ne puis
vous céler plus longtemps un secret qui
m’étouffe et que vous n’avez peut-être
pas encore pénétré...je vous aime!
— Tu m’aimes! Il m’aime !... Mot char-
mant l Il me semble qu’un petit oiseaji
bleu et jaune chante dans mon cœur. O
mon beau Plenn’dougaz, je t’autorise à
déposer sur mes lèvres purpurines un
long et passionné baiser.
C’était en vérité un spectacle bien fait
pour tenter la plume d’un peintre que
ce beau jeune homme et cette adorable
jeune fille, échangeant le doux baiser
d’amour sur une grande échelle, au mi-
lieu des éléments en furie.
Hélas!! La tragédie n’est pas loin de
l’idylle : à cet instant précis, un coup de
tonnerre éclata, plus fort que tous les
autres; ce fut comme une colonne de feu, une trombe de fumée qui
enveloppa la tour d’un voile rouge.
Poussant un grand cri, Kelbourouët
et sa fiancée furent précipités dans
le vide...
CHAPITRE VIII
La trappe mystérieuse.
Et pendant ce temps que devenait
Arthur de Boisflotté?
A l’heure où son compagnon, re-
couvert d’un suaire, franchissait le
pont-levis sur les épaules du Rouquin,
l’intrépide officier, les bottes enve-
loppées dans une gaine de feutre
souple, suivait à pas de loup la façade
sud du manoir. Il y avait là, à de-
mi dissimulée derrière une tenture
de lierre, une petite poterne dérobée.
Après une courte lutte contre la
serrure rouillée, notre héros voit la
porte s’entr’ouvrir, découvrant les
premières marches d’un escalier qui
semble se perdre dans les profon-
deurs de la terre. Sans hésiter, il
descend, une lanterne au poing. L’es-
calier tourne, tourne et s’enfonce,
combien !
Arthur a compté six cents marches
et demie, quand il sent enfin le sol
ferme sous ses pieds; mais alors
quelle n’est pas sa rage — rage im-
puissante et d’autant plus folle, —
en voyant une muraille nue se dres-
ser devant lui. Pendant une demi-
heure, il ne cesse d’égratigner la
pierre de ses ongles incarnadins que
pour frapper la paroi de ses deux
poings fermés. Vains efforts. Une
sueur sanglante ruisselle sur te;
manchettes, une écume blanchàlre
vient s’effranger sur ses lèvres fines.
La fatigue le gagne, avant-coureuse du désespoir. Pour comble de
malheur, sa lanterne s’éteint comme une âme qui n’a plus de mèche.
L’obscurité devient plus noire. Que faire? Se laisser mourir? Il se
le demande... mais
soudain l’idée lui
vient de chercher
une issue, non pas
seulement en face
de lui, mais à droite
où à gauche. Il se
tourne, en tâtonnant
par prudence... et se
cogne si violemment
la tète qu’il voit dan-
serdevant lui trente-
six torches de rési-
ne. Perdu, direz-
vous ? Non, sauvé.
Dans le choc, son
œil a heurté le bou-
ton d’un ressort se-
cret et le malheu-
reux jeune homme
peut, à la faveur des
trente-six torches,
voir la muraille bas-
culersur elle-même,
démasquant un se-
cond escalier. La lise cogne si violemment..
L’escalier tourne, tourne et s’en-
fonce, combien !