confiance renaît en lui. Il descend cet escalier, pénètre dans un
corridor qu’il suit et à l’extrémité de ce corridor s’arrête pétrifié. .
CHAPITRE IX
Le trésor du souterrain
Il se trouve transporté comme par enchantement dans un déli-
cieux boudoir oriental, de forme parfaitement ronde,, et que baigne
une lumière discrète, flottante et
rose. Le sol est feutré de peaux
d’éléphant, de tapis d’Aubusson*
de carpettes de Samarkand; les
murailles garnies de plumes d’an-
tilopes. Dans l’atmosphère attié>-
die, les volutes voluptueusement
veloutées d’encens bleuâtre se dé-
roulent en serpentines écharpes,
des cassolettes et des brûle-par-
fums, cependant qu’au centre de
la pièce, dans un bassin de por-
phyre vert où frissonne un fluet
jet d’eau, des poissons rougeoient
en renvoyant à la surface de l’onde
des bulles d’air semblables à des
perles. Partout des vases ciselés,
des aiguières, des cruches ; des
coffrets remplis de gemmes; des
coupes débordant de saphirs et de
turquoises, d’aigue-marines et de
bonbons fondants. Et de l’or, de
l’or, des perles, des perles...
A la porte de la salle, Boisflotté
demeure ébloui. Mais, à vrai dire,
ce ne sont ni les richesses des
coffrets ou des tentures, ni l’éclat
des fleurs, ni même les poissons
rouges qui ont arrêté son regard. En face de lui, il voit, à demi
couchée sur un sopha groseille, les yeux clos et dans une attitude
A demi couchée sur un sofa, dans une attitude pleine de séduction...
Les volutes voluptueusement se déroulent
des cassolettes...
pleine de séduction, une jeune femme d’une beauté merveilleuse.
Elle est vêtue d’une légère tunique rose-thé traversée d’un grand
vol de flamants bleus; les ondes noires de ses cheveux crêpelés,
où saignent quelques œillets, ruissellent sur ses épaules nues,
nacrées, éblouissantes, et ses doigts de pied, dignes d’être signés
Tanagra, jouent négligemment avec de mignonnes babouches riche-
ment brodées.
Devant ce spectacle enchanteur, Arthur ne peut retenir un rugis-
sement d’extase. La jeune femme ouvre ses veux splendides.
— Boiflotté! Boisflotté! s’écrie-t-elle en espagnol, muette de sur-
prise et de joie.
— Oui, me voici, Dolorès, ma bien-
aimée, tout prêt à verser, pour vous
défendre, jusqu’à la dernier egoutte
du sang de vos oppresseurs.
— Le ciel soit béni! Vous arrivez
à temps, ô mon lion superbe! Peut-
être ignorez-vous qu’après avoir été
enlevée ainsi que mon amie dans des
circonstances particulièrement mys-
térieuses, mes charmes, je veux dire
ces charmes physiques que la nature
peu avare m’a prodigués, firent sur
un de mes gardiens, le sieur Mouche-
à-viande, une impression profonde.
Après avoir assassiné son complice,
le misérable eut le front de m’offrir
à genoux sa main et son cœur; mais
la rage au sein, je le menaçai de me
percer de mon propre bras le flanc sous ses yeux plutôt que
de prêter l’oreille à sa voix. Exemple de fermeté peu ordinaire
chez une faible femme de mon sexe. Mouche-à-viande, lassé de voir
ses prières comme ses menaces demeurer sans effet, me fit quitter
la cellule que jusqu’alors j’avais occupée avec ma compagne, et, me
prenant à part, me dit : « Mon bijou, puisque vos yeux sont des
escarboucles, vos dente des perles fines, votre bouche du corail,
votre col de l’ivoire, et tout le reste de votre corps du marbre de
Paros, votre place n’est pas ici, mais avec les autres bijoux, dans la
salle aux vieux trésors des souterrains du château, et vous y
demeurerez jusqu’à ce que ce que ce diamant si dur qui est votre
cœur veuille bien jeter quelques feux pour moi. » Et voici pourquoi,
conclut Dolorès avec un soupir d’harpe éolienne, ma jeunesse se
consume dans ce tombeau fleuri.
(A suivre.) • Texte et Dessins d’AvELOT.
Vous arrivez à temps, ô mon lion
superbe !
CABOTS
— Molière, c’est une moule, il me fait siffler.
Dessin de Jacques Villon.
corridor qu’il suit et à l’extrémité de ce corridor s’arrête pétrifié. .
CHAPITRE IX
Le trésor du souterrain
Il se trouve transporté comme par enchantement dans un déli-
cieux boudoir oriental, de forme parfaitement ronde,, et que baigne
une lumière discrète, flottante et
rose. Le sol est feutré de peaux
d’éléphant, de tapis d’Aubusson*
de carpettes de Samarkand; les
murailles garnies de plumes d’an-
tilopes. Dans l’atmosphère attié>-
die, les volutes voluptueusement
veloutées d’encens bleuâtre se dé-
roulent en serpentines écharpes,
des cassolettes et des brûle-par-
fums, cependant qu’au centre de
la pièce, dans un bassin de por-
phyre vert où frissonne un fluet
jet d’eau, des poissons rougeoient
en renvoyant à la surface de l’onde
des bulles d’air semblables à des
perles. Partout des vases ciselés,
des aiguières, des cruches ; des
coffrets remplis de gemmes; des
coupes débordant de saphirs et de
turquoises, d’aigue-marines et de
bonbons fondants. Et de l’or, de
l’or, des perles, des perles...
A la porte de la salle, Boisflotté
demeure ébloui. Mais, à vrai dire,
ce ne sont ni les richesses des
coffrets ou des tentures, ni l’éclat
des fleurs, ni même les poissons
rouges qui ont arrêté son regard. En face de lui, il voit, à demi
couchée sur un sopha groseille, les yeux clos et dans une attitude
A demi couchée sur un sofa, dans une attitude pleine de séduction...
Les volutes voluptueusement se déroulent
des cassolettes...
pleine de séduction, une jeune femme d’une beauté merveilleuse.
Elle est vêtue d’une légère tunique rose-thé traversée d’un grand
vol de flamants bleus; les ondes noires de ses cheveux crêpelés,
où saignent quelques œillets, ruissellent sur ses épaules nues,
nacrées, éblouissantes, et ses doigts de pied, dignes d’être signés
Tanagra, jouent négligemment avec de mignonnes babouches riche-
ment brodées.
Devant ce spectacle enchanteur, Arthur ne peut retenir un rugis-
sement d’extase. La jeune femme ouvre ses veux splendides.
— Boiflotté! Boisflotté! s’écrie-t-elle en espagnol, muette de sur-
prise et de joie.
— Oui, me voici, Dolorès, ma bien-
aimée, tout prêt à verser, pour vous
défendre, jusqu’à la dernier egoutte
du sang de vos oppresseurs.
— Le ciel soit béni! Vous arrivez
à temps, ô mon lion superbe! Peut-
être ignorez-vous qu’après avoir été
enlevée ainsi que mon amie dans des
circonstances particulièrement mys-
térieuses, mes charmes, je veux dire
ces charmes physiques que la nature
peu avare m’a prodigués, firent sur
un de mes gardiens, le sieur Mouche-
à-viande, une impression profonde.
Après avoir assassiné son complice,
le misérable eut le front de m’offrir
à genoux sa main et son cœur; mais
la rage au sein, je le menaçai de me
percer de mon propre bras le flanc sous ses yeux plutôt que
de prêter l’oreille à sa voix. Exemple de fermeté peu ordinaire
chez une faible femme de mon sexe. Mouche-à-viande, lassé de voir
ses prières comme ses menaces demeurer sans effet, me fit quitter
la cellule que jusqu’alors j’avais occupée avec ma compagne, et, me
prenant à part, me dit : « Mon bijou, puisque vos yeux sont des
escarboucles, vos dente des perles fines, votre bouche du corail,
votre col de l’ivoire, et tout le reste de votre corps du marbre de
Paros, votre place n’est pas ici, mais avec les autres bijoux, dans la
salle aux vieux trésors des souterrains du château, et vous y
demeurerez jusqu’à ce que ce que ce diamant si dur qui est votre
cœur veuille bien jeter quelques feux pour moi. » Et voici pourquoi,
conclut Dolorès avec un soupir d’harpe éolienne, ma jeunesse se
consume dans ce tombeau fleuri.
(A suivre.) • Texte et Dessins d’AvELOT.
Vous arrivez à temps, ô mon lion
superbe !
CABOTS
— Molière, c’est une moule, il me fait siffler.
Dessin de Jacques Villon.