FAÇON DE PARLER
— Madame la comtesse est-elle visible ?
— Oh ! monsieur, il est trop tôt : madame vient de rentrer du bal, il
y a une heure... et tout le monde est dans son lit. Dessin de Viriez.
PETITS MÉTIERS PARISIENS
LE RACCOMMODEUR
Comme le grand Léonard, ce vieillard n’aime point à se spéciali-
ser, ses vues sont plus larges et plus hautes; il raccommode égale-
ment le verre, la faïence et la porcelaine.
Petite pomme de terre égayée d’un tablier blanc, une bonne, en
hâte, lui descend les morceaux d’un vase qu’à défaut d’éventail, elle
a brisé d’un coup de plumeau; le vieillard recueille ces pieux débris
et, semblable à une araignée enfin repue, s’éloigne au coin de la
cour, sous la porte cochère.
Et, tout de suite, il aiguise sa pointe et se met à percer.
Il s’est assis sur sa caisse de bois, jadis blanc, et, en archéologue
consciencieux, il reconstitue avec patience l’objet d’art qu’il tient
entre ses mains.
A première vue, il est facile de voir que ce vase n’appartient pas
à la période étrusque; son style le classe plutôt parmi les objets
néo-japonais de nos grands bazars; mais qu’importe la matière
pour un artiste épris d’idéal? Un grand peintre espagnol ne fit-il
pas un jour un tableau avec de la boue?
Le vieillard à longue barbe ne s’arrête pas à de vaines contin-
gences; armé d’une vrille il perce, il perce.
L’acier grince et tourne obliquement dans l’émail, troue la porce-
laine et ne la traverse pas. Chaque morceau du vase est bientôt
grêlé; on dirait que des cirons ont passé par là. Ce faible vieillard
surprend : les corps les plus durs ne peuvent lui résister, il semble
les pénétrer sans effort et, dès lors, on ne s’étonne plus de voir ses
bottines et son vieil habit troués en mille places. Percer d’aussi
minces objets ne dut être pour lui qu’un jeu d’enfant.
La foule, comme toujours indifférente aux artistes, passe irsou-
— Madame la comtesse est-elle visible ?
— Oh ! monsieur, il est trop tôt : madame vient de rentrer du bal, il
y a une heure... et tout le monde est dans son lit. Dessin de Viriez.
PETITS MÉTIERS PARISIENS
LE RACCOMMODEUR
Comme le grand Léonard, ce vieillard n’aime point à se spéciali-
ser, ses vues sont plus larges et plus hautes; il raccommode égale-
ment le verre, la faïence et la porcelaine.
Petite pomme de terre égayée d’un tablier blanc, une bonne, en
hâte, lui descend les morceaux d’un vase qu’à défaut d’éventail, elle
a brisé d’un coup de plumeau; le vieillard recueille ces pieux débris
et, semblable à une araignée enfin repue, s’éloigne au coin de la
cour, sous la porte cochère.
Et, tout de suite, il aiguise sa pointe et se met à percer.
Il s’est assis sur sa caisse de bois, jadis blanc, et, en archéologue
consciencieux, il reconstitue avec patience l’objet d’art qu’il tient
entre ses mains.
A première vue, il est facile de voir que ce vase n’appartient pas
à la période étrusque; son style le classe plutôt parmi les objets
néo-japonais de nos grands bazars; mais qu’importe la matière
pour un artiste épris d’idéal? Un grand peintre espagnol ne fit-il
pas un jour un tableau avec de la boue?
Le vieillard à longue barbe ne s’arrête pas à de vaines contin-
gences; armé d’une vrille il perce, il perce.
L’acier grince et tourne obliquement dans l’émail, troue la porce-
laine et ne la traverse pas. Chaque morceau du vase est bientôt
grêlé; on dirait que des cirons ont passé par là. Ce faible vieillard
surprend : les corps les plus durs ne peuvent lui résister, il semble
les pénétrer sans effort et, dès lors, on ne s’étonne plus de voir ses
bottines et son vieil habit troués en mille places. Percer d’aussi
minces objets ne dut être pour lui qu’un jeu d’enfant.
La foule, comme toujours indifférente aux artistes, passe irsou-