porteur comme garde-pêche général de son
étang.
C'était un nommé Poulop, ancien maré-
cbal-des-logis de chasseurs à cheval, qui
avait été condamné jadis à cinq ans de prison
pour avoir emprunté, un beau samedi, la
caisse de l'escadron pour ses besoins person-
nels.
Poulop, garde-pêche, commença donc ses
fonctions. Huit jours se passèrent. Les gre-
nouilles rythmaient avec enthousiasme leur
chant étrange dans la solitude enténébrée
du soir. Machin de Bois était ravi.
Le neuvième jour, le concert des batraciens
faiblit. Le dixième, plus encore. Le onzième,
également. Le douzième, un seul coassement!
« Étrange! pensa Machin de Bois. Est-ce
que Poulop exercerait mal sa surveillance? »
Il résolut d'éclaircir la chose.
A la nuit tombante, à pas de loup, Machin
de Bois s'approcha de l'étang. Poulop était â
son poste.
Un coassement solitaire surgit. Ponlot tres-
saillit, passa la main sur son front, sembla
lutter un instant, puis, prenant fébrilement
à ses côtés un grand bâton, au bout duquel
se balançait un fil, il le pencha rapidement
sur le miroir de l'étang.
Une secousse. Un objet gesticulant sortit
de l'eau. Poulop se précipita, prit l'objet à
pleines mains et le porta à ses lèvres : c'était
la dernière grenouille !
Et Machin de Bois vit Poulop, l'ancien
maréchal-des-logis voleur, mais nullement
amendé, qui mangeait la grenouille!
Floréal.
LA PASSION NE SAURAIT SERVIR D EXCUSE A CERTAINS
EMPORTEMENTS
Dessin de Haïe.
\.
CONTES A DORMIR ASSIS
LE LIBÉRÉ RÉCIDIVISTE
Mon ami, Machin de Bois, était, de principes et de tenue, aussi
austère que son nom. Reçu dans l'intimité de M. Loranger, le
sympathique président de la Ligue contre toutes les licences, c'est
lui qui, périodiquement, était le promoteur de la saisie des des-
sins qualifiés obscènes, en vue d'enrichir gratuitement ses col-
lections personnelles. Une de ses marottes consistait également
à faire partie du conseil d'administration de nombreuses sociétés
charitables ou morales (Société pour l'exploitation des demi-mon-
daines sur le retour; Association coopérative des avariés ; les
Dix sous des grooms de théâtre, etc.).
Il lui arriva dernièrement, à ce sujet, une étrange aventure :
Machin de Bois possède, sur les riants coteaux de Meudon, un
petit castel de campagne, avec parc, jet d'eau, boule en verre...
enfin tout ce que l'on fait de mieux et de plus cher dans le genre.
Un grand étang mélancolique terminait la propriété. C'est sur
ses bords qu'il aimait à venir, le soir, échafauder ses beaux pro-
jets humanitaires, tandis que les grenouilles rythmaient leur
chant étrange dans la solitude enténébrée du soir.
Mais, pour rythmer un chant dans la solitude enténébrée, il
faut des grenouilles ; et, pour avoir des grenouilles, il ne faut pas
que tous les galopins des environs viennent les pécher avec une
épingle recourbée et un morceau do drap rouge : d'où la néces- _ As-tu un louis sur toi?
sité d'un garde-pêche. — Pas un sou.
Machin de Bois n'hésita pas une seconde: il prit un nom sur ~ Frl cllez Jai"?
la liste des détenus libérés auxquels il s'intéressait et installa son — tllfez moi?— Mais tout là monde va bien... Merci.
Dessin de L. Burret.
étang.
C'était un nommé Poulop, ancien maré-
cbal-des-logis de chasseurs à cheval, qui
avait été condamné jadis à cinq ans de prison
pour avoir emprunté, un beau samedi, la
caisse de l'escadron pour ses besoins person-
nels.
Poulop, garde-pêche, commença donc ses
fonctions. Huit jours se passèrent. Les gre-
nouilles rythmaient avec enthousiasme leur
chant étrange dans la solitude enténébrée
du soir. Machin de Bois était ravi.
Le neuvième jour, le concert des batraciens
faiblit. Le dixième, plus encore. Le onzième,
également. Le douzième, un seul coassement!
« Étrange! pensa Machin de Bois. Est-ce
que Poulop exercerait mal sa surveillance? »
Il résolut d'éclaircir la chose.
A la nuit tombante, à pas de loup, Machin
de Bois s'approcha de l'étang. Poulop était â
son poste.
Un coassement solitaire surgit. Ponlot tres-
saillit, passa la main sur son front, sembla
lutter un instant, puis, prenant fébrilement
à ses côtés un grand bâton, au bout duquel
se balançait un fil, il le pencha rapidement
sur le miroir de l'étang.
Une secousse. Un objet gesticulant sortit
de l'eau. Poulop se précipita, prit l'objet à
pleines mains et le porta à ses lèvres : c'était
la dernière grenouille !
Et Machin de Bois vit Poulop, l'ancien
maréchal-des-logis voleur, mais nullement
amendé, qui mangeait la grenouille!
Floréal.
LA PASSION NE SAURAIT SERVIR D EXCUSE A CERTAINS
EMPORTEMENTS
Dessin de Haïe.
\.
CONTES A DORMIR ASSIS
LE LIBÉRÉ RÉCIDIVISTE
Mon ami, Machin de Bois, était, de principes et de tenue, aussi
austère que son nom. Reçu dans l'intimité de M. Loranger, le
sympathique président de la Ligue contre toutes les licences, c'est
lui qui, périodiquement, était le promoteur de la saisie des des-
sins qualifiés obscènes, en vue d'enrichir gratuitement ses col-
lections personnelles. Une de ses marottes consistait également
à faire partie du conseil d'administration de nombreuses sociétés
charitables ou morales (Société pour l'exploitation des demi-mon-
daines sur le retour; Association coopérative des avariés ; les
Dix sous des grooms de théâtre, etc.).
Il lui arriva dernièrement, à ce sujet, une étrange aventure :
Machin de Bois possède, sur les riants coteaux de Meudon, un
petit castel de campagne, avec parc, jet d'eau, boule en verre...
enfin tout ce que l'on fait de mieux et de plus cher dans le genre.
Un grand étang mélancolique terminait la propriété. C'est sur
ses bords qu'il aimait à venir, le soir, échafauder ses beaux pro-
jets humanitaires, tandis que les grenouilles rythmaient leur
chant étrange dans la solitude enténébrée du soir.
Mais, pour rythmer un chant dans la solitude enténébrée, il
faut des grenouilles ; et, pour avoir des grenouilles, il ne faut pas
que tous les galopins des environs viennent les pécher avec une
épingle recourbée et un morceau do drap rouge : d'où la néces- _ As-tu un louis sur toi?
sité d'un garde-pêche. — Pas un sou.
Machin de Bois n'hésita pas une seconde: il prit un nom sur ~ Frl cllez Jai"?
la liste des détenus libérés auxquels il s'intéressait et installa son — tllfez moi?— Mais tout là monde va bien... Merci.
Dessin de L. Burret.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1902
Entstehungsdatum (normiert)
1897 - 1907
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 9.1902-1903, No. 417 (1er Novembre 1902), S. aj
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg