profondément, quand dos voix le réveil-
lèrent en sursaut : London... London...
« London? Mais je va's à Londres... je
m'ai égaré... ils m'ont conduit dans les
Amériques... je suis foutu ! »
Il s'arrachait déjà les cheveux de dé-
sespoir, quand il s'avisa qu'on lui avait
chipé sa valise : alors, il comprit qu'il était
bien en Angleterre.
Une heure après : un paquet sur une
hanquette de la gare, deux pieds qui dé-
liassent, deux mains qui pendent et deux
veux qui roulent au-dessus d'un fourneau
de pipe : c'est Duinanet en proie à la plus
vive des perplexités : restera-t-il en Angle-
terre? reviendra-t-il en France? S'il reste,
c'est de la « boite » ; s'il revient, c'est de la
« boite ». En présence d'une alternative
aussi nette, il reprit ce sang-froid qui est
la force principale des armées et se dirigea
vers une station de fiacres.
Il choisit le premier de la file, mais, le
cocher n'était pas là. Il prit le second, le
cocher n'était pas là. Le troisième, le co-
cher n'était pas là; et, comme il levait la
tête, il aperçut tous les cochers qui pre-
naient le frais sur le toit de leurs voitures.
Il pensa : « Tas de tireurs au flanc, ils se
les roulent ! » et, avisant le quatrième co-
cher, il resta respectueusement à la por-
tière en criant :
« Hôtel de France! »
« AU right! »
Et le cocher ne descendait pas sur son
siège.
« Hô-tel-de-France ! «
■ Ail rigth, God-dam ! »
Et le cocher ne descendait pas sur son
Siège,
Aux mômes appels, le cinquième cocher,
le sixième cocher, le septième cocher... di- 1".
saient « ail right » et ne descendaient pas
sur leur siège:..
De rage, Dumanet cria l'adresse au hui-
, — ...Beau blond...
— Mais, madame !.'!... est-ce une affaire que vous cherchez ïï? Dessin (IcIribe.
tième cocher et s'installa dans la voiture, bien décidé à y passer
la nuit s'il le fallait... et la huitième voiture partit, sans que le
cocher descendit sur son siège... et Dumanet no comprit jamais
les cabs.
A VHÔtel de France, comme de juste, personne ne parlait
français; mais on lui indiqua, par gestes, l'Hôtel de la Vieille
Angleterre, où tout le personnel était parisien.
« J' suis t'y embêté, mon pauv' vieux, j' suis t'y embêté ! Tu
pourras pt'étre me tirer de là : t'es de Paris, moi j" suis do
Besançon... On est pays... pas vrai ? »
C'est Dumanet qui, du haut d'une chaise de bar, s'épanoho
dans le sein du premier garçon de la Vieille Angleterre : un
punch sépare les deux interlocuteurs,et... il n'y a pas que lui qui
ilambe.
« Voilà! on m'a chauffé la valise avec tout le fourbi de nom de
Dieu pour la mission. J'ai bien los épaulettes ; je les avais garées
dans ma poche, mais la capote qu'était dans la valise? Si j'ai pas
de capote, on pourra pas la remettre à Edouard quand les gradés
viendront, et j' récolterai.'»
Le premier garçon sourit.
« J'ai Ion affaire, te tourmente pas... tu trouveras tout ce qu'il
te faut au n° ("> de Jolin street. Tu verras sur la porte : Apotiie-
W /, i ~.i cary... ça veut dire pharmacien ; le patron ne parle pas fran-
W \ fa. "—- çais, mais il fera venir son maitre-tailleur... tu lui demanderas
»'»•;.*•.,._ , us > ' une capote,tout simplement,et s'il ne comprend pas,tu ajouteras,
j |!BT'1§ ^ Ï'A à voix basse... >> et il lui glissa quelques mots à l'oreille...
' ^^^rpf I « T'étonne pas si tu vois des bocaux dans la boutique d'un
. , y tailleur, c'esl l'usage ici
"^Cl_. ' « " Merci, l'ami ; t'es un poteau. A ta santé ! »
~* ~^«»_-^ ,-' ' Le lendemain matin, bras ballants et nez on l'air, Dumanetso
_*_.!. !,„,,„„„ lv,„-„o i:_ ,„™nr4- • .i dirigea vers John street. 11 se sentait heureux comme un prince.
— îiois heures moins dix,, sapristi ! Ktj« ne me souviens pas quel », °, -, , , ■ ,■ e • i. i ai
locataire m'a recommandé de réveiller à t*r>is heures. Il va falloir que- 11 sortait des bras d une jolie femme qui 1 avait abreuvé de savan-
j'aille demander dans toutes les chambres. Dessin de A. Vihiez. tes caresses ; il est vrai qu'elle l'avait chargé également d'un
lèrent en sursaut : London... London...
« London? Mais je va's à Londres... je
m'ai égaré... ils m'ont conduit dans les
Amériques... je suis foutu ! »
Il s'arrachait déjà les cheveux de dé-
sespoir, quand il s'avisa qu'on lui avait
chipé sa valise : alors, il comprit qu'il était
bien en Angleterre.
Une heure après : un paquet sur une
hanquette de la gare, deux pieds qui dé-
liassent, deux mains qui pendent et deux
veux qui roulent au-dessus d'un fourneau
de pipe : c'est Duinanet en proie à la plus
vive des perplexités : restera-t-il en Angle-
terre? reviendra-t-il en France? S'il reste,
c'est de la « boite » ; s'il revient, c'est de la
« boite ». En présence d'une alternative
aussi nette, il reprit ce sang-froid qui est
la force principale des armées et se dirigea
vers une station de fiacres.
Il choisit le premier de la file, mais, le
cocher n'était pas là. Il prit le second, le
cocher n'était pas là. Le troisième, le co-
cher n'était pas là; et, comme il levait la
tête, il aperçut tous les cochers qui pre-
naient le frais sur le toit de leurs voitures.
Il pensa : « Tas de tireurs au flanc, ils se
les roulent ! » et, avisant le quatrième co-
cher, il resta respectueusement à la por-
tière en criant :
« Hôtel de France! »
« AU right! »
Et le cocher ne descendait pas sur son
siège.
« Hô-tel-de-France ! «
■ Ail rigth, God-dam ! »
Et le cocher ne descendait pas sur son
Siège,
Aux mômes appels, le cinquième cocher,
le sixième cocher, le septième cocher... di- 1".
saient « ail right » et ne descendaient pas
sur leur siège:..
De rage, Dumanet cria l'adresse au hui-
, — ...Beau blond...
— Mais, madame !.'!... est-ce une affaire que vous cherchez ïï? Dessin (IcIribe.
tième cocher et s'installa dans la voiture, bien décidé à y passer
la nuit s'il le fallait... et la huitième voiture partit, sans que le
cocher descendit sur son siège... et Dumanet no comprit jamais
les cabs.
A VHÔtel de France, comme de juste, personne ne parlait
français; mais on lui indiqua, par gestes, l'Hôtel de la Vieille
Angleterre, où tout le personnel était parisien.
« J' suis t'y embêté, mon pauv' vieux, j' suis t'y embêté ! Tu
pourras pt'étre me tirer de là : t'es de Paris, moi j" suis do
Besançon... On est pays... pas vrai ? »
C'est Dumanet qui, du haut d'une chaise de bar, s'épanoho
dans le sein du premier garçon de la Vieille Angleterre : un
punch sépare les deux interlocuteurs,et... il n'y a pas que lui qui
ilambe.
« Voilà! on m'a chauffé la valise avec tout le fourbi de nom de
Dieu pour la mission. J'ai bien los épaulettes ; je les avais garées
dans ma poche, mais la capote qu'était dans la valise? Si j'ai pas
de capote, on pourra pas la remettre à Edouard quand les gradés
viendront, et j' récolterai.'»
Le premier garçon sourit.
« J'ai Ion affaire, te tourmente pas... tu trouveras tout ce qu'il
te faut au n° ("> de Jolin street. Tu verras sur la porte : Apotiie-
W /, i ~.i cary... ça veut dire pharmacien ; le patron ne parle pas fran-
W \ fa. "—- çais, mais il fera venir son maitre-tailleur... tu lui demanderas
»'»•;.*•.,._ , us > ' une capote,tout simplement,et s'il ne comprend pas,tu ajouteras,
j |!BT'1§ ^ Ï'A à voix basse... >> et il lui glissa quelques mots à l'oreille...
' ^^^rpf I « T'étonne pas si tu vois des bocaux dans la boutique d'un
. , y tailleur, c'esl l'usage ici
"^Cl_. ' « " Merci, l'ami ; t'es un poteau. A ta santé ! »
~* ~^«»_-^ ,-' ' Le lendemain matin, bras ballants et nez on l'air, Dumanetso
_*_.!. !,„,,„„„ lv,„-„o i:_ ,„™nr4- • .i dirigea vers John street. 11 se sentait heureux comme un prince.
— îiois heures moins dix,, sapristi ! Ktj« ne me souviens pas quel », °, -, , , ■ ,■ e • i. i ai
locataire m'a recommandé de réveiller à t*r>is heures. Il va falloir que- 11 sortait des bras d une jolie femme qui 1 avait abreuvé de savan-
j'aille demander dans toutes les chambres. Dessin de A. Vihiez. tes caresses ; il est vrai qu'elle l'avait chargé également d'un
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1902
Entstehungsdatum (normiert)
1897 - 1907
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 9.1902-1903, No. 418 (8 Novembre 1902), S. at
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg