— Décidément, monsieur, votre fils est un. cancre : il ne peut même
pas suivre le cycle où nous l’avons placé.
—- Monsieur le Proviseur, vous nrétonnez ! Edgard ne peut pas suivre
un cycle?... lui qui est toute la journée en automobile !
Dessin de Jean Villemot.
CONSEILS A UNE JEUNE FEMME
Vous réclamez de mon expérience des conseils sur les précau-
tions à prendre dans la nouvelle carrière que vous voulez em-
brasser. Il me semble utile de vous donner, auparavant, quelques
notions générales sur cette profession. Déliez-vous de tomber
dans une erreur assez commune. Il ne faut pas supposer qu’une
demi-mondaine est forcément une femme coupée en deux, dans
le sens latéral — voire horizontal. Croyez-moi; j’ai eu l’occasion,
au cours de mon existence, de fréquenter une ou deux dames
culs-de-jatte, sur l’honorabilité desquelles les gens, môme les
plus médisants, n’auraient rien trouvé à dire.
Au physique, les demi-mondaines ne diffèrent pas sensiblement
des autres personnes de leur sexe. Pour les esprits curieux et
qui désireraient pouvoir les distinguer, à première vue, dans la
rue ou sur nos boulevards, indiquons néanmoins ce détail signa-
létique. Les demi-mondaines sont des femmes qui meurent géné-
ralement assassinées.
A quelles causes imputer cette particularité? On ne le sait pas
exactement. On a presque complètement renoncé aujourd’hui à
attribuer la paternité de tous ces crimes à un seul homme. La
Sûreté générale est en mesure de l’affirmer. Ce n’est pas, comme
on l’a cru longtemps, l’honorable sénateur B... qui, dans l’intérêt
des bonnes mœurs, charge sa conscience d’un si grand nombre
de méfaits. Il ne subsiste plus aucun doute à cet égard.
Les demi-mondaines ne périssent donc pas toutes assassinées
par le même homme. Cette fin prématurée est sans doute la con-
séquence de la profession. On risque de faire de mauvaises ren-
contres lorsque le but de votre existence est — par définition,
n’est-ce pas?— d’étendre ses relations.
Prenez donc, je vous en conjure, quand vous débuterez dans
la carrière, les précautions indispensables. Je vous sais femme
de tact. Vous assurerez votre sécurité, sans diminuer en rien le
plaisir que vos amis trouveront à vous fréquenter. La première
chose à faire, par exemple, lorsque vous ramènerez chez vous
un gentleman — qui, n’ayant pas trouvé d’amis connus, a été obligé
de se présenter lui-même — est, après avoir fouillé ses poches,
de lui nouer vigoureusement les mains derrière le dos. Cette
garantie prise, vous n’êtes pas encore tout à fait rassurée? Votre
devoir étant de vous montrer aimable vis-à-vis de vos hôtes, ne
vous livrez pas à un fâcheux acte de violence. Cela fait toujours
mauvais effet. Sonnez votre femme de chambre. Avec son aide
attachez, au pied de votre lit, au moyen de cordes éprouvées, le
compagnon auquel vous vous promettez de révéler les plaisirs de
l’amour. Pour lui éviter de protester d’une façon incivile, enfon-
cez-lui au préalable votre coquet mouchoir de batiste dans la
bouche. Ces mesures préventives suffiront, je pense, dans la plu-
part des circonstances. Pourtant— comme vous êtes une pauvre
femme sans défense, ne l’oubliez pas — si vous craignez encore
que votre soupirant ne se livre sur vous à une criminelle tenta-
tive, ne vous démunissez à aucun moment d’un petit revolver à
six coups. N’hésitez pas, le cas échéant, à mettre votre ami dans
l’impossibilité de vous nuire.
Mais si vous voulez m’en croire, à votre place, si votre sexe n’y
opposait quelque difficulté, dans le même ordre d’idées, je choi-
sirais de préférence la profession beaucoup moins dangereuse de
satyre. " Max et Alex Fischer.
— Ils ont encore le culot d’emporter des couronnes.
Déssin de Juhgb.
pas suivre le cycle où nous l’avons placé.
—- Monsieur le Proviseur, vous nrétonnez ! Edgard ne peut pas suivre
un cycle?... lui qui est toute la journée en automobile !
Dessin de Jean Villemot.
CONSEILS A UNE JEUNE FEMME
Vous réclamez de mon expérience des conseils sur les précau-
tions à prendre dans la nouvelle carrière que vous voulez em-
brasser. Il me semble utile de vous donner, auparavant, quelques
notions générales sur cette profession. Déliez-vous de tomber
dans une erreur assez commune. Il ne faut pas supposer qu’une
demi-mondaine est forcément une femme coupée en deux, dans
le sens latéral — voire horizontal. Croyez-moi; j’ai eu l’occasion,
au cours de mon existence, de fréquenter une ou deux dames
culs-de-jatte, sur l’honorabilité desquelles les gens, môme les
plus médisants, n’auraient rien trouvé à dire.
Au physique, les demi-mondaines ne diffèrent pas sensiblement
des autres personnes de leur sexe. Pour les esprits curieux et
qui désireraient pouvoir les distinguer, à première vue, dans la
rue ou sur nos boulevards, indiquons néanmoins ce détail signa-
létique. Les demi-mondaines sont des femmes qui meurent géné-
ralement assassinées.
A quelles causes imputer cette particularité? On ne le sait pas
exactement. On a presque complètement renoncé aujourd’hui à
attribuer la paternité de tous ces crimes à un seul homme. La
Sûreté générale est en mesure de l’affirmer. Ce n’est pas, comme
on l’a cru longtemps, l’honorable sénateur B... qui, dans l’intérêt
des bonnes mœurs, charge sa conscience d’un si grand nombre
de méfaits. Il ne subsiste plus aucun doute à cet égard.
Les demi-mondaines ne périssent donc pas toutes assassinées
par le même homme. Cette fin prématurée est sans doute la con-
séquence de la profession. On risque de faire de mauvaises ren-
contres lorsque le but de votre existence est — par définition,
n’est-ce pas?— d’étendre ses relations.
Prenez donc, je vous en conjure, quand vous débuterez dans
la carrière, les précautions indispensables. Je vous sais femme
de tact. Vous assurerez votre sécurité, sans diminuer en rien le
plaisir que vos amis trouveront à vous fréquenter. La première
chose à faire, par exemple, lorsque vous ramènerez chez vous
un gentleman — qui, n’ayant pas trouvé d’amis connus, a été obligé
de se présenter lui-même — est, après avoir fouillé ses poches,
de lui nouer vigoureusement les mains derrière le dos. Cette
garantie prise, vous n’êtes pas encore tout à fait rassurée? Votre
devoir étant de vous montrer aimable vis-à-vis de vos hôtes, ne
vous livrez pas à un fâcheux acte de violence. Cela fait toujours
mauvais effet. Sonnez votre femme de chambre. Avec son aide
attachez, au pied de votre lit, au moyen de cordes éprouvées, le
compagnon auquel vous vous promettez de révéler les plaisirs de
l’amour. Pour lui éviter de protester d’une façon incivile, enfon-
cez-lui au préalable votre coquet mouchoir de batiste dans la
bouche. Ces mesures préventives suffiront, je pense, dans la plu-
part des circonstances. Pourtant— comme vous êtes une pauvre
femme sans défense, ne l’oubliez pas — si vous craignez encore
que votre soupirant ne se livre sur vous à une criminelle tenta-
tive, ne vous démunissez à aucun moment d’un petit revolver à
six coups. N’hésitez pas, le cas échéant, à mettre votre ami dans
l’impossibilité de vous nuire.
Mais si vous voulez m’en croire, à votre place, si votre sexe n’y
opposait quelque difficulté, dans le même ordre d’idées, je choi-
sirais de préférence la profession beaucoup moins dangereuse de
satyre. " Max et Alex Fischer.
— Ils ont encore le culot d’emporter des couronnes.
Déssin de Juhgb.