fut le roi Salomon lui-même qui fut obligé
de faire allusion, au hasard de la conversa-
tion, à sa célèbre sentence, afin qu'un trait
aussi édifiant ne s'effaçât pas de la mémoire
des hommes.
Or, un matin, comme le roi arrivait au
palais, le lévite vint â lui en courant :
— Roi tout-puissant, s'écria le lévite, il y
a là deux hommes furieux qui demandent
après Votre Majesté. Ils sont en contestation
; a propos d'une vieille femme. Ils vous atten-
dent avec impatience.
— Ah! c'est fâcheux, c'est fâcheux, dit
le bon juge, en pressant joyeusement le
pas.
Quand le roi se fut assis sur son trône ma-
gnifique (encore un cadeau de la reine de
Saba, probablement), le lévite fit entrer les
deux hommes et la femme âgée. Et voici
ce que Salomon apprit de la cause, non
sans peine à vrai dire, car les deux hommes
parlaient presque tout le temps ensemble
avec une grande vivacité.
GRAVES ÉVÉNEMENTS L'un de ces hommes, voyageur en froment,
était allé se marier quinze ans auparavant
du 1er janvier dans une contrée voisine. Puis, ayant per-
du sa femme, il était revenu dans le pays.
Toujours variable, le Temps abandonne l'année expi- Or, sa belle-mère, tombée dans le dénûment,
rante pour aider l'année nouvelle à enfourcher le cycle venait d'arriver dans la ville pour demander
solaire. • Dessin de Carlègi.e. à son gendre l'asile qu'il lui devait en sa
demeure, selon la loi d'Israël et des peuples
voisins. Mais il se trouva que, trompée par-
une ressemblance de nom et de visage, elle
Lt-i "ROM y tt p p s'était rendue chez un autre individu du pays, qui, naturellement,
-DwiN J U u il n'avait pas voulu d'elle, et l'avait renvoyée chez le véritable
___ gendre, qui, à sou tour, prétendait insolemment n'avoir jamais
épousé la fille de cette femme.
Les deux hommes, mis en présence, avaient failli en venir aux
Le roi Salomon avait été un peu ennuyé de tout ce bruit que mains. Puis, chacun d'eux étant très effrayé du courage de
ie peuple d'Israél avait fait autour de sa fameuse sentence. l'autre, ils avaient décidé de s'en remettre au jugement du sage
— Il n'y a pas à dire, s'écriaient parfois ses courtisans, c'est Salomon.
ce qu'on peut appeler un jugement admirable. Celui-ci se recueillit un instant, le front dans ses mains pro-
Puis on en avait parlé de moins en moins. D'autre part, aucun fondes. Ensuite il releva la tête et dit gravement aux deux
cas nouveau ou difficile n'était soumis désormais à la sagace hommes :
appréciation du juge. — Je ne vois pas, dans les documents que vous m'apportez, de
Son autorité effrayait les plaideurs. Par crainte d'un verdict preuves assez fortes pour désigner celui de vous qui s'est marié,
sans appel, ils n'osaient plus se présenter devant lui, et transi- il y a quinze ans, dans le pays voisin. Cette femme-ci cependant
geaient toujours avant. parle avec l'accent de la vérité. Elle ne se trompe pas en ce qui
Quand le roi, selon son habitude quotidienne, se rendait au concerne l'un de vous. Mais lequel de vous? Faites venir un des
palais des jugements, il demandait d'un air indifférent au lévite gardes du palais!
de service : « Est-il venu quelqu'un ce matin?— Monarque tout- Et quand le garde fut là :
puissant, répondait le lévite, il n'est venu personne. — Allons, — Qu'on partage cette femme en deux, dit le bon juge, et que
tant mieux, tant mieux, » disait le roi Salomon. chacun de ces deux hommes en emporte la moitié!
Les courtisans répétaient souvent qu'il était bien regrettable, — Ah! c'est horrible! dit l'un des hommes,
quand on était un juge si remarquable, de n'avoir rien à juger. — La volonté du roi, dit l'autre, est toujours équitable. Qu'on
— Mais non, mais non, leur répondait avec une satisfaction la partage en deux. Chacun de nous en aura sa part.
un peu forcée le roi d'Israël. Mais non, c'est beaucoup mieux —Il suffit! s'écria le roi. C'est toi le véritable gendre. C'est
Gomme ça. C'est signe que les plaideurs ont été impressionnés toi qui l'auras tout entière. ?
par ce jugement dont vous aimez tant à parler. Et l'audience fut levée.
Puis les courtisans parlèrent peu à peu d'autre chose. Et ce Tristan Bernard.
IWW 3>u CATALOGUÉ ses GIWWS /WBSINS a» LOUF -
Dessin d'AvELOT.
de faire allusion, au hasard de la conversa-
tion, à sa célèbre sentence, afin qu'un trait
aussi édifiant ne s'effaçât pas de la mémoire
des hommes.
Or, un matin, comme le roi arrivait au
palais, le lévite vint â lui en courant :
— Roi tout-puissant, s'écria le lévite, il y
a là deux hommes furieux qui demandent
après Votre Majesté. Ils sont en contestation
; a propos d'une vieille femme. Ils vous atten-
dent avec impatience.
— Ah! c'est fâcheux, c'est fâcheux, dit
le bon juge, en pressant joyeusement le
pas.
Quand le roi se fut assis sur son trône ma-
gnifique (encore un cadeau de la reine de
Saba, probablement), le lévite fit entrer les
deux hommes et la femme âgée. Et voici
ce que Salomon apprit de la cause, non
sans peine à vrai dire, car les deux hommes
parlaient presque tout le temps ensemble
avec une grande vivacité.
GRAVES ÉVÉNEMENTS L'un de ces hommes, voyageur en froment,
était allé se marier quinze ans auparavant
du 1er janvier dans une contrée voisine. Puis, ayant per-
du sa femme, il était revenu dans le pays.
Toujours variable, le Temps abandonne l'année expi- Or, sa belle-mère, tombée dans le dénûment,
rante pour aider l'année nouvelle à enfourcher le cycle venait d'arriver dans la ville pour demander
solaire. • Dessin de Carlègi.e. à son gendre l'asile qu'il lui devait en sa
demeure, selon la loi d'Israël et des peuples
voisins. Mais il se trouva que, trompée par-
une ressemblance de nom et de visage, elle
Lt-i "ROM y tt p p s'était rendue chez un autre individu du pays, qui, naturellement,
-DwiN J U u il n'avait pas voulu d'elle, et l'avait renvoyée chez le véritable
___ gendre, qui, à sou tour, prétendait insolemment n'avoir jamais
épousé la fille de cette femme.
Les deux hommes, mis en présence, avaient failli en venir aux
Le roi Salomon avait été un peu ennuyé de tout ce bruit que mains. Puis, chacun d'eux étant très effrayé du courage de
ie peuple d'Israél avait fait autour de sa fameuse sentence. l'autre, ils avaient décidé de s'en remettre au jugement du sage
— Il n'y a pas à dire, s'écriaient parfois ses courtisans, c'est Salomon.
ce qu'on peut appeler un jugement admirable. Celui-ci se recueillit un instant, le front dans ses mains pro-
Puis on en avait parlé de moins en moins. D'autre part, aucun fondes. Ensuite il releva la tête et dit gravement aux deux
cas nouveau ou difficile n'était soumis désormais à la sagace hommes :
appréciation du juge. — Je ne vois pas, dans les documents que vous m'apportez, de
Son autorité effrayait les plaideurs. Par crainte d'un verdict preuves assez fortes pour désigner celui de vous qui s'est marié,
sans appel, ils n'osaient plus se présenter devant lui, et transi- il y a quinze ans, dans le pays voisin. Cette femme-ci cependant
geaient toujours avant. parle avec l'accent de la vérité. Elle ne se trompe pas en ce qui
Quand le roi, selon son habitude quotidienne, se rendait au concerne l'un de vous. Mais lequel de vous? Faites venir un des
palais des jugements, il demandait d'un air indifférent au lévite gardes du palais!
de service : « Est-il venu quelqu'un ce matin?— Monarque tout- Et quand le garde fut là :
puissant, répondait le lévite, il n'est venu personne. — Allons, — Qu'on partage cette femme en deux, dit le bon juge, et que
tant mieux, tant mieux, » disait le roi Salomon. chacun de ces deux hommes en emporte la moitié!
Les courtisans répétaient souvent qu'il était bien regrettable, — Ah! c'est horrible! dit l'un des hommes,
quand on était un juge si remarquable, de n'avoir rien à juger. — La volonté du roi, dit l'autre, est toujours équitable. Qu'on
— Mais non, mais non, leur répondait avec une satisfaction la partage en deux. Chacun de nous en aura sa part.
un peu forcée le roi d'Israël. Mais non, c'est beaucoup mieux —Il suffit! s'écria le roi. C'est toi le véritable gendre. C'est
Gomme ça. C'est signe que les plaideurs ont été impressionnés toi qui l'auras tout entière. ?
par ce jugement dont vous aimez tant à parler. Et l'audience fut levée.
Puis les courtisans parlèrent peu à peu d'autre chose. Et ce Tristan Bernard.
IWW 3>u CATALOGUÉ ses GIWWS /WBSINS a» LOUF -
Dessin d'AvELOT.