Espérant conjurer la guigne et dérouter mon démon en en an-
géant de direction, je me décide à filer sur l'Espagne.
Me voila parti, bien collé dans un compartiment, où je suis
monté en gare du quai d'Orsay. Que va-t-il m'arriver cette fois?
Je m'attends à tout !
Cependant les heures passent... Rien!
— Tiens! tiens! me dis-je, est-ce que mon démon se serait
lassé'? Nous voici bien sur la route d'Espagne... Aucune chaîne
ne se rompt ; me sera-t-il enfin permis d'arrivèr ?
Et de fait, j'approchais du but, nous étions entrés en gare de
Toulouse et...
C'est là que le démon m'attendait. — Oh ! je vous le donne en
mille ! Ne cherchez pas, du reste I
Voici.
Le train où je me trouvais fut saisi par ministère d'huissier, à
la requête d'un marchand de' moutarde, auquel la Compagnie
devait la somme de 47 fr. 75.
Hein? comment trouvez-vous le bouillon? Oui, mais comment
le trouvez-vous ? ■'
Je suis sous scellés tout simplement, moi, mon train,.nies baga-
ges et mes compagnons de route. Sous .huit jours, le tout, moi
compris, sera vendu par autorité de justice. Est-ce que ce n'est
pas épouvantable, cette situation?
J'espère que les lecteurs du Rire auront pitié de moi et qu'ils
— Vous êtes anarchiste? se cotiseront pour m'acheter aux enchères... Sinon, qui sait dans
— Moi!... je suis employé che'. un tailleur, je découpe les patrons. quelles mains je tomberai !
— "Vous découpez les patrons?... Vous avouez que vous êtes anar- o..,!.,....! » • ,-,
chiste! Dessin de Marcel Non. Seulement, une fois libre, si jamais on me retrouve a monter
dans un tram, je veux bien être changé en locomotive !
A la suite de ce raisonnement, je file vers la gare Saint-Lazare, Modulphe jBringer.
je prends au guichet une bonne première pour le Havre; je f ( f
m'introduis dans un compartiment et, pour tromper mon ennui,
je me plonge dans la lecture de X..., par XX... (1).
Le résultat ne se fit pas attendre : deux minutes après je ron-
flais comme le sonneur de la Madeleine. ,'.
Mais qu'importait, n'est-ce pas? Rien au monde, semblait-il,
aucune puissance humaine ne pouvait m'empècher d'arriver au
Havre quelques heures après, puisque j'avais pris mon billet
pour le Havre, et que je me trouvais dans le train du Havre !
Eh bien!... Vous me croirez si vous voulez, mais, quand je
m'éveillai, je me trouvai non point au Havre, mais à Dieppe...
Oui, vous avez bien lu, à Dieppe !
Tiens ! elle est forte, celle-là !
Je sais bien qu'on a raconté qu'il y avait eu erreur d'aiguillage,
que le tram avait été lancé sur une mauvaise direction, par suite
de l'inattention d'un aiguilleur; mais je n'en ai pas cru un mot,
et je sais les aiguilleurs gens trop sérieux pour se livrer à de
telles farces de rapin.
C'est un malin esprit qui me poursuit, voilà tout, d'autant [dus
que le cas s'est reproduit.
J'ai voulu revenir de Dieppe. Dame! quand on est a Dieppe, que
voulez-vous qu'on y fasse, sinon en revenir, surtout quand on n'a
rien à y faire ?
Je reprends mon billet, je remonte dans un train, et j'attends,
mais avec un peu de méfiance, il faut l'avouer.
— Cette fois, me disais-je, si je n'arrive pas à Carpentras pour
le moins, eh bien, j'aurai de la veine !
Ce n'est point à Carpentras que j'arrivai, ni àPont-à-Mousson,
ni à BriveTa-Graillarde... mais encore moins à Paris, où ten-
daient mes vœux... Car je n'arrivai nulle part.
Oui, nulle part, j'ai bien dit... Je restai en panne, dans un
wagon, au beau milieu de la voie, où je serais encore peut-être,
ma foi, si les ingénieurs de la Compagnie n'étaient venus me
chercher sous le prétexte futile que je gênais la circulation.
Mais ce qu'il y a de plus bizarre, c'est que, tandis que je restais
là en panne, tout le reste du train arrivait triomphalement à
Paris.
On a prétendu que les chaînes s'étaient rompues... Alions II t-^£2\ ^=^S^*s^: .^ûfï"^^
donc! comme si les chaînes se rompaient maintenant! C'était |' ^"i^-"^a*i%^^'
mon démon, encore mon démon !
Mais, tout ceci n'était rien encore I innocentes représailles
— Allô!... le colonel du 192', si ou plaît?...-Ah! o^est vous qui êtes
nn^istm mnn.n.nr! • 1& colonel ?.. Eh bien, moi, je suis Cambronne, et je vous dis... (La corn-
U) iais-.toi, mon cœm:. , munication ett interrompue.) Dessin de bofa.
géant de direction, je me décide à filer sur l'Espagne.
Me voila parti, bien collé dans un compartiment, où je suis
monté en gare du quai d'Orsay. Que va-t-il m'arriver cette fois?
Je m'attends à tout !
Cependant les heures passent... Rien!
— Tiens! tiens! me dis-je, est-ce que mon démon se serait
lassé'? Nous voici bien sur la route d'Espagne... Aucune chaîne
ne se rompt ; me sera-t-il enfin permis d'arrivèr ?
Et de fait, j'approchais du but, nous étions entrés en gare de
Toulouse et...
C'est là que le démon m'attendait. — Oh ! je vous le donne en
mille ! Ne cherchez pas, du reste I
Voici.
Le train où je me trouvais fut saisi par ministère d'huissier, à
la requête d'un marchand de' moutarde, auquel la Compagnie
devait la somme de 47 fr. 75.
Hein? comment trouvez-vous le bouillon? Oui, mais comment
le trouvez-vous ? ■'
Je suis sous scellés tout simplement, moi, mon train,.nies baga-
ges et mes compagnons de route. Sous .huit jours, le tout, moi
compris, sera vendu par autorité de justice. Est-ce que ce n'est
pas épouvantable, cette situation?
J'espère que les lecteurs du Rire auront pitié de moi et qu'ils
— Vous êtes anarchiste? se cotiseront pour m'acheter aux enchères... Sinon, qui sait dans
— Moi!... je suis employé che'. un tailleur, je découpe les patrons. quelles mains je tomberai !
— "Vous découpez les patrons?... Vous avouez que vous êtes anar- o..,!.,....! » • ,-,
chiste! Dessin de Marcel Non. Seulement, une fois libre, si jamais on me retrouve a monter
dans un tram, je veux bien être changé en locomotive !
A la suite de ce raisonnement, je file vers la gare Saint-Lazare, Modulphe jBringer.
je prends au guichet une bonne première pour le Havre; je f ( f
m'introduis dans un compartiment et, pour tromper mon ennui,
je me plonge dans la lecture de X..., par XX... (1).
Le résultat ne se fit pas attendre : deux minutes après je ron-
flais comme le sonneur de la Madeleine. ,'.
Mais qu'importait, n'est-ce pas? Rien au monde, semblait-il,
aucune puissance humaine ne pouvait m'empècher d'arriver au
Havre quelques heures après, puisque j'avais pris mon billet
pour le Havre, et que je me trouvais dans le train du Havre !
Eh bien!... Vous me croirez si vous voulez, mais, quand je
m'éveillai, je me trouvai non point au Havre, mais à Dieppe...
Oui, vous avez bien lu, à Dieppe !
Tiens ! elle est forte, celle-là !
Je sais bien qu'on a raconté qu'il y avait eu erreur d'aiguillage,
que le tram avait été lancé sur une mauvaise direction, par suite
de l'inattention d'un aiguilleur; mais je n'en ai pas cru un mot,
et je sais les aiguilleurs gens trop sérieux pour se livrer à de
telles farces de rapin.
C'est un malin esprit qui me poursuit, voilà tout, d'autant [dus
que le cas s'est reproduit.
J'ai voulu revenir de Dieppe. Dame! quand on est a Dieppe, que
voulez-vous qu'on y fasse, sinon en revenir, surtout quand on n'a
rien à y faire ?
Je reprends mon billet, je remonte dans un train, et j'attends,
mais avec un peu de méfiance, il faut l'avouer.
— Cette fois, me disais-je, si je n'arrive pas à Carpentras pour
le moins, eh bien, j'aurai de la veine !
Ce n'est point à Carpentras que j'arrivai, ni àPont-à-Mousson,
ni à BriveTa-Graillarde... mais encore moins à Paris, où ten-
daient mes vœux... Car je n'arrivai nulle part.
Oui, nulle part, j'ai bien dit... Je restai en panne, dans un
wagon, au beau milieu de la voie, où je serais encore peut-être,
ma foi, si les ingénieurs de la Compagnie n'étaient venus me
chercher sous le prétexte futile que je gênais la circulation.
Mais ce qu'il y a de plus bizarre, c'est que, tandis que je restais
là en panne, tout le reste du train arrivait triomphalement à
Paris.
On a prétendu que les chaînes s'étaient rompues... Alions II t-^£2\ ^=^S^*s^: .^ûfï"^^
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Mais, tout ceci n'était rien encore I innocentes représailles
— Allô!... le colonel du 192', si ou plaît?...-Ah! o^est vous qui êtes
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U) iais-.toi, mon cœm:. , munication ett interrompue.) Dessin de bofa.