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https://doi.org/10.11588/diglit.23870#0037
LA CALVITIE VAINCUE
OU J'ÉTAIS CHAUVE I
Parmi les fléaux qui désolent le genre
humain, certains ont une renommée terri-
ble et sinistre: que le moindre cas de peste
ou de choléra soit signalé dans un pays
voisin et partout l'on meurt de peur! Et
pourtant, il suffit de jeter les yeux autour
de soi pour être bien plus épouvanté et se
convaincre rapidement que la plus terrible
des maladies contagieuses croît continuel-
lement autour de nous, parmi nous, chez
nous, à l'état endémique : nous voulons
dire la calvitie.
La calvitie, qui s'attaque à tout le monde,
qui choisit ses victimes dans tous les mi-
lieux, coûte à la France plus de cheveux
que M. Pelletan n'a de génie maritime.
Un statisticien a calculé que, si Ton tres-
sait tous les cheveux que la calvitie a fou-
droyés, on pourrait faire une corde qui fe-
rait trois fois le tour de Mme Jeanne Bloch.
Jusqu'ici, cette calamité capillaire avait
résisté à toutes les découvertes de la science;
mais, enfin, le fléau est arrêté, et cela grâce
à l'érudition du savant docteur suédois Bour-
denskiold.
Laissons-lui la parole :
— Je n'étais pas chauve, mais mon grand-
oncle paternel l'était. Il tenait cela d'une
marraine qui habitait Saint-Flour (France)
qui, ayant été victime d'un accident de che-
min de fer, en était sortie ehaine et chauve.
« Or un jour, je demandais à mon grand-
oncle paternel :
« — Cela ne vous gêne pas d'être ainsi
dé0azonné (1) ? — jeg yeux gont ^es pierres précieuses, ton nez ' est un coquillage, tes pieds sont des
a) Expression suédoise intraduisible en français. fleurs, tes dents sont des perles, tes seins... •
— Ta bouche..., bébé! Dessin de Delaw.
^^^^S^^s^^^^smès^m^i^m « 11 me répondit.
« — Cela me gene tellement que je donne-
rais bien un kronn (1) par cheveu à celui qui
me les ferait repousser !
« Un kronn par cheveu !
« Je ne tiens pas à l'argent, mais je voulus
en avoir le cœur net et, le soir, un à un, arra-
chant tous les cheveux qui garnissaient mon
crâne, je les comptai, puis multipliai leur
nombre par un kronn et j'arrivai à une somme
formidable.
« Mais mon grand-oncle était riche, formi-
dablement riche !
« Alors, tant pour faire repousser mes che-
veux que pour gagner l'argent promis par mon
grand-oncle, je me mis à étudier la chimie.
« Dix ans se passèrent, et je n'avais rien
trouvé.
« Cependant, le temps passait, mon oncle
devenait vieux et je commençais à craindre,
si je tardais davantage, de n'avoir à faire re-
pousser ses cheveux que sur son cadavre.
« Or, un jour que j'étais à Paris (France),
j'entendis un homme qui, sur un ton lamen-
table, s'écriait :
« — Oh! là! là! ce que je m'en fais des
cheveux !
« Immédiatement, je bondis sur cet homme,
je l'entraînai dans l'arrière-boutique d'un mar-
chand de vin et, me jetant à ses pieds, je lui
demandai son secret contre une fortune.
« Une heure après j'avais sa recette et la
semaine suivante je rentrai à Stockholm avec
une telle chevelure que tout le monde me prit
pour Clovis Hugues.
« Je soignai mon oncle paternel qui tint sa
promesse : il me donna un kronn par poil re-
poussé ; seulement toute sa fortune y passa et
il resta mon débiteur. En se voyant ruiné, il
fut si chagrin qu'il s'arracha les cheveux de
désespoir, ce qui lui fut une consolation, en
somme, car s'il eût été chauve, qu'est-ce qu'il
aurait pu s'arracher, je vous le demande? »
Tel est, dans sa simplicité, le récit que le
célèbre docteur suédois Bourdenskiold fait de
sa merveilleuse découverte.
Ros;er Brindolphe.
-, _ »—~—~**3s~aa. ,^ pièce de monnaie suédoise de la valeur de
— Mais fichez-moi donc la paix, nom d'un chien! Puisque je vous dis que je n'aime pas les j fr> 39,
femmes qui ressemblent à Louis XIV!... Dessin de Jean Vu.i.puox.
OU J'ÉTAIS CHAUVE I
Parmi les fléaux qui désolent le genre
humain, certains ont une renommée terri-
ble et sinistre: que le moindre cas de peste
ou de choléra soit signalé dans un pays
voisin et partout l'on meurt de peur! Et
pourtant, il suffit de jeter les yeux autour
de soi pour être bien plus épouvanté et se
convaincre rapidement que la plus terrible
des maladies contagieuses croît continuel-
lement autour de nous, parmi nous, chez
nous, à l'état endémique : nous voulons
dire la calvitie.
La calvitie, qui s'attaque à tout le monde,
qui choisit ses victimes dans tous les mi-
lieux, coûte à la France plus de cheveux
que M. Pelletan n'a de génie maritime.
Un statisticien a calculé que, si Ton tres-
sait tous les cheveux que la calvitie a fou-
droyés, on pourrait faire une corde qui fe-
rait trois fois le tour de Mme Jeanne Bloch.
Jusqu'ici, cette calamité capillaire avait
résisté à toutes les découvertes de la science;
mais, enfin, le fléau est arrêté, et cela grâce
à l'érudition du savant docteur suédois Bour-
denskiold.
Laissons-lui la parole :
— Je n'étais pas chauve, mais mon grand-
oncle paternel l'était. Il tenait cela d'une
marraine qui habitait Saint-Flour (France)
qui, ayant été victime d'un accident de che-
min de fer, en était sortie ehaine et chauve.
« Or un jour, je demandais à mon grand-
oncle paternel :
« — Cela ne vous gêne pas d'être ainsi
dé0azonné (1) ? — jeg yeux gont ^es pierres précieuses, ton nez ' est un coquillage, tes pieds sont des
a) Expression suédoise intraduisible en français. fleurs, tes dents sont des perles, tes seins... •
— Ta bouche..., bébé! Dessin de Delaw.
^^^^S^^s^^^^smès^m^i^m « 11 me répondit.
« — Cela me gene tellement que je donne-
rais bien un kronn (1) par cheveu à celui qui
me les ferait repousser !
« Un kronn par cheveu !
« Je ne tiens pas à l'argent, mais je voulus
en avoir le cœur net et, le soir, un à un, arra-
chant tous les cheveux qui garnissaient mon
crâne, je les comptai, puis multipliai leur
nombre par un kronn et j'arrivai à une somme
formidable.
« Mais mon grand-oncle était riche, formi-
dablement riche !
« Alors, tant pour faire repousser mes che-
veux que pour gagner l'argent promis par mon
grand-oncle, je me mis à étudier la chimie.
« Dix ans se passèrent, et je n'avais rien
trouvé.
« Cependant, le temps passait, mon oncle
devenait vieux et je commençais à craindre,
si je tardais davantage, de n'avoir à faire re-
pousser ses cheveux que sur son cadavre.
« Or, un jour que j'étais à Paris (France),
j'entendis un homme qui, sur un ton lamen-
table, s'écriait :
« — Oh! là! là! ce que je m'en fais des
cheveux !
« Immédiatement, je bondis sur cet homme,
je l'entraînai dans l'arrière-boutique d'un mar-
chand de vin et, me jetant à ses pieds, je lui
demandai son secret contre une fortune.
« Une heure après j'avais sa recette et la
semaine suivante je rentrai à Stockholm avec
une telle chevelure que tout le monde me prit
pour Clovis Hugues.
« Je soignai mon oncle paternel qui tint sa
promesse : il me donna un kronn par poil re-
poussé ; seulement toute sa fortune y passa et
il resta mon débiteur. En se voyant ruiné, il
fut si chagrin qu'il s'arracha les cheveux de
désespoir, ce qui lui fut une consolation, en
somme, car s'il eût été chauve, qu'est-ce qu'il
aurait pu s'arracher, je vous le demande? »
Tel est, dans sa simplicité, le récit que le
célèbre docteur suédois Bourdenskiold fait de
sa merveilleuse découverte.
Ros;er Brindolphe.
-, _ »—~—~**3s~aa. ,^ pièce de monnaie suédoise de la valeur de
— Mais fichez-moi donc la paix, nom d'un chien! Puisque je vous dis que je n'aime pas les j fr> 39,
femmes qui ressemblent à Louis XIV!... Dessin de Jean Vu.i.puox.