— Qu’est-ce que tu as, mon vieux? Ça n’a pas l’an d’aller aujouid P i!
— J'ai mal au cheveu! Des in de d pAyurr
„aine ou à quinzaine : — communication do
pièces, bronchite, plaidoirie en province,
enterrement d’oncle et mariage de cousi-
nes, régularisation de procédure et pour-
parlers de transaction, — consentent à la
plaider et à prendre jugement.
Voilà ce que j’aurais dû faire, et j’étais un
innocent d’être allé frapper moi-même, sur
le coup de onze heures, à la porte de la
première Chambre du tribunal civil, la-
quelle n’ouvre son audience qu’à midi et
ne devait, en aucun cas, étant donnée la
nature de mon affaire, être appelée à la
juger.
Je fis observer à mon ami que son dis-
cours bouleversait mes idées :
1° Sur la justice, que je croyais gratuite;
2° Sur la foi due aux énonciations por-
tées en des actes émanant des représen-
tants et auxiliaires de celte même justice.
11 résultait, en effet, à 1 évidence, de ses
explications, que l’exploit de l'huissier Ta-
bouche n’était qu’un tissu d’inexactitudes
et de faussetés, rédigées en langue sibyl-
line, et destinées à induire sciemment en
erreur le malheureux citoyen ignorant des
beautés de la loi et des subtilités de la pro-
cédure.
Mon ami se contenta de hausser légère-
ment les épaules et de sourire avec bonté,
comme un qui en a vu bien d’autres.
Loris.
rait sa toque, et disait : « A huitaine », ou
bien : « A quinzaine ». — La liste s’épuisa
sans que mon nom eût été appelé.
C’était évidemment un oubli. J’allai ré-
clamer auprès de l’huissier, qui m’adressa
à un acolyte assis devant un bureau, et qui
écrivait. Je montrai à ce dernier ma feuille
bleue ; il me répondit qu’il n’avait pas le
temps; j’insistai, il m’envoya promener. Je
le traitai de malappris, et comme ce petit
dialogue avait fait du bruit, le président
envoya quérir deux gardes qui m’expulsè-
rent manu militari.
Exaspéré, j’allais commettre quelque ac-
tion regrettable, quand il me souvint d’un
ami que j’avais au Parquet, et qui pourrait
m’éclairer sur la conduite à tenir.
Après une nouvelle et longue attente, je
fus mis en sa présence et lui contai d’un
trait ma mésaventure. Il rit longuement de
ma naïveté et voulut bien m’apprendre ce
que j’aurais dû faire au reçu du billet de
l’huissier :
1° Courir chez un officier ministériel dit :
avoué, entre les mains duquel je remettais
mes intérêts d’abord, puis une somme d’ar-
gent dite « provision », la loi ne me donnant
pas le droit de me présenter moi-même.
Coût : environ deux cents francs;
2° Laisser à cet officier ministériel le
soin de se constituer pour moi, de suivre
sur la procédure engagée par l’adversaire,
de répondre par des conclusions aux
moyens de l’assignation et de soulever tels
incidents qu’il jugerait convenable;
3° Au moment où l’affaire sortirait du
rôle général pour être distribuée à telle ou
telle chambre du tribunal, faire choix d’un
avocat auquel je verserais une provision
nouvelle pour qu’il consente à expliquer
ladite affaire au tribunal, la loi ne me don-
nant pas le droit de l’expliquer moi-même.
Coût : de deux à cinq cents francs, suivant
la qualité ;
4° Attendre un nombre indéterminé de
mois que mon affaire vienne au tableau, et
que mon avocat et son « cher confrère »
ayant épuisé les motifs de remise à hui-
LA POLITIQUE CHEZ LES ANIMAUX
l’ane. — Habitué à dominer les foules, j’ose me flatter d’avoir l’oreille du public.
Dessin de G. Delaw.
— J'ai mal au cheveu! Des in de d pAyurr
„aine ou à quinzaine : — communication do
pièces, bronchite, plaidoirie en province,
enterrement d’oncle et mariage de cousi-
nes, régularisation de procédure et pour-
parlers de transaction, — consentent à la
plaider et à prendre jugement.
Voilà ce que j’aurais dû faire, et j’étais un
innocent d’être allé frapper moi-même, sur
le coup de onze heures, à la porte de la
première Chambre du tribunal civil, la-
quelle n’ouvre son audience qu’à midi et
ne devait, en aucun cas, étant donnée la
nature de mon affaire, être appelée à la
juger.
Je fis observer à mon ami que son dis-
cours bouleversait mes idées :
1° Sur la justice, que je croyais gratuite;
2° Sur la foi due aux énonciations por-
tées en des actes émanant des représen-
tants et auxiliaires de celte même justice.
11 résultait, en effet, à 1 évidence, de ses
explications, que l’exploit de l'huissier Ta-
bouche n’était qu’un tissu d’inexactitudes
et de faussetés, rédigées en langue sibyl-
line, et destinées à induire sciemment en
erreur le malheureux citoyen ignorant des
beautés de la loi et des subtilités de la pro-
cédure.
Mon ami se contenta de hausser légère-
ment les épaules et de sourire avec bonté,
comme un qui en a vu bien d’autres.
Loris.
rait sa toque, et disait : « A huitaine », ou
bien : « A quinzaine ». — La liste s’épuisa
sans que mon nom eût été appelé.
C’était évidemment un oubli. J’allai ré-
clamer auprès de l’huissier, qui m’adressa
à un acolyte assis devant un bureau, et qui
écrivait. Je montrai à ce dernier ma feuille
bleue ; il me répondit qu’il n’avait pas le
temps; j’insistai, il m’envoya promener. Je
le traitai de malappris, et comme ce petit
dialogue avait fait du bruit, le président
envoya quérir deux gardes qui m’expulsè-
rent manu militari.
Exaspéré, j’allais commettre quelque ac-
tion regrettable, quand il me souvint d’un
ami que j’avais au Parquet, et qui pourrait
m’éclairer sur la conduite à tenir.
Après une nouvelle et longue attente, je
fus mis en sa présence et lui contai d’un
trait ma mésaventure. Il rit longuement de
ma naïveté et voulut bien m’apprendre ce
que j’aurais dû faire au reçu du billet de
l’huissier :
1° Courir chez un officier ministériel dit :
avoué, entre les mains duquel je remettais
mes intérêts d’abord, puis une somme d’ar-
gent dite « provision », la loi ne me donnant
pas le droit de me présenter moi-même.
Coût : environ deux cents francs;
2° Laisser à cet officier ministériel le
soin de se constituer pour moi, de suivre
sur la procédure engagée par l’adversaire,
de répondre par des conclusions aux
moyens de l’assignation et de soulever tels
incidents qu’il jugerait convenable;
3° Au moment où l’affaire sortirait du
rôle général pour être distribuée à telle ou
telle chambre du tribunal, faire choix d’un
avocat auquel je verserais une provision
nouvelle pour qu’il consente à expliquer
ladite affaire au tribunal, la loi ne me don-
nant pas le droit de l’expliquer moi-même.
Coût : de deux à cinq cents francs, suivant
la qualité ;
4° Attendre un nombre indéterminé de
mois que mon affaire vienne au tableau, et
que mon avocat et son « cher confrère »
ayant épuisé les motifs de remise à hui-
LA POLITIQUE CHEZ LES ANIMAUX
l’ane. — Habitué à dominer les foules, j’ose me flatter d’avoir l’oreille du public.
Dessin de G. Delaw.