Relation du voyage présidentiel par notre envoyé spécial
M. ÉMILE LOUBET
Soucieux d’offrir à ses lecteurs un compte
rendu exact et circonstancié du voyage présidentiel
a Marseille, le Rire, ne reculant devant aucun
sacrifice, s’est adressé à un spécialiste dont l’au-
torité et l’expérience sont incontestables, c’est-à-
dire à M. Emile Loubet.
M. Emile Loubet a donc suivi M. Fallières et
voici l’article qu’il nous transmet par notre fil
spécial.
Marseille, 18 septembre. — Tout d’abord, j’ai à me plaindre
de M. Mollard. Le directeur du Protocole s’est très mal com-
porté avec moi... Il a affecté de ne pas me reconnaître, m’a
réclamé des autorisations, des cartes, que sais-je? et ne m’a
admis dans le train présidentiel qu’après l’intervention person-
nelle de M. Lépine. Mon petit Mollard, si jamais le Congrès...
Enfin, je te revaudrai ça!
Mon successeur m’a reçu dans son wagon-salon — qui fut le
mien d'ailleurs — avec les autres journalistes accrédités. Il m’a
paru qu’il était bien suffisant...
— Enchanté, enchanté, m’a-t-il dit, en me serrant mollement
la main.
Imaginez Louis XVIII recevant
Evidemment, je le
Napoléon.
A propos de Na-
poléon, j’ai remar-
qué que la redin-
gote de ce brave
Fallières manquait
d’allure. Elle doit
sortir des mainsd.’un
high life tailor d’A-
gen : en tout cas,
elle ne sort pas de
l’ordinaire. Moi, je
me faisais habiller
gênais.
— Et maintenan-gne, monsieur le Présiden-
gne, nous allons nous annesser Lyon!
chez le tailleur français de mon ami le roi d’Angleterre : mais cela,
c’est du passé, n’est-ce pas? N’en parlons plus.
Le trajet n’a été marqué par aucun incident. De mon temps,
il y avait des incidents. Ce pauvre Fallières passe au milieu du
silence et de l’indifférence.
J’ai remarqué que mon successeur ignorait l’art — très diffi-
cile, il est vrai — de faire la portière... Faire la portière, c’est,
dans notre argot des souverains, sourire par la portière à toutes
les personnes présentes. Il faut que ce sourire soit naturel et
prolongé... Je me rappelle avoir souri ainsi, pendant vingt-sept
minutes, en gare de Reims : M. Brisson, qui m’accompagnait,
n’en revenait pas. Fallières, lui, ne sourit pas, il fait la tête, il
bâille...
A Arles, nous avons été reçus, — non, il a été reçu par le
M. ÉMILE LOUBET
Soucieux d’offrir à ses lecteurs un compte
rendu exact et circonstancié du voyage présidentiel
a Marseille, le Rire, ne reculant devant aucun
sacrifice, s’est adressé à un spécialiste dont l’au-
torité et l’expérience sont incontestables, c’est-à-
dire à M. Emile Loubet.
M. Emile Loubet a donc suivi M. Fallières et
voici l’article qu’il nous transmet par notre fil
spécial.
Marseille, 18 septembre. — Tout d’abord, j’ai à me plaindre
de M. Mollard. Le directeur du Protocole s’est très mal com-
porté avec moi... Il a affecté de ne pas me reconnaître, m’a
réclamé des autorisations, des cartes, que sais-je? et ne m’a
admis dans le train présidentiel qu’après l’intervention person-
nelle de M. Lépine. Mon petit Mollard, si jamais le Congrès...
Enfin, je te revaudrai ça!
Mon successeur m’a reçu dans son wagon-salon — qui fut le
mien d'ailleurs — avec les autres journalistes accrédités. Il m’a
paru qu’il était bien suffisant...
— Enchanté, enchanté, m’a-t-il dit, en me serrant mollement
la main.
Imaginez Louis XVIII recevant
Evidemment, je le
Napoléon.
A propos de Na-
poléon, j’ai remar-
qué que la redin-
gote de ce brave
Fallières manquait
d’allure. Elle doit
sortir des mainsd.’un
high life tailor d’A-
gen : en tout cas,
elle ne sort pas de
l’ordinaire. Moi, je
me faisais habiller
gênais.
— Et maintenan-gne, monsieur le Présiden-
gne, nous allons nous annesser Lyon!
chez le tailleur français de mon ami le roi d’Angleterre : mais cela,
c’est du passé, n’est-ce pas? N’en parlons plus.
Le trajet n’a été marqué par aucun incident. De mon temps,
il y avait des incidents. Ce pauvre Fallières passe au milieu du
silence et de l’indifférence.
J’ai remarqué que mon successeur ignorait l’art — très diffi-
cile, il est vrai — de faire la portière... Faire la portière, c’est,
dans notre argot des souverains, sourire par la portière à toutes
les personnes présentes. Il faut que ce sourire soit naturel et
prolongé... Je me rappelle avoir souri ainsi, pendant vingt-sept
minutes, en gare de Reims : M. Brisson, qui m’accompagnait,
n’en revenait pas. Fallières, lui, ne sourit pas, il fait la tête, il
bâille...
A Arles, nous avons été reçus, — non, il a été reçu par le