COMEDIE DE PARAVENT
Décolleter, v. tr. (étym. faire comme, ressembler à Colette). Découvrir
le cou, la gorge, les épaules, etc. {Nouveau Larousse )
— Entrez, entrez, cher ami. Nous répétons notre petite saynette pour le « fessetival » de ia marquise ; on ne peut pas tout le temps jouer au
bridge, n’est-ce pas ?...
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
Ah ! qu’elle fut curieuse, cette représentation de
Pan !
Autrefois, l'Œuvre n’attirait pas la foule —ah!
non — elle nous donnaitdes pièces noires, sérieuses,
traduites du norvégien ou du russe. 11 y venait des
esthètes à cheveux longs, en chemise de soie sans
col, avec des compagnes étranges à bandeaux plats
et à regard inspiré. C’était un milieu spécial, exo-
tique, où les délicats venaient parcuriosité littéraire.
Mais, cette fois, ce n’était pas dans l’austère salle
du Nouveau-Théâtre, mais aux joyeuses Folies-Ma-
rigny, .que la cérémonie avait lieu, et, sur l’afiiche
verte, flamboyait le nom de Colette \Villy. 11 n’en
fallût pas plus pour que la salle fût pleine à ne pas
y introduire Mlle Dieterle. Non seulement quelques
péripatéticiennes ayant leur entrée à vie, faisaient,
comme d’habitude, leur petit commerce dans le pro-
M. Clem..ceau, pre- menoir illuminé, mais les loges étaient envahies
nier « flic » de France. Par ^e. tout-.- Mytiléne des premières, sous la haute
direction de la célèbre marquise qui allait, ve-
nait, bout-ci, bout-là, et s’agitait pour que ce gros
numéro fût bien présenté.
Il y avait là » petit Janot» qui montrait sa belle brune, et, avec
eux, un tas de personnes vieillies, fripées, défraîchies, exsan-
gues, arborant l’uniforme du couvent, cheveux courts, col droit
masculin et petit smoking de drap noir sur jupe plate, sans des-
sous. Après une.ouverture en musique assez jolie, ma foi, Colette
parut en Paniska — presque le costumé des Romanichels, avec
ce .jupon très court et déchiqueté qui laisse voir la jambe et la
cuisse nues jusqu’aux hanches. Accompagnée par les instruments
à cordes, elle prit quelques poses hiératiques, au cours desquelles
le jupon se souleva encore un peu plus haut, et le tout Mytiléne
entra en délire.
Après, Colette disparut avec Pan, qui devait, sans doute, s’ap-
peler Zizi, et cela devint fort ennuyeux. Une discussion d'une
longueur terrible s’engagea entre le curé, le bourgmestre, le
capucin, le suisse. Hélas! plus le suisse que de cuisse!
Heureusement, à la fin de la pièce, Colette reparut drapée
dans une petite peau de tigre très courte, avec une longue
queue qui s’enroulait autour de ses jambes potelées; et, alors,
elle nous dansa un petit pas — saperlipopette! — lui seul valait
le voyage. Jamais je n’avais si bien compris le triomphe de la
nature. « Petit Janot » exultait, et un peu de sang était revenu
à ses joues blêmes. Il y eut des applaudissements et aussi quel-
ques coups do sifflets lancés par des jaloux qui voudraient qu'un
succès dépendit d’études au Conservatoire et non d’incitations
charnelles.
Pan se termina en apothéose. La marquise trouva cependant
qu’il n’y avait pas assez de rappels. Elle en eût voulu au moins
soixante-huit.'
Et, le lendemain, un de nos plus spirituels critiques finissait
ainsi son article :
« Colette Willy fera le plus grand honneur à ses professeurs,
et notamment à cette grande dame, éprise d’art et de beauté, qui,
après lui avoir prodigué les conseils (??i, couve d’un œil amou-
reux chacun de ses succès. »
N’insistons pas, car c’est très gentil comme ça.
*
* *
Nous avons eu le procès de la robe; nous avons eu le procès
du tutu, au sujet duquel MM. Isola avaient bien voulu avoir re-
cours à ma compétence; maintenant, voici le procès du maillot
académique.
Ce maillot académique — et ça fera plaisir à nos joyeux aca-
démiciens—se distingue du maillot ordinaire, en ce quil moule
le corps entier, et la personne qui le revêt paraît toute nue. Les
docteurs sont intervenus, donnant raison non seulement à
Mn,° Colette, qui danse sans maillot, mais à Mlle de Valcourt,
due de Val fort (elle aime mieux, sans doute, fort que court) qui
a refusé le maillot académique.
Donc, Mlle de Val court, dite de Valfort ("cette préférence fait
décidément ma joie) avait été engagée par le directeur de l’Al-
eazar et des Ambassadeurs pour jouer moyennant six cents
francs par mois — retenez ce chiffre, messieurs les députés —
dans une revue annuelle en demi-vedette, son nom apparaissant
fort, mais court. Trois rôles délicieux lui furent distribués : La
Seine sortant de son lit, costume qui comportait quelques roseaux
bien placés; la Corset/ère, rôle pour lequel il fallait un corset,
et, enfin, la Muse. Ah ! dame, pour la Muse, il fallait le maillot
absolument académique.
Nu comme le discours d’un académicien
Les Nui/s, d’Alfred de Musset, nous ont documentés à cet
égard. Mlle de Valcourt.— pardon!... de Valfort-— refuse le
maillot, étant engagée comme artiste et non pour la figuration.
Et l’excellent docteur signe bravement la déclaration suivante :
« Le maillot, par ses mailles extrêmement fines, serrées et eom-
Décolleter, v. tr. (étym. faire comme, ressembler à Colette). Découvrir
le cou, la gorge, les épaules, etc. {Nouveau Larousse )
— Entrez, entrez, cher ami. Nous répétons notre petite saynette pour le « fessetival » de ia marquise ; on ne peut pas tout le temps jouer au
bridge, n’est-ce pas ?...
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
Ah ! qu’elle fut curieuse, cette représentation de
Pan !
Autrefois, l'Œuvre n’attirait pas la foule —ah!
non — elle nous donnaitdes pièces noires, sérieuses,
traduites du norvégien ou du russe. 11 y venait des
esthètes à cheveux longs, en chemise de soie sans
col, avec des compagnes étranges à bandeaux plats
et à regard inspiré. C’était un milieu spécial, exo-
tique, où les délicats venaient parcuriosité littéraire.
Mais, cette fois, ce n’était pas dans l’austère salle
du Nouveau-Théâtre, mais aux joyeuses Folies-Ma-
rigny, .que la cérémonie avait lieu, et, sur l’afiiche
verte, flamboyait le nom de Colette \Villy. 11 n’en
fallût pas plus pour que la salle fût pleine à ne pas
y introduire Mlle Dieterle. Non seulement quelques
péripatéticiennes ayant leur entrée à vie, faisaient,
comme d’habitude, leur petit commerce dans le pro-
M. Clem..ceau, pre- menoir illuminé, mais les loges étaient envahies
nier « flic » de France. Par ^e. tout-.- Mytiléne des premières, sous la haute
direction de la célèbre marquise qui allait, ve-
nait, bout-ci, bout-là, et s’agitait pour que ce gros
numéro fût bien présenté.
Il y avait là » petit Janot» qui montrait sa belle brune, et, avec
eux, un tas de personnes vieillies, fripées, défraîchies, exsan-
gues, arborant l’uniforme du couvent, cheveux courts, col droit
masculin et petit smoking de drap noir sur jupe plate, sans des-
sous. Après une.ouverture en musique assez jolie, ma foi, Colette
parut en Paniska — presque le costumé des Romanichels, avec
ce .jupon très court et déchiqueté qui laisse voir la jambe et la
cuisse nues jusqu’aux hanches. Accompagnée par les instruments
à cordes, elle prit quelques poses hiératiques, au cours desquelles
le jupon se souleva encore un peu plus haut, et le tout Mytiléne
entra en délire.
Après, Colette disparut avec Pan, qui devait, sans doute, s’ap-
peler Zizi, et cela devint fort ennuyeux. Une discussion d'une
longueur terrible s’engagea entre le curé, le bourgmestre, le
capucin, le suisse. Hélas! plus le suisse que de cuisse!
Heureusement, à la fin de la pièce, Colette reparut drapée
dans une petite peau de tigre très courte, avec une longue
queue qui s’enroulait autour de ses jambes potelées; et, alors,
elle nous dansa un petit pas — saperlipopette! — lui seul valait
le voyage. Jamais je n’avais si bien compris le triomphe de la
nature. « Petit Janot » exultait, et un peu de sang était revenu
à ses joues blêmes. Il y eut des applaudissements et aussi quel-
ques coups do sifflets lancés par des jaloux qui voudraient qu'un
succès dépendit d’études au Conservatoire et non d’incitations
charnelles.
Pan se termina en apothéose. La marquise trouva cependant
qu’il n’y avait pas assez de rappels. Elle en eût voulu au moins
soixante-huit.'
Et, le lendemain, un de nos plus spirituels critiques finissait
ainsi son article :
« Colette Willy fera le plus grand honneur à ses professeurs,
et notamment à cette grande dame, éprise d’art et de beauté, qui,
après lui avoir prodigué les conseils (??i, couve d’un œil amou-
reux chacun de ses succès. »
N’insistons pas, car c’est très gentil comme ça.
*
* *
Nous avons eu le procès de la robe; nous avons eu le procès
du tutu, au sujet duquel MM. Isola avaient bien voulu avoir re-
cours à ma compétence; maintenant, voici le procès du maillot
académique.
Ce maillot académique — et ça fera plaisir à nos joyeux aca-
démiciens—se distingue du maillot ordinaire, en ce quil moule
le corps entier, et la personne qui le revêt paraît toute nue. Les
docteurs sont intervenus, donnant raison non seulement à
Mn,° Colette, qui danse sans maillot, mais à Mlle de Valcourt,
due de Val fort (elle aime mieux, sans doute, fort que court) qui
a refusé le maillot académique.
Donc, Mlle de Val court, dite de Valfort ("cette préférence fait
décidément ma joie) avait été engagée par le directeur de l’Al-
eazar et des Ambassadeurs pour jouer moyennant six cents
francs par mois — retenez ce chiffre, messieurs les députés —
dans une revue annuelle en demi-vedette, son nom apparaissant
fort, mais court. Trois rôles délicieux lui furent distribués : La
Seine sortant de son lit, costume qui comportait quelques roseaux
bien placés; la Corset/ère, rôle pour lequel il fallait un corset,
et, enfin, la Muse. Ah ! dame, pour la Muse, il fallait le maillot
absolument académique.
Nu comme le discours d’un académicien
Les Nui/s, d’Alfred de Musset, nous ont documentés à cet
égard. Mlle de Valcourt.— pardon!... de Valfort-— refuse le
maillot, étant engagée comme artiste et non pour la figuration.
Et l’excellent docteur signe bravement la déclaration suivante :
« Le maillot, par ses mailles extrêmement fines, serrées et eom-