— Y vous fait du tort, ce marchand de lacets!
— Peuh! le petit commerce ne peut pas lutter avec une. grande maison établie depuis si longtemps! Dessin de Ricakdo FLorîrs.
NOTES D'UN BLAGUEUR
MUSIQUE DE CHAMBRE
Combien de gens, en ce bas monde,
Sont peu satisfaits de leur sort!
L’un se plaint que la terre est ronde
Ou que le Sud n’est pas au Nord;
L’autre geint d’avoir trop de gosses;
Celui-ci de n’en avoir point;
L’obèse pleure sur ses bosses,
Le maigre rêve d’embonpoint.
Evidemment, les doléances
Ne sont pas sans quelques raisons;
On trouve en mille circonstances
Le bien fondé des oraisons;
Mais je les trouve illégitimes
Quand ceux qui se plaignent n’ont pas
Au préalable été: victimes
Des croque-notes d’ici bas,
De ces sinistres mélomanes
Qui se réunissent l’hiver
(J’en demande pardon aux mânes
De Mendelsonn et de Wagner)
Dans d’intimes cérémonies,
Devant des gens pleins de candeur,
Pour écorcher des symphonies,
Des sonates en zut majeur;
Pour faire vibrer les ficelles
D’Erard, tristement profanés,
Et racler des violoncelles
A coups d'archets coloplianés.
Une fois devant leurs pupitres,
Ces tortionnaires vibrants
Se démènent comme des pitres
En gestes abracadabrants:
Sans pi lié pour la compagnie
Qui .cherche le spmmeil en vain,
ils rendent une symphonie
Ainsi qu’un ivrogne son vin;
Et voudraient bien nous faire croire
Qu’avec le bout de leurs archets
Ils font jaillir du répertoire
Des trésors jusque-la cachés;
Et n’hésitent pas à prétendre
Qu'ils ont diagnostiqué très bien
Ce que l’auteur a voulu rendre,
Quand lui-mème n’en sait trop rien !
Ce qui prouve que la musique
Est un art, faisons-en l’aveu,
Si facilement élastique
Que chacun y met ce qu’il veut.
Que Dieu, mes frères, vous protège
Du fléau de ces quatuors !
Qu’il pleuve, vente, gèle ou neige,
Mieux vaut pour vous l’air du dehors !
Voilà pourquoi je vous affirme
Que l’homme geint injustement
D’ètre malheureux, même infirme,
S’il ignore ce châtiment;
Aussi, c’est de toute justice,
Quand on met les gens en prison,
Que l’on augmente leur supplice
En l’appelant le violon
Que l’on définit à miracle :
<. Petit cercueil rendant un son,
Par des boyaux de chat qu'on racle
Avec des crins de canassun. »
Jacques Redelspei gkr.
t>E UVRES flARLS 6T gy Rirt1»
rw
i.-LiA-.y
Dessin de
— Donnez-moi trois livres de Zola...
— Je ne vends qu’au kilo.
— Peuh! le petit commerce ne peut pas lutter avec une. grande maison établie depuis si longtemps! Dessin de Ricakdo FLorîrs.
NOTES D'UN BLAGUEUR
MUSIQUE DE CHAMBRE
Combien de gens, en ce bas monde,
Sont peu satisfaits de leur sort!
L’un se plaint que la terre est ronde
Ou que le Sud n’est pas au Nord;
L’autre geint d’avoir trop de gosses;
Celui-ci de n’en avoir point;
L’obèse pleure sur ses bosses,
Le maigre rêve d’embonpoint.
Evidemment, les doléances
Ne sont pas sans quelques raisons;
On trouve en mille circonstances
Le bien fondé des oraisons;
Mais je les trouve illégitimes
Quand ceux qui se plaignent n’ont pas
Au préalable été: victimes
Des croque-notes d’ici bas,
De ces sinistres mélomanes
Qui se réunissent l’hiver
(J’en demande pardon aux mânes
De Mendelsonn et de Wagner)
Dans d’intimes cérémonies,
Devant des gens pleins de candeur,
Pour écorcher des symphonies,
Des sonates en zut majeur;
Pour faire vibrer les ficelles
D’Erard, tristement profanés,
Et racler des violoncelles
A coups d'archets coloplianés.
Une fois devant leurs pupitres,
Ces tortionnaires vibrants
Se démènent comme des pitres
En gestes abracadabrants:
Sans pi lié pour la compagnie
Qui .cherche le spmmeil en vain,
ils rendent une symphonie
Ainsi qu’un ivrogne son vin;
Et voudraient bien nous faire croire
Qu’avec le bout de leurs archets
Ils font jaillir du répertoire
Des trésors jusque-la cachés;
Et n’hésitent pas à prétendre
Qu'ils ont diagnostiqué très bien
Ce que l’auteur a voulu rendre,
Quand lui-mème n’en sait trop rien !
Ce qui prouve que la musique
Est un art, faisons-en l’aveu,
Si facilement élastique
Que chacun y met ce qu’il veut.
Que Dieu, mes frères, vous protège
Du fléau de ces quatuors !
Qu’il pleuve, vente, gèle ou neige,
Mieux vaut pour vous l’air du dehors !
Voilà pourquoi je vous affirme
Que l’homme geint injustement
D’ètre malheureux, même infirme,
S’il ignore ce châtiment;
Aussi, c’est de toute justice,
Quand on met les gens en prison,
Que l’on augmente leur supplice
En l’appelant le violon
Que l’on définit à miracle :
<. Petit cercueil rendant un son,
Par des boyaux de chat qu'on racle
Avec des crins de canassun. »
Jacques Redelspei gkr.
t>E UVRES flARLS 6T gy Rirt1»
rw
i.-LiA-.y
Dessin de
— Donnez-moi trois livres de Zola...
— Je ne vends qu’au kilo.