FEMME D’ESCRIMEUR
était déjà une manière de fontaine des innocents, pour profiter
avec, en une fête d’amour.
Mais n’allons pas plus loin. Ça pourrait nous attirer des inci-
dents diplomatiques avec Cléo.
*
* *
On a blagué, ces temps derniers, la tenue de nos dip’omates,
et le pantalon de satin bleu avec bande en or fin, à 85 francs, a
mis le public en joie. Disons tout de suite que ce satin est, en
réalité, du drap-satin, et que les ambassadeurs n’ont pas les
jambes adornées d’étoffes soyeuses comme le rajah de Ivarpoun-
taia. Le chapitre des chapeaux a aussi causé quelque hilarité.
Songez qu’il y a, pour les grands manitous, des chapeaux à
plumes d’autruche qui ont la valeur d’un chapeau de femme
élégante, 145 francs; qu’il y a des bicornes à plumes de vautour
à 78 francs et des chapeaux à plumes noires à 60 francs. Evi-
demment, tout cela est très drôle, aussi drôle que l’épée de nos
académiciens à 60 francs; cependant, je ne sais pas si le pres-
tige de notre diplomatie, déjà fort diminué, gagnerait à la tenue
égalitaire, avec melon et petit complet quadrillé.
A tort ou à raison, l’homme est un grand enfant qui attache
une certaine considération aux oripeaux et hochets de la vanité.
Faut-il lui enlever ces joujoux qui l’amusent aux jours de gala?
Evidemment, pour se .battre, il suffit d’une blouse et d'un fusil...
mais on n’a plus un soldat, et, certes, la grande robe noire des
professeurs d’autrefois qui recouvrait noblement la redingote
élimée et graisseuse, n’était pas étrangère à la vénération que
nous portions à nos vieux maîtres.
Rochefort a dit, un jour, en parlant des magistrats :
— Ces gens qui ont une peau de lapin sur l’épaule, une tourte
sur la tête, et qui se figurent rendre la justice.
Je crois cependant que la tourte et la peau de lapin sont indis-
pensables à la magistrature. Ce n’est pas une question d’élé-
gance — oh ! non — c’est une question de dignité et de prestige.
Mais, en somme, qu'est-ce que l’élégance? Un élégant, a dit
Brumel, est le monsieur qui peut aller du café Anglais a la
Madeleine sans être remarqué, ni en bien ni en mal. Ce n’était
pas tout à fait le système de M. Le Bargy dans les pièces où il
apparaissait grand vainqueur, tout en se grattant, de sa canne,
la nuque, avec une désinvolture pleine d’impertinence. Mais
enfin, sur la foi de la légende, nous le croyions élégant.
Or, voici, que le directeur du Tailor and Cutter, journal offi-
ciel des tailleurs anglais, est allé voir, au RoyaUy, une repré
— Je suis furieuse contre mon mari : croyez-vous qu’il ne veut plus
tirer... même en public?...
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
Mon Dieu, allons-nous assez nous amuser!
Rien que d’y penser, j’ai mal aux cheveux. Déjà!
Voici que la reine des Carmes est élue. Reine des Carmes!
Un beau titre qui éveille des idées folâtres. M1Ie Reine Mathieu
(qu’est-co qu’il fait, ce Mathieu?) est proclamée reine, sous la
présidence d’un M. Leroi. On voit que nous sommes en pleine
réaction clérico-monarchique, et, à la place du gouvernement,
j’ouvrirais l’œil, et le bon.
Cette reine des Carmes n'a rien de dur dans la physionomie;
elle est blonde comme Catulle Mendés — même un peu plus —
et elle a dix-neuf ans comme... ma foi, je ne sais pas. C’est si
rare les gens qui ont réellement dix-neuf ans. Elle est employée
à la volaille (la volaille est à l’intérieur) et elle a comme demoi-
selles d'honneur Ml!es Leclair et Lucie Tissot, du marché aux
poissons, qui ont chanté une cantate —- en sole.
Mais, tandis que M. Leroi prépare la lete de la Mi-Carême, ët
M. Luquet celle du repos, M. Emile Derré, le sculpteur bien
-çonnu — tous les sculpteurs sont bien connus — prépare la fête
de l’amour, fête à laquelle il invitera, j’espère, la reine des
Carmes.
Ah! cette fête de l’amour! Il y aura Charpentier avec Mimi-
Pinson, assistés d’un couturier et d’un parfumeur fraîchement
décorés. Ça sentira la peinture. M. Derré a bien voulu donner,
dans les journaux, quelques détails sur cette belle solennité de
l’amour:
« Ça ne sera pas la fête des marchands do vin. J’ai bâti dans
le square Saint-Pierre une petite fontaine, dite des Innocents,
où des enfants rigolent. Pourquoi rigolent-ils? Parce que la
mère de l’un d’eux n’a rien trouvé de mieux que de faire faire
pi (bis) à son petit bébé, dans l’abreuvoir municipal. »
Ah! certes, rien qu’en lisant ces lignes, on,.comprend tout de
suite que ce n'est pas la fête des marchands de vin; mais écou-
tons la fin :
ic A l’issue de la cérémonie, les organisateurs iront lamper
cette eau claire (?) dans une feuille de nénuphar. »
Comme programme d’une fêle do l’amour, même au nénuphar,
ça m’a l’air un peu maigre, d’autant plus que, pour une, fois,
nous avions déjà, à Bruxelles, le Marmekenn-Pis, sais-tu, qui
I.ES DESENCHANTEES
— Eh ! bien?... ce rendez-vous avec le « cher maître ? ».
— Oh! ma chère... encore un qui devrait suivre le conseil du sa^e :
« Montrez vos œuvres et cachez votre vie... »
était déjà une manière de fontaine des innocents, pour profiter
avec, en une fête d’amour.
Mais n’allons pas plus loin. Ça pourrait nous attirer des inci-
dents diplomatiques avec Cléo.
*
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On a blagué, ces temps derniers, la tenue de nos dip’omates,
et le pantalon de satin bleu avec bande en or fin, à 85 francs, a
mis le public en joie. Disons tout de suite que ce satin est, en
réalité, du drap-satin, et que les ambassadeurs n’ont pas les
jambes adornées d’étoffes soyeuses comme le rajah de Ivarpoun-
taia. Le chapitre des chapeaux a aussi causé quelque hilarité.
Songez qu’il y a, pour les grands manitous, des chapeaux à
plumes d’autruche qui ont la valeur d’un chapeau de femme
élégante, 145 francs; qu’il y a des bicornes à plumes de vautour
à 78 francs et des chapeaux à plumes noires à 60 francs. Evi-
demment, tout cela est très drôle, aussi drôle que l’épée de nos
académiciens à 60 francs; cependant, je ne sais pas si le pres-
tige de notre diplomatie, déjà fort diminué, gagnerait à la tenue
égalitaire, avec melon et petit complet quadrillé.
A tort ou à raison, l’homme est un grand enfant qui attache
une certaine considération aux oripeaux et hochets de la vanité.
Faut-il lui enlever ces joujoux qui l’amusent aux jours de gala?
Evidemment, pour se .battre, il suffit d’une blouse et d'un fusil...
mais on n’a plus un soldat, et, certes, la grande robe noire des
professeurs d’autrefois qui recouvrait noblement la redingote
élimée et graisseuse, n’était pas étrangère à la vénération que
nous portions à nos vieux maîtres.
Rochefort a dit, un jour, en parlant des magistrats :
— Ces gens qui ont une peau de lapin sur l’épaule, une tourte
sur la tête, et qui se figurent rendre la justice.
Je crois cependant que la tourte et la peau de lapin sont indis-
pensables à la magistrature. Ce n’est pas une question d’élé-
gance — oh ! non — c’est une question de dignité et de prestige.
Mais, en somme, qu'est-ce que l’élégance? Un élégant, a dit
Brumel, est le monsieur qui peut aller du café Anglais a la
Madeleine sans être remarqué, ni en bien ni en mal. Ce n’était
pas tout à fait le système de M. Le Bargy dans les pièces où il
apparaissait grand vainqueur, tout en se grattant, de sa canne,
la nuque, avec une désinvolture pleine d’impertinence. Mais
enfin, sur la foi de la légende, nous le croyions élégant.
Or, voici, que le directeur du Tailor and Cutter, journal offi-
ciel des tailleurs anglais, est allé voir, au RoyaUy, une repré
— Je suis furieuse contre mon mari : croyez-vous qu’il ne veut plus
tirer... même en public?...
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
Mon Dieu, allons-nous assez nous amuser!
Rien que d’y penser, j’ai mal aux cheveux. Déjà!
Voici que la reine des Carmes est élue. Reine des Carmes!
Un beau titre qui éveille des idées folâtres. M1Ie Reine Mathieu
(qu’est-co qu’il fait, ce Mathieu?) est proclamée reine, sous la
présidence d’un M. Leroi. On voit que nous sommes en pleine
réaction clérico-monarchique, et, à la place du gouvernement,
j’ouvrirais l’œil, et le bon.
Cette reine des Carmes n'a rien de dur dans la physionomie;
elle est blonde comme Catulle Mendés — même un peu plus —
et elle a dix-neuf ans comme... ma foi, je ne sais pas. C’est si
rare les gens qui ont réellement dix-neuf ans. Elle est employée
à la volaille (la volaille est à l’intérieur) et elle a comme demoi-
selles d'honneur Ml!es Leclair et Lucie Tissot, du marché aux
poissons, qui ont chanté une cantate —- en sole.
Mais, tandis que M. Leroi prépare la lete de la Mi-Carême, ët
M. Luquet celle du repos, M. Emile Derré, le sculpteur bien
-çonnu — tous les sculpteurs sont bien connus — prépare la fête
de l’amour, fête à laquelle il invitera, j’espère, la reine des
Carmes.
Ah! cette fête de l’amour! Il y aura Charpentier avec Mimi-
Pinson, assistés d’un couturier et d’un parfumeur fraîchement
décorés. Ça sentira la peinture. M. Derré a bien voulu donner,
dans les journaux, quelques détails sur cette belle solennité de
l’amour:
« Ça ne sera pas la fête des marchands do vin. J’ai bâti dans
le square Saint-Pierre une petite fontaine, dite des Innocents,
où des enfants rigolent. Pourquoi rigolent-ils? Parce que la
mère de l’un d’eux n’a rien trouvé de mieux que de faire faire
pi (bis) à son petit bébé, dans l’abreuvoir municipal. »
Ah! certes, rien qu’en lisant ces lignes, on,.comprend tout de
suite que ce n'est pas la fête des marchands de vin; mais écou-
tons la fin :
ic A l’issue de la cérémonie, les organisateurs iront lamper
cette eau claire (?) dans une feuille de nénuphar. »
Comme programme d’une fêle do l’amour, même au nénuphar,
ça m’a l’air un peu maigre, d’autant plus que, pour une, fois,
nous avions déjà, à Bruxelles, le Marmekenn-Pis, sais-tu, qui
I.ES DESENCHANTEES
— Eh ! bien?... ce rendez-vous avec le « cher maître ? ».
— Oh! ma chère... encore un qui devrait suivre le conseil du sa^e :
« Montrez vos œuvres et cachez votre vie... »