UN PRÉVOYANT DE L’AVENIR
C’est un fait patent et même épatant. Ces
gens qui font profession d’amuseur —
acteurs ou auteurs gais-—sont, sauf excep-
tions rarissimes, des êtres effroyablement
tristes.
Pour quelle cause? Je l’ignore... et si
vous la connaissez, je vous saurai gré de
me la dire.
Il y a évidemment une raison, mais la-
quelle?
L’homme gai (en public) ne vous amuse
t-il que parce que ses plaisanteries sont ba-
sées sur l’observation attentive des choses
de la vie et que cette observation n’est pas
folâtre? Toujours est-il que hors de la ga-
lerie, loin de ses auditeurs, l’homme gai est
généralement funèbre.
J’ai beaucoup connu de rigolos sinis-
tres.
Un matin de l’été dernier, nous fûmes
ahuris, en ouvrant notre journal, d’y lire
que Flamoclie, le vaudevilliste à succès,
était mort subitement... d’autant plus subi-
tement que son concierge avait trouvé à ses
pieds le revolver probant.
Pauvre Flamoche!
A vous dire la vérité — et pourquoi vous
la célerais-je? — ma surprise ne fut pas
extrême, en apprenant la lin brutale de ce
brave auteur comique.
Je ne vais pas — non, je n’y vais pas ! —
jusqu’à prétendre, comme on dit toujours
apres coup (de pistolet), que je m’y atten-
dais !
Certes! J’étais loin de prévoir que Fla-
moche en viendrait à cette éclatante extré-
mité, mais enfin, je le répète, de sa part,
cette détonation ne m’a pas autrement sur-
pris!
Mon Dieu! que cet inventeur de drôleries
AH1'
HH"
fj'
H - ^
H * ^
H " i H
Oh ! mes p’tits, c’est un principe ; je ne fais de diminution que
quand on est au moins dix ! Dessin de Set.
la loi de l’honneur ou le mari vengé
— Rassurez-vous, cher monsieur, je vous laisserai de quoi prendre
1 omnibus... Dessin de Relink.
cocasses était donc lugubre et comme notre Maurice Donnay a
dû pensera lui, en écrivant :
Il était laid et maigrelet,
Ayant sucé le maigre lait
D’une nourrice pessimiste, C
Et c’était un nourrisson triste.
Au lycée, il suivit des cours
Et fut aussi fort en discours
Latins que subtil helléniste;
Mais c’était un élève triste.
Pour mieux passer ses examens
Il se refusait aux hymens
Que conseille l’hygiéniste;
C’était un étudiant triste.
Il fut reçu docteur en droit
N’ayant jamais à ce qu’on croit V
Connu la fleur ni la fleuriste;
Et je ne sais rien de plus triste.
Eternellement vêtu de noir, chapeauté d’un tube de soie igno-
rant le coup de fer, le nez chevauché par un énorme binocle â
monture sombre, un parapluie immuablement collé sous le bras
et qu’on ne vit jamais hors de sa gaine... car, pour Flamoche,
où il y avait de la gaine, n’y avait pas de plaisir... le pantalon
farouchement retroussé, meme au mois d’août, par un soleil ar-
dent! notre homme allait tout droit devant lui sans rien voir. Et
toujours seul!... Je ne vais pas jusqu’à prétendre qu’il méritait
cet autre quatrain du délicieux poète montmartrois :
Faisant de l’amour un solo,
Il s’amusait comme Chariot ;
C’était un de nos bons solistes,
Mais toujours triste, oh! combien triste!
Toujours est-il que oneques on ne le vit escorté d’une femme.
Fallait-il tout de même qu’il en eût une santé, ce bougre-là!
Avoir pu résister aussi longtemps! lui, un auteur à succès!!
On sait que l’auteur à succès est obligé de se défendre... elles
sont trop I
C’est un fait patent et même épatant. Ces
gens qui font profession d’amuseur —
acteurs ou auteurs gais-—sont, sauf excep-
tions rarissimes, des êtres effroyablement
tristes.
Pour quelle cause? Je l’ignore... et si
vous la connaissez, je vous saurai gré de
me la dire.
Il y a évidemment une raison, mais la-
quelle?
L’homme gai (en public) ne vous amuse
t-il que parce que ses plaisanteries sont ba-
sées sur l’observation attentive des choses
de la vie et que cette observation n’est pas
folâtre? Toujours est-il que hors de la ga-
lerie, loin de ses auditeurs, l’homme gai est
généralement funèbre.
J’ai beaucoup connu de rigolos sinis-
tres.
Un matin de l’été dernier, nous fûmes
ahuris, en ouvrant notre journal, d’y lire
que Flamoclie, le vaudevilliste à succès,
était mort subitement... d’autant plus subi-
tement que son concierge avait trouvé à ses
pieds le revolver probant.
Pauvre Flamoche!
A vous dire la vérité — et pourquoi vous
la célerais-je? — ma surprise ne fut pas
extrême, en apprenant la lin brutale de ce
brave auteur comique.
Je ne vais pas — non, je n’y vais pas ! —
jusqu’à prétendre, comme on dit toujours
apres coup (de pistolet), que je m’y atten-
dais !
Certes! J’étais loin de prévoir que Fla-
moche en viendrait à cette éclatante extré-
mité, mais enfin, je le répète, de sa part,
cette détonation ne m’a pas autrement sur-
pris!
Mon Dieu! que cet inventeur de drôleries
AH1'
HH"
fj'
H - ^
H * ^
H " i H
Oh ! mes p’tits, c’est un principe ; je ne fais de diminution que
quand on est au moins dix ! Dessin de Set.
la loi de l’honneur ou le mari vengé
— Rassurez-vous, cher monsieur, je vous laisserai de quoi prendre
1 omnibus... Dessin de Relink.
cocasses était donc lugubre et comme notre Maurice Donnay a
dû pensera lui, en écrivant :
Il était laid et maigrelet,
Ayant sucé le maigre lait
D’une nourrice pessimiste, C
Et c’était un nourrisson triste.
Au lycée, il suivit des cours
Et fut aussi fort en discours
Latins que subtil helléniste;
Mais c’était un élève triste.
Pour mieux passer ses examens
Il se refusait aux hymens
Que conseille l’hygiéniste;
C’était un étudiant triste.
Il fut reçu docteur en droit
N’ayant jamais à ce qu’on croit V
Connu la fleur ni la fleuriste;
Et je ne sais rien de plus triste.
Eternellement vêtu de noir, chapeauté d’un tube de soie igno-
rant le coup de fer, le nez chevauché par un énorme binocle â
monture sombre, un parapluie immuablement collé sous le bras
et qu’on ne vit jamais hors de sa gaine... car, pour Flamoche,
où il y avait de la gaine, n’y avait pas de plaisir... le pantalon
farouchement retroussé, meme au mois d’août, par un soleil ar-
dent! notre homme allait tout droit devant lui sans rien voir. Et
toujours seul!... Je ne vais pas jusqu’à prétendre qu’il méritait
cet autre quatrain du délicieux poète montmartrois :
Faisant de l’amour un solo,
Il s’amusait comme Chariot ;
C’était un de nos bons solistes,
Mais toujours triste, oh! combien triste!
Toujours est-il que oneques on ne le vit escorté d’une femme.
Fallait-il tout de même qu’il en eût une santé, ce bougre-là!
Avoir pu résister aussi longtemps! lui, un auteur à succès!!
On sait que l’auteur à succès est obligé de se défendre... elles
sont trop I