DELIVRANCE
— Mais oui, me voilà père depuis hier, et vraiment ça n’est pas la faute de l’accoucheur : figurez-vous que, pendant que ma femme criait, ce
sacré docteur n’arrêtait pas de lui dire : « Ne faites donc pas l’enfant ! »
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
Je me suis souvenu, ces jours derniers, du mot de ce petit
soldat qui avait assisté, lors du 14 juillet, à la matinée gratuite
de la Comédie-Française, où l’on jouait Britannicus.
— Eh bien, lui demandèrent ses camarades, t’es-tu amusé au
Théâtre Français?
— Evidemment, répondit Pitou, ce sont des farceurs... mais
on s’ennuie ferme.
Le petit soldat synthétisait, à son insu,l’opinion de la majorité
des Français sur la tragédie. Il est entendu que c’est très beau,
et, comme le dit le général du Monde où l'on s'ennuie, « il faut
de la tragédie pour le peuple (?) ». Seulement le grand art a,
comme signe distinctif, d’être noble et ennuyeux. Quand on
jouait Electre, M. et Mme Sylvain y étaient extraordinaires, mais
on réalisait trente-sept francs soixante-quinze de recette, et
c’est pour cela qu’est faite la subvention. Si l’on ne jouait que
des comédies de Fiers et Caillavet, il n’y aurait pas besoin de
subvention. Alors les sociétaires, qui sont en réalité des action-
naires, et qui, comme tels, aiment à toucher de bons dividendes,
préfèrent le genre qui leur fait gagner sept mille francs par
soirée à celui qui leur fait gagner trente-sept francs soixante-
quinze! Toute la question est là.
M. Sylvain peut s’en aller, Mme Sylvain peut s’en aller;
tous les tragédiens peuvent emporter leurs casques, leurs glaives,
leurs cothurnes, leurs cris et leurs ronrons tragiques. La Maison
marchera tout de même, je dis Maison avec une grande M,
comme les Romains disaient Urbs, et Lauzun Mademoiselle.
Hélas ! c’est ce diable d’argent qui est toujours cause de tout.
Mme de Thèbes ne nous a-t-elle pas annoncé que l’année 1908
serait sous l’influence de Mercure : « L’argent, cette année,
sera le seul maître; les conflits d’intérêt auront un caractère
passionnel accentué et les conflits passionnels auront un carac-
tère d’intérêt acharné. » Bref, sous cette influence de Mercure,
c’ast l’argent qui détiendra le... Ricord. Les autres prédictions
ne compromettent guère cette bonne madame de Thèbes : « On
portera de petits chapeaux au théâtre, et des étoffes à fleurs
cet été ; nous professerons avec éclat des goûts champêtres et les
coeurs auront des faiblesses intéressées. » Tout cela n’est pas
très nouveau, mais la prudente devineresse préfère, sans doute,
ne pas se faire la réputation joviale du Vieux Major.
Que sera-t-elle, en somme, cette année mercurielle? Nous
venons de doubler ce cap des tempêtes qu’on appelle le jour de
l’an; on a tiré sur nos poches à boulets rouges, sous prétexte de
trêve des confiseurs, et maintenant, pendant que les femmes
croquent leurs bonbons et que les enfants cassent leurs jouets,
il ne nous reste plus qu’à compter nos pertes et à payer nos
notes.
Les étrennes ont été variées; les uns ont reçu la croix d’hon-
neur, d’autres un demi-douzième, d’autres enfin ont reçu, d’un
grand journal, un album de danses dont certains titres m’ont
rendu rêveur. J’admets, si vous voulez, le vieux menuet, la salta-
relle, le passe-pied, et même le rigodon de cour, bien que
l’époque me semble étrangement choisie pour se livrer à ces
ébats folâtres, même sur un volcan; mais, que dire de la danse
polynésienne, et surtout de la valse à ne pas danser (1)^1 Une
valse à ne pas danser, qu’est-ce que ça peut être? On la mimera,
on la causera, ou bien, se contentera-t-on de l’écouter pieuse-
ment comme un cantique, tout en jouant au bridge?
Je vois également : France et Russie, mazurka. Où diable le
patriotisme va-t-il se nicher? Cela me rappelle cette jeune fille
russe qui avait composé une polka brillante intitulée : le Siège
de Port-Arthur, et qui l’avait dédiée au czar. Notre » petit
père » fut évidemment surpris d’un semblable hommage.
J’aurais plutôt compris la « Basculette » que dansent, chaque
soir, dans Ja Revue Veux-tu basculer? Mmes Lydia et Amelys,
Veux-tu basculer, c’est une jolie proposition à faire à un roi,
et « Leyopol », habitué au tutoiement belge, la trouverait, sans
doute, fort naturelle, et se déclarerait compétent.
*
* *
Le juge de paix de Tulle, vient de se déclarer incompétent
en corset non ratione personœ, mais ratione materiœ. Chose
étrange : l’incident s’esr. précisément passé dans ce département
de la Corrèze qui est signale à l’attention de tous les potaches
par ce vers mnémotechnique :
Ce fin corset de tulle et qui rend le corps aise.
Donc, une dame de la ville de Tulle avait refusé de prendre
livraison d’un corset qu’elle avait commandé. Je ne sais s’il sou-
tenait en comprimant ou s’il comprimait sans soutenir, mais la
cliente ne voulait pas payer. De son côté, le marchand l’assi-
gnait devant le juge de paix, jurant ses grands dieux que le
corset moulait adorablement des formes adorables.
Le cas était délicat. Le juge de paix s’en est tiré, en rendant
un jugement que je n’hésite pas à qualifier de gigantesque, et
que je tiens à livrer à l’admiration de nos lectrices.
— Mais oui, me voilà père depuis hier, et vraiment ça n’est pas la faute de l’accoucheur : figurez-vous que, pendant que ma femme criait, ce
sacré docteur n’arrêtait pas de lui dire : « Ne faites donc pas l’enfant ! »
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
Je me suis souvenu, ces jours derniers, du mot de ce petit
soldat qui avait assisté, lors du 14 juillet, à la matinée gratuite
de la Comédie-Française, où l’on jouait Britannicus.
— Eh bien, lui demandèrent ses camarades, t’es-tu amusé au
Théâtre Français?
— Evidemment, répondit Pitou, ce sont des farceurs... mais
on s’ennuie ferme.
Le petit soldat synthétisait, à son insu,l’opinion de la majorité
des Français sur la tragédie. Il est entendu que c’est très beau,
et, comme le dit le général du Monde où l'on s'ennuie, « il faut
de la tragédie pour le peuple (?) ». Seulement le grand art a,
comme signe distinctif, d’être noble et ennuyeux. Quand on
jouait Electre, M. et Mme Sylvain y étaient extraordinaires, mais
on réalisait trente-sept francs soixante-quinze de recette, et
c’est pour cela qu’est faite la subvention. Si l’on ne jouait que
des comédies de Fiers et Caillavet, il n’y aurait pas besoin de
subvention. Alors les sociétaires, qui sont en réalité des action-
naires, et qui, comme tels, aiment à toucher de bons dividendes,
préfèrent le genre qui leur fait gagner sept mille francs par
soirée à celui qui leur fait gagner trente-sept francs soixante-
quinze! Toute la question est là.
M. Sylvain peut s’en aller, Mme Sylvain peut s’en aller;
tous les tragédiens peuvent emporter leurs casques, leurs glaives,
leurs cothurnes, leurs cris et leurs ronrons tragiques. La Maison
marchera tout de même, je dis Maison avec une grande M,
comme les Romains disaient Urbs, et Lauzun Mademoiselle.
Hélas ! c’est ce diable d’argent qui est toujours cause de tout.
Mme de Thèbes ne nous a-t-elle pas annoncé que l’année 1908
serait sous l’influence de Mercure : « L’argent, cette année,
sera le seul maître; les conflits d’intérêt auront un caractère
passionnel accentué et les conflits passionnels auront un carac-
tère d’intérêt acharné. » Bref, sous cette influence de Mercure,
c’ast l’argent qui détiendra le... Ricord. Les autres prédictions
ne compromettent guère cette bonne madame de Thèbes : « On
portera de petits chapeaux au théâtre, et des étoffes à fleurs
cet été ; nous professerons avec éclat des goûts champêtres et les
coeurs auront des faiblesses intéressées. » Tout cela n’est pas
très nouveau, mais la prudente devineresse préfère, sans doute,
ne pas se faire la réputation joviale du Vieux Major.
Que sera-t-elle, en somme, cette année mercurielle? Nous
venons de doubler ce cap des tempêtes qu’on appelle le jour de
l’an; on a tiré sur nos poches à boulets rouges, sous prétexte de
trêve des confiseurs, et maintenant, pendant que les femmes
croquent leurs bonbons et que les enfants cassent leurs jouets,
il ne nous reste plus qu’à compter nos pertes et à payer nos
notes.
Les étrennes ont été variées; les uns ont reçu la croix d’hon-
neur, d’autres un demi-douzième, d’autres enfin ont reçu, d’un
grand journal, un album de danses dont certains titres m’ont
rendu rêveur. J’admets, si vous voulez, le vieux menuet, la salta-
relle, le passe-pied, et même le rigodon de cour, bien que
l’époque me semble étrangement choisie pour se livrer à ces
ébats folâtres, même sur un volcan; mais, que dire de la danse
polynésienne, et surtout de la valse à ne pas danser (1)^1 Une
valse à ne pas danser, qu’est-ce que ça peut être? On la mimera,
on la causera, ou bien, se contentera-t-on de l’écouter pieuse-
ment comme un cantique, tout en jouant au bridge?
Je vois également : France et Russie, mazurka. Où diable le
patriotisme va-t-il se nicher? Cela me rappelle cette jeune fille
russe qui avait composé une polka brillante intitulée : le Siège
de Port-Arthur, et qui l’avait dédiée au czar. Notre » petit
père » fut évidemment surpris d’un semblable hommage.
J’aurais plutôt compris la « Basculette » que dansent, chaque
soir, dans Ja Revue Veux-tu basculer? Mmes Lydia et Amelys,
Veux-tu basculer, c’est une jolie proposition à faire à un roi,
et « Leyopol », habitué au tutoiement belge, la trouverait, sans
doute, fort naturelle, et se déclarerait compétent.
*
* *
Le juge de paix de Tulle, vient de se déclarer incompétent
en corset non ratione personœ, mais ratione materiœ. Chose
étrange : l’incident s’esr. précisément passé dans ce département
de la Corrèze qui est signale à l’attention de tous les potaches
par ce vers mnémotechnique :
Ce fin corset de tulle et qui rend le corps aise.
Donc, une dame de la ville de Tulle avait refusé de prendre
livraison d’un corset qu’elle avait commandé. Je ne sais s’il sou-
tenait en comprimant ou s’il comprimait sans soutenir, mais la
cliente ne voulait pas payer. De son côté, le marchand l’assi-
gnait devant le juge de paix, jurant ses grands dieux que le
corset moulait adorablement des formes adorables.
Le cas était délicat. Le juge de paix s’en est tiré, en rendant
un jugement que je n’hésite pas à qualifier de gigantesque, et
que je tiens à livrer à l’admiration de nos lectrices.