LK CONTRIBUABLE.
LA STATUE UE MADAME MARIANNE
Je la voulais bien sans culotte, ruais je l’aurais préférée moins « imposante
LES POTINS DE PARIS
par SNOB
Dernièrement, un haut fonctionnaire prenait sa retraite après
trente ans de bons et loyaux services, et, comme on était venu
l’interviewer pour avoir ses « dernières impressions », il s’ex-
clama :
— Oui, je quitte la Maison après un long bail... Je m’en vais,
alors que je me sens encore plein de vigueur, et non sans une
certaine mélancolie. On ne quitte pas ainsi, sans regrets, la
Maison où l'on a fait toute sa carrière, où on a eu beaucoup
d’ennuis, mais aussi un peu de bon temps. Je pars sans avoir eu
la joie de voir la Maison devenir ce qu’elle devrait vraiment être.
J’avais rêvé un tas d’améliorations, d’agrandissements, d’embellis-
sements. Enfin, mes successeurs seront peut-être plus heureux
que moi !
De quelleMaison — avecunegrande M,— est-il question? J’ai cru
d’abord qu’il s’agissait de la Maison de Molière, et que M. Claretie,
au grand chagrin de ses nombreux amis, se décidait à prendre
sa retraite, pour se consacrer à la littérature. Informations prises,
il s’agit de M. Gaud, l’humble greffier de la Morgue!!
La mélancolie de ses regrets a surpris. On n’aurait jamais cru
qu’il fût aussi attachant de vivre au milieu des crimes, des dou-
leurs, des confrontations terrifiantes et des macchabées. Il n’a
cependant pas complètement réalisé son rêve. Qui le réalise
ici-bas? Il eût voulu des améliorations, des embellissements, les
robinets transformés en grandes eaux de Versailles, quelque
chose dans le genre du bassin de Latone, des fontaines lumi-
neuses, peut-être, avec reflets verts? La grande salle d’exposition
rappelant le jardin de l’Alcazar « délices des rois... morts ». Il
trouvait, comme Falsacappa dans les Brigands, qu’on ne tenait
pas assez compte de la morgue espagnole.
Son prédécesseur, M. Pierre, était parti sur un rythme moins
solennel, et ses adieux n’avaient pas pris l’ampleur grandiose
des adieux de Fontainebleau. Cependant ils étaient en vers, sur
un motif folâtre du Caveau, emprunté à Béranger. Il s’agit en-
core de la Maison :
Je ue me plains jamais d'un locataire,
Et cependant j’en ai de tous pays.
C’est un séjour on ne peut plus tranquille (!) ;
Mais, quels que soient le temps et la saison,
Si vous avez besoin d’un domicile,
Ah! ne venez jamais dans ma maison (bis).
Ça, c’est le trait final. N’est-ce pas délicat, et n’y a-t-il pas de quoi
*■ rire et s’amuser en société » ? Et vous figuriez-vous que la
Morgue pouvait donner l’essor à des petits vers badins et a
d’aussi fines plaisanteries? On a quelquefois sur les choses et sur
les gens des idées bien inexactes.
Ainsi, voyez ce terrible brigand Raisouli, la terreur de Tan-
ger, celui que le consul allemand, toujours farceur, appelait
« 1 autre Tanger » en abusant de son accent tudesque. Plus
terrible que Hadgi-Stavros, le fameux Roi des montagnes
chanté par Edmond About, il capturait le correspondant du
Times, M. Harris; il se faisait donner le gouvernement des tribus
du halis — pile ou Fahs, était sa menace — contre la libération
de M. Perdicaris, riche Américain tombé entre ses mains.
Enfin, son dernier exploit, la capture du caïd Mac-Lean, avait
valu 500.000 francs à Raisouli, — la terreur des Mac!
Eli bien, le brigand se transforme en cabot comme un simple
Toselli. Il fera désormais concurrence à Mayol et à Dranem.
Un grand music-hall vient de l’engager, et il figurera dans une
pièce écrite à son intention et qui s’appellera : Jeux de poudre.
On fera parler la poudre, la poudre de riz succédera à la
poudre à canon, mais ce sera toujours de la poudre aux yeux,
et — revanche de la justice immanente — la terreur de Tanger,
devenue une simple terreur de Sebasto, sera, à son tour, mis à
l’amende... seulement ce sera par le régisseur. J’espère que
Mac-Lean, et tous les autres Macs du quartier ne manqueront pas
d’assister comme revanche à cette première sensationnelle. Et
si plus tard, en bon musulman, Raisouli ne veut pas accepter
la croix, pour ne pas ressembler à Mrae Dieulafoy ou ne pas
étonner son petit garçon (je parle de celui du brigand, bien
entendu), on peut toujours lui conférer les palmes d’académie.
MA MAISON.
Je suis gérant et non propriétaire
D’un grand hôtel fort connu dans Paris.
On nous a expliqué pourquoi les Persans préfèrent l’ordre de
la Légion d’honneur à toutes les autres décorations. Il existe,
parait-il, une vieille convention entre la Perse et la France, qui
LA STATUE UE MADAME MARIANNE
Je la voulais bien sans culotte, ruais je l’aurais préférée moins « imposante
LES POTINS DE PARIS
par SNOB
Dernièrement, un haut fonctionnaire prenait sa retraite après
trente ans de bons et loyaux services, et, comme on était venu
l’interviewer pour avoir ses « dernières impressions », il s’ex-
clama :
— Oui, je quitte la Maison après un long bail... Je m’en vais,
alors que je me sens encore plein de vigueur, et non sans une
certaine mélancolie. On ne quitte pas ainsi, sans regrets, la
Maison où l'on a fait toute sa carrière, où on a eu beaucoup
d’ennuis, mais aussi un peu de bon temps. Je pars sans avoir eu
la joie de voir la Maison devenir ce qu’elle devrait vraiment être.
J’avais rêvé un tas d’améliorations, d’agrandissements, d’embellis-
sements. Enfin, mes successeurs seront peut-être plus heureux
que moi !
De quelleMaison — avecunegrande M,— est-il question? J’ai cru
d’abord qu’il s’agissait de la Maison de Molière, et que M. Claretie,
au grand chagrin de ses nombreux amis, se décidait à prendre
sa retraite, pour se consacrer à la littérature. Informations prises,
il s’agit de M. Gaud, l’humble greffier de la Morgue!!
La mélancolie de ses regrets a surpris. On n’aurait jamais cru
qu’il fût aussi attachant de vivre au milieu des crimes, des dou-
leurs, des confrontations terrifiantes et des macchabées. Il n’a
cependant pas complètement réalisé son rêve. Qui le réalise
ici-bas? Il eût voulu des améliorations, des embellissements, les
robinets transformés en grandes eaux de Versailles, quelque
chose dans le genre du bassin de Latone, des fontaines lumi-
neuses, peut-être, avec reflets verts? La grande salle d’exposition
rappelant le jardin de l’Alcazar « délices des rois... morts ». Il
trouvait, comme Falsacappa dans les Brigands, qu’on ne tenait
pas assez compte de la morgue espagnole.
Son prédécesseur, M. Pierre, était parti sur un rythme moins
solennel, et ses adieux n’avaient pas pris l’ampleur grandiose
des adieux de Fontainebleau. Cependant ils étaient en vers, sur
un motif folâtre du Caveau, emprunté à Béranger. Il s’agit en-
core de la Maison :
Je ue me plains jamais d'un locataire,
Et cependant j’en ai de tous pays.
C’est un séjour on ne peut plus tranquille (!) ;
Mais, quels que soient le temps et la saison,
Si vous avez besoin d’un domicile,
Ah! ne venez jamais dans ma maison (bis).
Ça, c’est le trait final. N’est-ce pas délicat, et n’y a-t-il pas de quoi
*■ rire et s’amuser en société » ? Et vous figuriez-vous que la
Morgue pouvait donner l’essor à des petits vers badins et a
d’aussi fines plaisanteries? On a quelquefois sur les choses et sur
les gens des idées bien inexactes.
Ainsi, voyez ce terrible brigand Raisouli, la terreur de Tan-
ger, celui que le consul allemand, toujours farceur, appelait
« 1 autre Tanger » en abusant de son accent tudesque. Plus
terrible que Hadgi-Stavros, le fameux Roi des montagnes
chanté par Edmond About, il capturait le correspondant du
Times, M. Harris; il se faisait donner le gouvernement des tribus
du halis — pile ou Fahs, était sa menace — contre la libération
de M. Perdicaris, riche Américain tombé entre ses mains.
Enfin, son dernier exploit, la capture du caïd Mac-Lean, avait
valu 500.000 francs à Raisouli, — la terreur des Mac!
Eli bien, le brigand se transforme en cabot comme un simple
Toselli. Il fera désormais concurrence à Mayol et à Dranem.
Un grand music-hall vient de l’engager, et il figurera dans une
pièce écrite à son intention et qui s’appellera : Jeux de poudre.
On fera parler la poudre, la poudre de riz succédera à la
poudre à canon, mais ce sera toujours de la poudre aux yeux,
et — revanche de la justice immanente — la terreur de Tanger,
devenue une simple terreur de Sebasto, sera, à son tour, mis à
l’amende... seulement ce sera par le régisseur. J’espère que
Mac-Lean, et tous les autres Macs du quartier ne manqueront pas
d’assister comme revanche à cette première sensationnelle. Et
si plus tard, en bon musulman, Raisouli ne veut pas accepter
la croix, pour ne pas ressembler à Mrae Dieulafoy ou ne pas
étonner son petit garçon (je parle de celui du brigand, bien
entendu), on peut toujours lui conférer les palmes d’académie.
MA MAISON.
Je suis gérant et non propriétaire
D’un grand hôtel fort connu dans Paris.
On nous a expliqué pourquoi les Persans préfèrent l’ordre de
la Légion d’honneur à toutes les autres décorations. Il existe,
parait-il, une vieille convention entre la Perse et la France, qui