MANQUE D’ÉGARDS ENVERS LE CHEF DE L ÉTAT
— Voulez-vous que je vous dise, monsieur le paléontologue? Votre Diplodocus est un mufle ! J’ai été lui présenter mes civilités et il ne m’a pas
encore rendu ma visite
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
N’est-ce pas Tallevrand qui prétendait que la vie serait encore
possible... sans les plaisirs?
Les Parisiens qui depuis quinze jours vont de fête en fête,
évoluent d’Auteuil à Longchamp, et du Pré Catelan à Marly,
avec promenades en mails, cirque Molier, représentations d’ama-
teurs, flirt matinal dans les sentiers de la vertu, et flirt nocturne
dans tous les salons où l’on danse, doivent être certainement de
cet avis.
Le mal aux cheveux, c’est le commencement de la sagesse.
Parmi ces distractions, on doit une mention spéciale au
« gala » (sic) organisé par certain grand music-hall montmar-
trois. A l’occasion de ce gala, il y eut concours de dessous, con-
cours de poitrines, concours de jambes, concours de tailles et
concours de mimique amoureuse (?). Pour que le vote fût plus
impartial, les concurrentes étaient cachées derrière des toiles,
dans lesquelles des trous pratiqués au bon endroit ne lais-
saient passer que des gorges altières— pommes ou poires — et
des jambes gainées de bas de soie couleur tendre. Les specta-
teurs, mis en joie par cette orgie Néronienne, avec une délica-
tesse et un atticisme qu’on ne saurait trop admirer envoyaient
contre ces seins nus et ces jambes suggestives, des bouchons
de vin de Champagne, des petits pains et même des cuillères.
Après cela, une dame, toute nue sous une robe de gaze vert
d'eau très transparente, vint exécuter des danses serpentines, et,
au hasard des envolements de l’étoffe, nous perçûmes l’agilité
de la danseuse « et autre chose itou que je ne saurais dire ». La
fête se termina en apothéose, et les triomphatrices gagnèrent
des bijoux, des boites de parfum, un mouton, et un cochon
vivant.
Une fois de plus, M. Bérenger — l’ancien continent — dut
avoir envie de pleurer, et je crois bien que la danseuse en gaze
verte éprouva, par la suite, quelques désagréments avec la
police :
Nous n’avions pas, hélas!
Prévu l’explosion des gazes,
comme on chantait dans la fameuse chanson du Crime du Pecq.
Le magistrat chargé de cette petite affaire de mœurs s’est
montré plus convenable que le magistrat de Manchester qui,
faisant comparaître devant lui une jeune « gœl » accusée
d’avoir montré au public des dessous trop aguichants, demanda
à fourrer son nez dans ces dessous — il était peut-être myope,
cet homme? — pour mieux constater en quoi avait consisté le
délit, et s’attira, de la danseuse^ cette réponse sévère mais juste,
en anglais tel qu’on le parle :
— Vous n’êtes qu’un vieux saligaud.
Là-dessus, l’autorité qui voulait voir, mais ne pas avoir le
dessous, a fermé l’établissement où avait eu lieu l’exhibition
impudique, et a donné aux maris un conseil que je n’hésite pas
à trouver stupéfiant :
— Si vous tenez absolument à voir une personne ainsi dévê-
tue, vous n’avez qu’à prier votre femme de vous fournir ce
spectacle.
Etje vois d’ici le mari disant à son épouse, en revenant du
music-hall :
— Allons, Poupoule, un peu de complaisance. Le magistrat
l’a dit : tu dois te déshabiller, et m’exécuter « la mouillette » a
domicile.
Ce sera peut-être excellent pour la repopulation, mais nous
avions cru jusqu’ici que ce dévergondage ne devait pas avoir la
famille pour asile, et que les courtisanes avaient été précisé-
ment créées pour défendre la dignité du foyer et la pudeur des
matrones.
*
* *
On se fait d’ailleurs des idées très fausses sur la classification
sociale.
Voici, par exemple, Mlle Tallavigne, l’intéressante victime de
l’acrobate Priatel, qui l’avait rencontrée au Moulin-Rouge, et
qui, pendant plusieurs jours et plusieurs nuits l’avait pilotée.—
je dis pilotée — de bouibouis en bouibouis, avant la tentative
d’assassinat dans le garni de la rue Taylor.
Vous vous figurez peut-être que... eh ! bien, pas du tout. Nous
avons affaire à une très grande et noble dame, descendante
d’une ancienne famille de Montpellier, la branche de Sizeau. La
famille Tallavigne porte d'argent à une main au naturel mou-
vante (pourquoi faire, Seigneur!!) et taillant un cep de vigne
sinople mouvant dune terrasse de même.
Espérons que la vigne était bien taillée ; d’après l’étymologie
espagnole — car il y a un ancêtre espagnol dans l’affaire, le
nom primitif était Tata-Vina (prononcez Vigna), d’où on a fait
Tallavigne. Va pour Tata!
Enfin, cette branche de Sizeau était certainement une vieille
branche, car on remonte par filiation authentique jusqu’à 1595
et Jehan de Tallavigne avait le droit d’entrer à cheval dans la
cathédrale de Burgos, ce qui a certainement plus d’allure que
d’entrer à pied au « Monico » ou au « Rat-Mort ».
On nous annonce que la charmante aristocrate est en corn-
— Voulez-vous que je vous dise, monsieur le paléontologue? Votre Diplodocus est un mufle ! J’ai été lui présenter mes civilités et il ne m’a pas
encore rendu ma visite
LES POTINS DE PARIS
Par SNOB
N’est-ce pas Tallevrand qui prétendait que la vie serait encore
possible... sans les plaisirs?
Les Parisiens qui depuis quinze jours vont de fête en fête,
évoluent d’Auteuil à Longchamp, et du Pré Catelan à Marly,
avec promenades en mails, cirque Molier, représentations d’ama-
teurs, flirt matinal dans les sentiers de la vertu, et flirt nocturne
dans tous les salons où l’on danse, doivent être certainement de
cet avis.
Le mal aux cheveux, c’est le commencement de la sagesse.
Parmi ces distractions, on doit une mention spéciale au
« gala » (sic) organisé par certain grand music-hall montmar-
trois. A l’occasion de ce gala, il y eut concours de dessous, con-
cours de poitrines, concours de jambes, concours de tailles et
concours de mimique amoureuse (?). Pour que le vote fût plus
impartial, les concurrentes étaient cachées derrière des toiles,
dans lesquelles des trous pratiqués au bon endroit ne lais-
saient passer que des gorges altières— pommes ou poires — et
des jambes gainées de bas de soie couleur tendre. Les specta-
teurs, mis en joie par cette orgie Néronienne, avec une délica-
tesse et un atticisme qu’on ne saurait trop admirer envoyaient
contre ces seins nus et ces jambes suggestives, des bouchons
de vin de Champagne, des petits pains et même des cuillères.
Après cela, une dame, toute nue sous une robe de gaze vert
d'eau très transparente, vint exécuter des danses serpentines, et,
au hasard des envolements de l’étoffe, nous perçûmes l’agilité
de la danseuse « et autre chose itou que je ne saurais dire ». La
fête se termina en apothéose, et les triomphatrices gagnèrent
des bijoux, des boites de parfum, un mouton, et un cochon
vivant.
Une fois de plus, M. Bérenger — l’ancien continent — dut
avoir envie de pleurer, et je crois bien que la danseuse en gaze
verte éprouva, par la suite, quelques désagréments avec la
police :
Nous n’avions pas, hélas!
Prévu l’explosion des gazes,
comme on chantait dans la fameuse chanson du Crime du Pecq.
Le magistrat chargé de cette petite affaire de mœurs s’est
montré plus convenable que le magistrat de Manchester qui,
faisant comparaître devant lui une jeune « gœl » accusée
d’avoir montré au public des dessous trop aguichants, demanda
à fourrer son nez dans ces dessous — il était peut-être myope,
cet homme? — pour mieux constater en quoi avait consisté le
délit, et s’attira, de la danseuse^ cette réponse sévère mais juste,
en anglais tel qu’on le parle :
— Vous n’êtes qu’un vieux saligaud.
Là-dessus, l’autorité qui voulait voir, mais ne pas avoir le
dessous, a fermé l’établissement où avait eu lieu l’exhibition
impudique, et a donné aux maris un conseil que je n’hésite pas
à trouver stupéfiant :
— Si vous tenez absolument à voir une personne ainsi dévê-
tue, vous n’avez qu’à prier votre femme de vous fournir ce
spectacle.
Etje vois d’ici le mari disant à son épouse, en revenant du
music-hall :
— Allons, Poupoule, un peu de complaisance. Le magistrat
l’a dit : tu dois te déshabiller, et m’exécuter « la mouillette » a
domicile.
Ce sera peut-être excellent pour la repopulation, mais nous
avions cru jusqu’ici que ce dévergondage ne devait pas avoir la
famille pour asile, et que les courtisanes avaient été précisé-
ment créées pour défendre la dignité du foyer et la pudeur des
matrones.
*
* *
On se fait d’ailleurs des idées très fausses sur la classification
sociale.
Voici, par exemple, Mlle Tallavigne, l’intéressante victime de
l’acrobate Priatel, qui l’avait rencontrée au Moulin-Rouge, et
qui, pendant plusieurs jours et plusieurs nuits l’avait pilotée.—
je dis pilotée — de bouibouis en bouibouis, avant la tentative
d’assassinat dans le garni de la rue Taylor.
Vous vous figurez peut-être que... eh ! bien, pas du tout. Nous
avons affaire à une très grande et noble dame, descendante
d’une ancienne famille de Montpellier, la branche de Sizeau. La
famille Tallavigne porte d'argent à une main au naturel mou-
vante (pourquoi faire, Seigneur!!) et taillant un cep de vigne
sinople mouvant dune terrasse de même.
Espérons que la vigne était bien taillée ; d’après l’étymologie
espagnole — car il y a un ancêtre espagnol dans l’affaire, le
nom primitif était Tata-Vina (prononcez Vigna), d’où on a fait
Tallavigne. Va pour Tata!
Enfin, cette branche de Sizeau était certainement une vieille
branche, car on remonte par filiation authentique jusqu’à 1595
et Jehan de Tallavigne avait le droit d’entrer à cheval dans la
cathédrale de Burgos, ce qui a certainement plus d’allure que
d’entrer à pied au « Monico » ou au « Rat-Mort ».
On nous annonce que la charmante aristocrate est en corn-