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Le rire: journal humoristique — N.S. 1909 (Nr. 309-360)

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https://doi.org/10.11588/diglit.23996#0017

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Le théâtre de l’Œuvre.

LE RIRE AU THÉÂTRE

j’ai un ami, qui excelle à tourner en apo-
logues les aventures marquantes de la vie
courante.

Or voici celui qu’il me débita l’autre
jour :

« Le poète, le vaudeville, et les trois
directeurs., fable.

« Il était une fois, dans un beau théâtre
de Paris, trois directeurs aimables, intelli-
gents et pleins detalent, — des directeurs,
en un mot, comme on n’en voit guère. Ces
trois directeurs professaient, à l’endroit
d’un poète jeune encore et illustré par de
retentissants succès, une admiration sans
bornes et ils attendaient la fortune et la
gloire d une œuvre de lui, si belle que
jamais on ne vit sa pareille sous le lustre
d’un théâtre.

« Mais le poète, comme tous les poètes,

était capricieux. Il aimait à se faire prier.
Les trois directeurs le priaient toutes les
semaines, depuis six ans, de leur remettre
son manuscrit, et, toutes les semaines, ils
faisaient, pour cela, un voyage de 1500 ki-
lomètres. Mais plus ils priaient, plus le
poète s’obstinait à garder pour sa seule
petite famille la pièce incomparable. Et les
directeurs se rongeaient, et ils pleuraient
toutes les larmes de leurs trois corps en
montant, sur leur théâtre, pour tromper
leur impatience, des reprises et des reprises
et encore des reprises.

« Or il advint qu’un beau jour, un bon
gros vaudevilliste apporta aux trois direc-
teurs un bon gros drame. « Montons tou-
jours cela en attendant, se dirent-ils. Ça
tiendra de la place et ce n’est pas sale.
Nous tâcherons de marcher un mois ou six
semaines en attendant l’incomparable ma-
nuscrit de l’incomparable poète. »

« Mais voici où l’aventure devient origi-
nale. Le public s’emballa sur le bon gros
drame du bon gros vaudevilliste. Il versa
des torrents de larmes et fit entendre des
tempêtes de bravos. Et ce fut dès lors, au
bureau de location, une procession inin-
terrompue de Parisiens et de Parisiennes

Votre revue est stupide... On n’y voit pas de nombrils et on n’y dit pas une seule fois m.... !

Dessin ci’IsEii,

impatients d’aller pleurer et tempêter. L'or
coulait à flots dans la caisse des directeurs
et l’on prévoyait que ce flot ne serait pas
de longtemps tari. Quant au poète, inquiet,
il envoyait dès le lendemain matin son ma-
nuscrit et Ton annonce son arrivée immi-
nente dans la capitale pour hâter les répé-
titions de sa pièce.

« Malheureusement -— pour lui — le
public pourrait bien faire attendre beau-
coup plus longtemps qu’il ne voudrait.

« Morale à l'usage de l'auteur :

« Rien ne sert de courir, il faut partir à
temps. >•

« Morale à l'usage des directeurs :

« Un bon tiens vaut mieux que deux tu
l’auras. »

« Morale générale :

« Chacun son tour. »

Vous avez deviné — les lecteurs du Rire
sont très intelligents — que la pièce du
poète s’intitule Chantecler, que celle du
bon gi’os vaudevilliste est la Femme X...
de M. Alexandre Bisson et que les trois
directeurs s'appellent Henry Hertz et Co-
quelin père et fils

Et en effet la Femme X... est un gros,
gros succès, qui tient le record des bravos
et des larmes, avec Jane Hading, admira-
ble; Monteux, Dorival, émouvants; Jean
Coquelin, Laroche, pittoresques; Bellucci,
Chabert, comiques.

Pourvu que M. Rostand n’aille pas faire
un procès à la direction de la Porte-Saint-
Martin sous prétexte qu’elle s’est permis
d’avoir un gros succès sans lui — un gros
succès qui retarde le sien !

Si vous avez dans votre famille une jeune
fille en âge d’être mariée et qui n’a pas
encore trouvé de conjoint, ne la conduisez
pas voir le Lys de MM. Pierre Wolff et
Gaston Leroux, au Vaudeville. Car ce Lys,
sous ses dehors virginaux, est une fleur de
perdition dont les débordements feraient
rougir le pire des camélias, la plus déver-
gondée des orchidées, le gratte-cul le plus
déterminé. Le Lys, lui ne rougit pas.
Fleur blanche il est, fleur blanche il reste.

Le Lys, en effet, soutient cette thèse
hardie : les jeunes filles ont droit à l’amour,
aussi bien que les autres. C’est par suite
d’un vieux préjugé un peu ridicule que
nous les obligeons à garder pour elles toutes
seules les ardeurs d’un tempérament qui ne
demanderait qu’à se partager.

A l’Œuvre, l’ami Lugné-Poë, nous a offert
un joyeux vaudeville, sous ce titre : la
Dame qui n’est plus aux Camélias. Il pré-
pare, affirme-t-on, une pièce d’idées qui
s’intitulera : la Dame qui n’est plus de
chez Maxim's.

* Léo Marches.
 
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