Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le rire: journal humoristique — N.S. 1909 (Nr. 309-360)

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.23996#0056

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
i

i^v

LES EXCUSES DE M. FALLIERES

— Tous mes regrets, messieurs, mais je n’ai pas voulu faire de jaloux... Vous étiez quatre... et il n’y a que trois grâces!

A BATONS ROMPUS

Vous rappelez-vous cette froide et sculpturale personne
qui, toujours décolletée jusqu’au nombril (exclusivement),
remorquait dans toutes les réceptions mondaines un insignifiant
mari chauve, piteux et bedonnant — celle que, si longtemps, on
appela -< la belle madame X... »?

Elle avait une nièce, beaucoup moins belle, mais beaucoup
moins froide, qui, mariée, boise le chef de son conjoint à ce
point que le pauvre homme ne pourrait passer qu’en baissant
la tête sous l’arc-en-ciel.

La semaine dernière, l'ardente nièce de l’ex-belle madame
se trouvait, comme chaque après-midi que Dieu lui donne,
dans une garçonnière du quartier de l’Europe, en compagnie
de l’élu du jour, un sous-préfet de Tarn-et-Meuse en congé.

Tout d'un coup... mauvaise digestion? extases trop rappro-
chées? nous l’ignorons... la dame se trouve mal. L’heureux
amant, très embêté, court, aussi vite que peut courir un sous-
préfet qui craint d’être révoqué, chez le pharmacien voisin,
explique son cas, sa carrière compromise par le scandale iné-
vitable; car M. Clemenceau ne badine pas avec l’amour.

Touché, le potard ingénieux s’exprima en ces termes :

— 11 faut prévoir le pire : si la pauvre dame n’en revient
pas, il est indispensable que sa famille ne la vienne point
reconnaître dans votre aimoir. Je vais donc avec vous la cher-
cher, nous la transporterons dans ma boutique, où nous dirons
qu’elle est entrée et qu'elle a été prise d’une syncope pour
avoir attrapé froid en pataugeant dans les ignobles marécages
que nous devons à l’incurie (toute semblable à l’incurie d’Au-
gias) de l’économe M. de Pontich, homme expert à joindre les
deux boues.

Il fut fait comme ce pharmacien disert avait dit. La dame, en-
veloppée dans des couvertures, fut transportée dans l’officine de
l’obligeant apothicaire. Son évanouissement n’offrait, d’ailleurs,
aucun caractère de gravité; on la ranima à l’aide de compresses
vinaigrées sur le front et de sinapismes aux cuisses — ceux-ci
d’une application d’autant plus facile que, pour s’entretenir
avec le sous-préfet des intérêts du Tarn-et-Meuse, cette femme
aimante n'avait gardé que ses bas... Enfin, elle reprit ses sens,
sourit, et dit :

— Ça va beaucoup mieux, je vous remercie...

Puis elle s’aperçut qu’elle était nue et demanda :

— Tiens! où sont donc mes bagues?

fil parait que, dans les garçonnières, les femmes du monde
posent leurs bagues sur la cheminée.)

C’est ici que l’histoire se corse : jamais, en dépit des plus

actives recherches, aucune des bagues — nombreuses et de
prix — ne put être retrouvée. Qui les a prises? L’amant appar-
tient aux classes dirigeantes; le pharmacien est de première
classe; ainsi, tous deux sont au-dessus du soupçon. Il semble
pourtant que c’est l’un d’eux forcément — nulle autre personne
n’ayant pénétré dans la garçonnière — qui fut l’Albérich ravis-
seur de ces anneaux. Chacun est, d’ailleurs, bien convaincu que
le coupable ne peut être un tiers, et ils ont échangé les propos
les plus désobligeants, sans résultat : les bijoux baladeurs ne
reviendront pas dans leurs écrins.

L’histoire n’eut pas d’autre suite; le fonctionnaire désirait
par-dessus tout n’être point mêlé à une « sale affaire ■> et le
pharmacien ne tenait pas à révéler qu’il a exercé illégalement
la médecine. Tels sont, du moins, les prétextes qu’ils invoquè-
rent, respectivement, pour ne se point adresser au commissaire
de police. Le sous-préfet, cependant, se promit de renoncer
aux femmes du monde : le pharmacien jura (mais un potard)
qu’on ne l’y prendrait plus à secourir les évanouissements des
adultères.

La dame, elle, n’a pas porté plainte: estimant, sans doute, que
M. Hamard a déjà bien assez de mal à ne point élucider le mystère
de l’impasseRonsin, elle a pris son parti de la mésaventure et la
résolution de se faire offrir de nouvelles bagues par son excel-
lent mari : mais celles-ci, elle les gardera aux doigts, désormais,
quand elle causera avec un amant. Tant pis si ça l’incommode...

*

* *

Le vieux marquis de Saint-Zède, blanc d’Espagne endurci,
possédait une fille tellement laide que les plus purs partisans de
la Royauté légitime se défilaient au grand trot quand on la leur
proposait. On avait cherché partout un mari pour Yolande de
Saint-Zède : on ne l’avait trouvé nulle part et le marquis se déso-
lait d’autant plus de ne pouvoir caser sa fille que '-elle-ci, aigrie
par ce célibat qui se prolongeait, lui rendait l’existence insup-
portable.

Mais, un beau jour, l’abbé Rézina, brave homme qui prenait
pitié du desespoir du tendre père et confident des aspirations
du laideron nubile, prononça des paroles telles que la demeure
maussade s’illumina d’espoir :

—- Monsieur le marquis, je connais un jeune homme honnête
et bien constitué qui épouserait Mlle Yolande...

— L’abbé! vous avez bien dit... je ne rêve pas... il 1 épouse-
rait?

— Oui, monsieur le marquis, mais...

— Pas de mais, l’abbé! Je la lui donne : amenez-le sans
tarder!

— C’est que, monsieur le marquis, vous qui êtes blanc...

— Oui, blanc d’Espagne, et je m’en vante. Mais il faut, parfois.
 
Annotationen